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Le gouverneur de la province de Soueïda, Mustafa al-Bakkour, demeure absent de son bureau depuis le 22 mai dernier. Cette absence fait suite à une attaque dont il a été victime, ainsi qu’à sa détention temporaire par des miliciens druzes hors-la-loi. Selon une source locale proche du gouverneur, les raisons sécuritaires liées à la prolifération des armes dans la région entravent son retour à ses fonctions.
Située à environ 100 kilomètres au sud de Damas, la province de Soueïda enregistre chaque mois des dizaines de cas de meurtres et d’accidents mortels causés par une mauvaise utilisation des armes. Ce phénomène se développe dans un contexte où les autorités religieuses et sociales locales peinent à mettre en place un mécanisme efficace pour désarmer les individus et concentrer la détention des armes entre les mains de l’État et de ses institutions.
Contexte sécuritaire préoccupant à Soueïda
Le siège principal du bâtiment administratif de la province, habituellement gardé par des agents de la police judiciaire, est désormais déserté, illustrant le climat d’insécurité persistante.
Réactions du mouvement protestataire
Le flou qui règne dans la situation sécuritaire a encouragé la Commission politique et le bureau administratif du mouvement contestataire antérieur au régime d’Assad à revendiquer le contrôle d’un bureau supplémentaire dans le bâtiment de la gouvernance, allant jusqu’à envisager de recourir à la force.
Samir Amer, membre du bureau exécutif de la province, a démenti que cette démarche vise à instaurer une gestion autonome de la province, distincte de Damas. Il a déclaré à Al Jazeera : « Cette position, exprimée par certains activistes ayant participé auparavant au mouvement, reflète leur point de vue sur le pouvoir actuel. Soueïda ne suit pas l’opinion d’une seule personne, mais il est clair que la seule voie de salut de la ville passe par Damas et son État unificateur. »
Il ajoute que « ces individus ne prônent pas la séparation, d’autant que Soueïda n’a jamais connu un climat favorable à une telle idée malgré des tentatives antérieures qui n’ont jamais abouti. »
Mandat d’arrêt et tensions judiciaires
Le gouverneur Mustafa al-Bakkour a ordonné le 6 juillet aux forces de sécurité intérieure de poursuivre huit personnes, leur reprochant des « multiples violations, des atteintes à l’autorité de l’État et des interventions dans les affaires des employés publics ». Cette directive figure dans un mandat d’arrêt dont Al Jazeera a obtenu copie.
Salih Alameddine, membre du comité politique du mouvement et l’un des visés par ce mandat, affirme que leur présence dans les locaux de la gouvernance fait suite à la chute du régime d’Assad pour « combattre la corruption, destituer les responsables impliqués et les poursuivre judiciairement ». Selon lui, le mouvement a pris le contrôle du bâtiment dès la chute du régime.
Il déplore que le bureau exécutif précédent ait été entièrement remplacé sans élections démocratiques, accusant le gouverneur de nominations arbitraires.
En revanche, Jamal Darwish, membre du Congrès national de dialogue, nie ces accusations en se référant à un protocole d’accord signé en mars dernier dans la maison des chaînes locales en présence du cheikh Hikmat al-Hijri et du gouverneur al-Bakkour. Ce protocole prévoyait la création d’un bureau exécutif composé de huit membres pour superviser l’administration locale.
Darwish précise que ce bureau supervise la gestion financière et administrative des institutions publiques, et considère que l’occupation illégale du bâtiment par certains activistes a justifié la plainte déposée contre eux, ayant conduit à leur arrestation.
Pour sa part, Moutassem al-Arbid, membre du bureau exécutif, estime qu’il n’y a pas de message politique derrière cette action. Il souligne que ces activistes prétendent avoir un droit d’occupation basé sur leur présence antérieure, alors que le bureau exécutif actuel se concentre sur des missions administratives et de service public.
Il affirme également que si la lutte contre la corruption est légitime, cela ne justifie pas une prise forcée des locaux, et que les dossiers pertinents auraient dû être soumis aux autorités compétentes.
Facteurs et enjeux sous-jacents
Des observateurs locaux relient cette récente escalade, notamment l’intrusion dans le bâtiment de la gouvernance, à la défaite partielle du projet nommé « Garde nationale druze », dirigé par Salman al-Hijri, fils du cheikh Hikmat al-Hijri.
Selon ces observateurs, le gouvernement a rejeté la majorité des 2800 candidats proposés pour renforcer ce groupe armé, les considérant comme des reliquats du régime précédent ou comme des auteurs de crimes de guerre contre la révolution syrienne. Seuls 900 noms ont été retenus.
Le ministère de la Défense a aussi refusé d’accorder des pouvoirs militaires et opérationnels étendus au fils d’Hijri, contestant sa volonté de placer cette garde sous contrôle direct de ce ministère.
Pour Jamal Darwish, les événements à Soueïda ne témoignent pas de la formation d’une autorité locale parallèle au gouvernement de Damas. Il affirme : « Soueïda n’est pas isolée du centre. Ses habitants font partie intégrante du peuple syrien. La province a réaffirmé à plusieurs reprises son rejet des projets séparatistes tout en restant attachée à son identité nationale syrienne. »
Enfin, la commission politique et le bureau administratif du mouvement avaient organisé une manifestation mercredi dernier, mais le nombre de participants est resté très limité.