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Des enregistrements inédits de Klaus Barbie, ancien chef de la Gestapo à Lyon, viennent d’être dévoilés par l’université américaine de Stanford. Datant de 1979, ces témoignages audio apportent une nouvelle version sur la mort de Jean Moulin, figure emblématique de la Résistance française, que Barbie accuse d’avoir mis fin à ses jours lui-même.
Une découverte majeure dans les archives de Klaus Barbie
Ces enregistrements représentent une découverte exceptionnelle, qualifiée par l’historienne Bénédicte Vergez-Chaignon, spécialiste de la Seconde Guerre mondiale, comme « la plus grande découverte sur Klaus Barbie depuis son procès en 1987 ». Trente-quatre ans après la mort de ce criminel nazi, ces documents offrent quatorze heures d’échanges en allemand, retranscrits également en anglais, réalisés sur six jours.
En 1979, Klaus Barbie, alors exilé en Bolivie sous le pseudonyme Klaus Altmann et colonel dans l’armée bolivienne, est interrogé par le journaliste allemand Gerd Heidemann, qui se fait passer pour un mémorialiste. Durant ces entretiens, Barbie revient notamment sur le destin tragique de Jean Moulin, mort en 1943 dans un train en route vers l’Allemagne.
« Il m’a dit, vous allez perdre la guerre » : les confidences de Klaus Barbie
Klaus Barbie dément avoir torturé Jean Moulin, affirmant au contraire avoir eu avec lui des conversations approfondies sur la politique et autres sujets. Il décrit un homme ouvert d’esprit, capable de discuter librement :
- « Il ne fait aucun sens de dire que c’est moi qui l’ai mis dans cet état. Je ne l’ai pas torturé. Il n’a pas été torturé »
- « Nous avons parlé de politique et d’autres choses. Vous pouviez discourir de politique tant que vous vouliez avec lui »
Barbie rapporte que Jean Moulin lui aurait prédit la défaite allemande : « Il m’a dit, vous allez perdre la guerre. Évidemment… vous n’y arriverez pas ». Face à ce silence obstiné, Barbie confesse un certain respect pour le résistant. Il relate aussi que Moulin avait d’abord prétendu être un artiste avant de dévoiler sa véritable identité. Selon Barbie, Jean Moulin ambitionnait même de devenir président de la France, « l’homme de la situation ».
Dans ces enregistrements, Klaus Barbie réitère sa version selon laquelle Jean Moulin se serait donné la mort lui-même en se jetant contre un mur. Il raconte :
« Un de mes soldats n’a pas fait attention. (Moulin) était attaché. Mais je ne lui avais pas entravé les pieds. Il a pris son élan et s’est jeté contre un mur pendant trois heures durant. Il s’est en partie fendu le crâne. Est-ce qu’il est mort à cause de cela ? Oui. »
Une version contestée et un geste paradoxal
Cette explication de Klaus Barbie est largement contestée par les historiens. L’historienne Bénédicte Vergez-Chaignon souligne que la version la plus ancienne évoquait un suicide par chute dans les escaliers de la prison de Montluc, ce qui semblait matériellement improbable compte tenu de la configuration des lieux.
De façon paradoxale, Klaus Barbie confie avoir demandé qu’une fleur soit déposée sur la tombe de Jean Moulin à Paris. Il relate :
« J’avais un ami homme d’affaires autrichien. Il passait quinze jours à Paris. Il m’a appelé du quartier Saint-Georges et m’a dit : ‘Klaus, j’étais aujourd’hui sur la tombe de Moulin, et en ton nom, j’ai fait comme tu me l’as demandé, j’ai déposé une fleur.’ »
Pour Bénédicte Vergez-Chaignon, ce geste reflète le « sens de la provocation aigu » et l’humour très particulier de Klaus Barbie.