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Disparitions forcées à Gaza : une crise humanitaire ignorée

by Sara
Disparitions forcées à Gaza : une crise humanitaire ignorée
Palestine

Une crise humanitaire alarmante à Gaza

Dans l’une des crises humanitaires les plus complexes du XXIe siècle, le Centre d’études politiques et de développement a annoncé que le nombre de disparus dans la bande de Gaza dépasse désormais 14 000 personnes depuis le déclenchement de la dernière guerre.

Parmi ces disparus, on estime que 2 000 à 2 500 individus ont été arrêtés de manière arbitraire par les forces d’occupation israéliennes, sans aucune information officielle sur leur localisation ou leur état.

Ces chiffres, bien qu’importants, ne sont ni définitifs ni totalement précis, en raison des difficultés de documentation dans un contexte d’agression continue et de l’absence de mécanismes de surveillance indépendants.

Cependant, ils donnent une image globale inquiétante de l’ampleur du drame, le nombre réel pouvant être bien plus élevé, notamment dans les zones complètement isolées du monde extérieur pendant plusieurs semaines consécutives.

Une tragédie humaine derrière les chiffres

Au-delà des chiffres, cette situation traduit une tragédie humaine profonde. Elle reflète une réalité quotidienne pour des familles déchirées entre un espoir ténu de retrouvailles et un désespoir renouvelé face au silence du monde.

Des milliers de familles à Gaza vivent dans l’angoisse permanente, se posant la douloureuse question sans réponse : « Où sont mes enfants ? »

Dans le nord comme dans le sud, les bombardements incessants ont détruit des quartiers entiers. De nombreux corps restent ensevelis sous les décombres, tandis que les équipes de secours peinent à accéder aux sites sinistrés, en l’absence d’infrastructures médicales et logistiques capables de gérer l’ampleur de la catastrophe.

Les disparitions forcées : un phénomène inquiétant

Au-delà des massacres, un dossier particulièrement grave émerge : celui des cas de disparitions forcées. Des témoins survivants, ainsi que des rapports de droits humains locaux et internationaux, confirment que les forces d’occupation ont mené des opérations d’arrestations massives dans des zones telles que Beit Hanoun, le camp de Jabalia et Khan Younès.

Ces opérations ont ciblé des civils de tous âges, sans inculpation ni procès, et en dehors de tout contrôle légal ou humanitaire.

Des familles entières ont disparu sans laisser de traces, tandis que l’État d’occupation refuse toujours de fournir la moindre information ou de permettre à la Croix-Rouge internationale de les visiter.

Le cadre juridique international sur les disparitions forcées

Selon la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 20 décembre 2006, la disparition forcée constitue un crime contre l’humanité lorsqu’elle est commise dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique dirigée contre des populations civiles, et ce crime ne se prescrit pas.

L’article premier de la convention stipule clairement : « Nul ne peut être soumis à une disparition forcée, et aucune circonstance exceptionnelle, qu’il s’agisse d’état de guerre, de menace de guerre, d’instabilité politique interne ou d’autres situations d’exception, ne peut servir de justification à une disparition forcée. »

Israël n’est pas partie à cette convention et ne l’a pas ratifiée, ce qui reflète une absence d’engagement légal précis à son égard. Néanmoins, les règles du droit international coutumier ainsi que le droit international humanitaire interdisent explicitement les disparitions forcées, en particulier dans les conflits armés, et les considèrent comme une violation grave des droits à la vie, à la liberté et à la dignité humaine.

Échec du Conseil des droits de l’homme à agir efficacement

Le rapport Goldstone de 2009 a démontré que le Conseil des droits de l’homme peut, lorsqu’il existe une volonté politique, constituer des commissions d’enquête sérieuses qui soumettent les violations israéliennes au regard du droit international, malgré les résistances politiques et diplomatiques.

Ce rapport avait documenté des violations graves commises par Israël lors de son offensive sur Gaza, évoquant audacieusement des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, marquant une avancée juridique et morale dans la possibilité de tenir l’occupation responsable devant la communauté internationale.

Plus de quinze ans après, le Conseil fait face à un nouveau test tout aussi crucial : la question des disparitions forcées à Gaza.

Un crime dans l’ombre

Ce dossier est aussi grave que les bombardements et destructions. Il représente une facette cachée d’un crime continu, exercé dans l’ombre, loin des caméras et des mécanismes traditionnels de documentation.

Les disparus forcés ne sont pas de simples chiffres, mais des êtres humains conduits vers un destin inconnu, tandis que leurs familles restent suspendues dans l’attente, sans tombe ni nouvelle.

Certains peuvent être détenus en prison, d’autres ensevelis sous les décombres sans que leur sort soit connu. Qui sait ?

Absence d’une commission d’enquête spécifique

Malgré la création ces dernières années de commissions d’enquête sur les violations israéliennes, dont une commission permanente établie en 2021, aucune commission spécialisée exclusivement dédiée aux disparitions forcées à Gaza n’a encore été mise en place.

