Home ActualitéCrise humanitaire à Darfour : des milliers de déplacés survivent à Touila

Crise humanitaire à Darfour : des milliers de déplacés survivent à Touila

by Sara
Soudan

À la périphérie de Touila, à 68 kilomètres à l’ouest d’El Fasher dans le nord du Darfour, des tentes délabrées et des abris de paille abritent des milliers de déplacés fuyant les combats. Après deux années de bombardements, de sièges et de privations, des vagues de civils ont entrepris des trajets périlleux, quittant leurs foyers vers un avenir incertain.

Un exode brutal

Parmi les arrivants, Fatima Abdallah, mère de cinq enfants, est arrivée à Touila il y a deux jours après avoir marché pendant des jours. Elle raconte avoir fui El Fasher sous une pluie d’obus, n’ayant emporté que ses enfants et un peu d’eau. En chemin, elle a été victime de pillages à deux reprises et a perdu son mari.

Malgré l’épuisement et la douleur, Fatima garde un mince espoir : « Nous sommes en vie, et cela relève du miracle. Nous espérons que le monde entendra nos cris et ne nous laissera pas seuls dans cet enfer. »

Selon Adam Rajal, porte-parole de la coordination des déplacés et réfugiés au Darfour, plus de 3 000 personnes ont atteint Touila en seulement dix jours. Entre le 18 et le 27 octobre, 831 familles — soit environ 3 038 individus — ont été recensées, et les arrivées continuent d’augmenter chaque jour.

Conditions des déplacés à Touila - tentes et abris précaires

Conditions de vie et besoins urgents

En l’absence d’infrastructures et de services de base, la situation humanitaire est qualifiée de « catastrophique ». La plupart des déplacés dorment à même le sol, à l’air libre ou sous quelques branchages, en attente d’une intervention des organisations humanitaires.

Les responsables locaux indiquent que des terrains ont été mis à disposition pour l’accueil, mais sans aucune installation. Les besoins immédiats incluent :

  • tentes et abris adaptés,
  • eau potable et fournitures d’hygiène,
  • infrastructures sanitaires et soins médicaux d’urgence,
  • aliments et prises en charge contre la malnutrition,
  • assistance psychosociale et protection.

Ahmed Hussein, responsable à la « Taqiyya de Touila », rapporte que la majorité des nouveaux arrivants campent actuellement à l’ombre des arbres du camp dit « Dubo al-Omda », dans des conditions extrêmes. Certains ont pu rejoindre des proches en ville et ont été accueillis par les autorités locales.

Scène complexe et réponses limitées

Certaines organisations internationales, dont Médecins Sans Frontières et l’UNICEF, ont commencé à fournir une assistance médicale et des soutiens limités. Cependant, l’ampleur des besoins dépasse largement l’aide disponible.

Des coordinateurs locaux, comme Sara Mohammed, expliquent que les efforts sont entravés par un manque criant de financements et d’approvisionnements. Elles appellent à un renforcement urgent des livraisons de nourriture, de médicaments, de kits d’hygiène et de tentes.

Tentes et abris - besoin urgent pour les déplacés de Fashir

Contexte militaire et déplacement massif

La nouvelle vague de déplacements suit l’annonce de la prise d’El Fasher par les forces de soutien rapide après des combats intenses contre l’armée soudanaise et ses alliés. Des témoignages locaux et des rapports de droits humains accusent ces forces d’avoir commis de larges violations, y compris des exécutions et des violences à caractère ethnique.

El Fasher, dernier bastion de l’armée soudanaise dans la région, était devenu une cible stratégique depuis le début du conflit en avril 2023. Sa chute a déclenché une migration massive vers l’ouest, notamment vers Touila et Kettum.

Touila, contrôlée par le Mouvement de libération du Soudan dirigé par Abdel Wahid Mohamed Nour, s’est imposée comme refuge en raison d’une posture déclarée de neutralité. Les habitants locaux tentent d’accueillir les déplacés, mais leurs capacités sont limitées.

Données sanitaires et appels internationaux

Selon des chiffres récents de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), 1 070 personnes ont fui El Fasher entre le 19 et le 21 octobre, tandis que 770 autres se sont dirigées vers Touila du 2 au 4 octobre, alimentant une pression humanitaire croissante.

La coordinatrice humanitaire des Nations unies pour le Soudan, Denise Brown, a qualifié la situation à Touila de « catastrophique ». Elle a alerté sur la multiplication des violences subies par les populations en fuite, notamment des agressions sexuelles systématiques, des extorsions et l’effondrement des services de santé.

En outre, des équipes d’urgence rapportent des cas de naissance en plein air sans assistance médicale, une forte prévalence de malnutrition aiguë chez les enfants et la propagation de maladies respiratoires et de choléra en l’absence d’une réponse médicale adéquate.

La coordination des déplacés lance un appel pressant aux agences internationales, à l’ONU et aux ONG pour intensifier l’aide et fournir des services vitaux :

  • approvisionnement en eau potable et assainissement,
  • campagnes de vaccination et prise en charge médicale,
  • distribution alimentaire et nutritionnelle,
  • protection et soutien psychosocial pour les survivants de violences.

Une question cruciale

Touila est devenue un refuge de fait pour des milliers de personnes déplacées, mais la ville n’était pas préparée à absorber un tel afflux. Les habitants demandent un soutien international accru pour éviter l’effondrement d’une zone déjà fragile.

La grande interrogation demeure : Touila pourra-t-elle tenir face à cette pression humanitaire croissante, ou est-elle en passe de devenir le théâtre d’une nouvelle crise majeure dans la région ?

source:https://www.aljazeera.net/politics/2025/10/28/%d9%88%d8%b3%d8%b7-%d8%a3%d8%b2%d9%85%d8%a9-%d8%a5%d9%86%d8%b3%d8%a7%d9%86%d9%8a%d8%a9-%d8%a7%d9%84%d9%86%d8%a7%d8%ac%d9%88%d9%86-%d9%85%d9%86-%d8%a7%d9%84%d9%81%d8%a7%d8%b4%d8%b1

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