Cette absence ne s’explique pas seulement par un déficit d’attention institutionnelle, mais reflète surtout la nature du combat politique au sein du Conseil, où les décisions de formation de commissions d’enquête sont souvent bloquées par des pays influents cherchant à protéger Israël de toute responsabilité ou à limiter la portée des enquêtes internationales susceptibles d’accuser de crimes graves tels que les crimes contre l’humanité.

Un travail entravé et limité

La commission permanente elle-même, malgré la gravité des massacres à Gaza, n’a pas été activée à la hauteur des violations commises, probablement en raison du refus d’Israël de coopérer et de lui interdire l’accès aux terrains d’enquête.

Le travail de ces commissions, même fondé sur des faits précis, dépend de la volonté des États membres du Conseil des droits de l’homme, qui déterminent si leurs rapports seront suivis d’actions contraignantes ou resteront de simples documents descriptifs.

Cependant, la simple création officielle d’une commission revêt une valeur politique et juridique symbolique majeure. Elle consigne les faits dans un registre international vérifié, brise le silence et constitue une référence pouvant servir ultérieurement dans des procédures judiciaires internationales, des mécanismes onusiens ou encore dans l’opinion publique mondiale, devenue plus consciente après chaque phase de ce conflit sanglant.

Une problématique délicate et politiquement sensible

La question des disparitions forcées est l’une des plus sensibles et complexes, car elle ne concerne pas seulement la violation du droit à la liberté et à la vie, mais touche aussi à des crimes systématiques commis dans le secret, ce qui gêne politiquement de nombreux États au sein du Conseil des droits de l’homme.

Malgré l’intensification des arrestations lors des incursions terrestres dans le nord de Gaza et à Khan Younès, cette question reste absente de l’agenda du Conseil en tant qu’initiative indépendante, limitées aux actions d’organisations palestiniennes et internationales de défense des droits humains.

Ces efforts font face à d’importants obstacles, notamment la politisation des mécanismes d’enquête onusiens, la difficulté d’accès sur le terrain en raison du blocus, ainsi que la dispersion des efforts face à la multiplicité des violations, ce qui marginalise le dossier des disparitions forcées malgré son importance humaine profonde.

Un rôle palestinien crucial et sous-exploité

Au niveau palestinien, le rôle de l’Autorité palestinienne est également déterminant. Elle possède la légitimité juridique pour s’adresser au Conseil des droits de l’homme au nom de « l’État de Palestine » et demander la création d’une commission d’enquête spécialisée sur ce dossier.

Or, aucune initiative claire n’a été enregistrée à ce jour, soulevant des interrogations sur l’absence de volonté politique ou des calculs diplomatiques freinant l’activation de ces outils légaux.

Le manque de coordination entre les institutions palestiniennes chargées des droits humains et la division interne ont également affaibli l’effort officiel dans ce domaine.

Par ailleurs, des opportunités juridiques restent inexploitées, comme le recours au Comité des Nations Unies sur les disparitions forcées ou le soutien aux organisations indépendantes exigeant des mécanismes efficaces de reddition de comptes.

Les conséquences du silence international

L’absence de ce rôle ne se limite pas à la mise à l’écart du dossier dans l’agenda international, elle aggrave le sentiment d’abandon des familles et maintient l’occupation dans une impunité quasi totale.

Réactiver l’esprit du rapport Goldstone en créant aujourd’hui une commission d’enquête indépendante sur les disparitions forcées et les violations associées n’est plus un luxe politique, mais une nécessité légale, morale et humanitaire.

Le silence face à ce crime ne laisse pas seulement les disparus dans l’ombre, il opprime leurs proches, vide le droit international de son contenu, et instaure une double norme affaiblissant la confiance des peuples dans la justice internationale.

Ce silence international, combiné à l’absence d’un mécanisme indépendant d’enquête et de reddition de comptes, renforce la culture de l’impunité et ouvre la porte à la répétition de ces crimes ailleurs, sans frein juridique ni politique.

Des questions urgentes restent sans réponse

  • Pourquoi l’ONU, et en particulier le Conseil des droits de l’homme, n’ont-ils pas activé de mécanismes d’enquête sérieux face à ce crime continu ?
  • Quel est le rôle de la Croix-Rouge internationale dans la recherche du sort des disparus ?
  • Qui est responsable des images ayant documenté des scènes d’humiliation collective, où des personnes pieds nus et les yeux bandés sont conduites par des soldats israéliens dans des conditions laissant craindre la torture ou l’exécution ?

Ignorer ou contourner ces questions affaiblit non seulement le droit des victimes à la vérité et à la justice, mais compromet aussi les principes mêmes du droit international.

Pour toutes ces raisons, l’établissement immédiat d’une commission d’enquête internationale indépendante sur les disparitions forcées à Gaza n’est pas un simple geste moral, mais une obligation légale et humanitaire à laquelle il est urgent de répondre.

source:https://www.aljazeera.net/opinions/2025/4/18/%d8%a3%d9%8a%d9%86-%d8%a7%d8%ae%d8%aa%d9%81%d9%89-%d8%a3%d9%83%d8%ab%d8%b1-%d9%85%d9%86-14-%d8%a3%d9%84%d9%81-%d9%81%d9%84%d8%b3%d8%b7%d9%8a%d9%86%d9%8a-%d9%81%d9%8a-%d8%ba%d8%b2%d8%a9

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