Home ActualitéÉchec des pourparlers Pakistan-Afghanistan : tensions croissantes en vue

Échec des pourparlers Pakistan-Afghanistan : tensions croissantes en vue

by Sara
Pakistan, Afghanistan

Après trois jours de pourparlers à Istanbul, les négociations entre le Pakistan et l’Afghanistan visant à désamorcer un affrontement violent et croissant semblent au point mort. Les mediations menées par le Qatar et la Turquie suivaient une trêve temporaire conclue à Doha le 19 octobre, mais les protagonistes n’ont pas réussi à consolider cet accord.

Blocage des discussions et accusations réciproques

Des responsables pakistanais ont indiqué que les pourparlers avaient duré près de 18 heures lundi, sans aboutir. Islamabad a accusé la délégation afghane d’avoir modifié sa position sur la demande centrale pakistanaise : que Kaboul réprime le groupe armé Tehreek-e-Taliban Pakistan (TTP).

Un responsable, s’exprimant sous le couvert de l’anonymat en raison de la sensibilité des échanges, a affirmé que « les instructions reçues de Kaboul » compliquaient les négociations. En retour, les médias afghans ont rapporté que Kaboul reprochait au Pakistan un « manque de coordination », estimant que la délégation pakistanaise ne présentait pas d’arguments clairs et qu’elle quittait fréquemment la table des négociations.

La délégation afghane était dirigée par Haji Najib, sous-ministre aux affaires administratives du ministère de l’Intérieur. Le Pakistan, lui, n’a pas rendu publics les noms de ses représentants.

Contexte : trêve fragile et attaques transfrontalières

Les discussions de crise faisaient suite à un premier cycle de dialogue à Doha et à un cessez-le-feu temporaire intervenu après une semaine de combats. Les affrontements transfrontaliers récents ont fait des dizaines de morts parmi militaires et civils, des deux côtés de la frontière.

Parmi les développements récents :

  • Multiples attaques et ripostes ayant causé des pertes humaines côté pakistanais et afghan.
  • Des milliers de blessés et des déplacements locaux liés aux violences.
  • Des tensions alimentées par des accusations mutuelles d’abriter des groupes armés.

Une amitié tendue

Historiquement, le Pakistan était considéré comme le principal soutien des talibans afghans, et l’arrivée au pouvoir des talibans en août 2021 avait été accueillie favorablement par de nombreux Pakistanais. Depuis, les relations se sont nettement dégradées, en grande partie à cause du TTP.

Le TTP, apparu en 2007 durant la « guerre contre le terrorisme », mène depuis longtemps une campagne contre Islamabad. Il réclame notamment la libération de ses membres emprisonnés au Pakistan et s’oppose à l’intégration des anciennes zones tribales dans la province du Khyber Pakhtunkhwa.

Islamabad accuse Kaboul d’offrir un sanctuaire non seulement au TTP, mais aussi à d’autres groupes comme l’Armée de libération du Baloutchistan et l’affilié de l’EI en Afghanistan, l’ISKP — allégations que les autorités afghanes contestent.

Agent de police sur un poste avancé à la périphérie de Peshawar, Pakistan

Légende : Les forces de sécurité pakistanaises ont été de plus en plus visées par des attaques attribuées au TTP (Fayaz Aziz/Reuters).

Bilan en hausse et inquiétudes

Ces derniers jours, plusieurs attaques ont coûté la vie à plus d’une vingtaine de soldats pakistanais, dont des officiers. L’année 2024 a été l’une des plus meurtrières pour le Pakistan depuis près d’une décennie, et 2025 pourrait dépasser ce triste record selon des analystes.

Les attaques ont ciblé civils et forces de sécurité, surtout dans les provinces du Khyber Pakhtunkhwa et du Baloutchistan. Un rapport récent d’ACLED indique que le TTP a mené au moins 600 attaques ou affrontements contre les forces de sécurité au cours de l’année écoulée.

Des analystes de sécurité basés à Islamabad estiment que les liens idéologiques entre les talibans afghans et le TTP rendent difficile toute dissociation, compliquant ainsi les efforts pakistanais pour neutraliser la menace sans actions militaires.

Diplomatie sous pression

Ces dernières semaines, le Pakistan et l’Afghanistan ont multiplié les démarches diplomatiques, encouragées par la Chine, le Qatar et la Turquie. Malgré cela, les observateurs estiment qu’Islamabad dispose de peu d’options non militaires si la situation continue de se détériorer.

Le ministre pakistanais de la Défense a récemment évoqué la possibilité d’une « guerre ouverte » si les négociations échouaient, propos qui pourraient annoncer des frappes aériennes ciblées ou des opérations transfrontalières contre des sanctuaires présumés du TTP.

Les médiateurs — notamment le Qatar et la Turquie — pourraient tenter une ultime relance ou proposer un nouveau lieu pour les discussions. Il existe par ailleurs une probabilité limitée que d’autres pays s’impliquent, après des signaux de disponibilité à intervenir en faveur d’une désescalade.

Parmi les leviers évoqués par des experts :

  • Incitations économiques et aide conditionnée au respect du cessez-le-feu.
  • Médiation internationale pour garantir des garanties de mise en œuvre.
  • Pression diplomatique coordonnée avec des acteurs régionaux.

Ministres de la Défense afghan et pakistanais se serrent la main après la signature d'un accord de cessez-le-feu

Légende : Mullah Mohammad Yaqoob Mujahid (Afghanistan) et Khawaja Muhammad Asif (Pakistan) après la signature du cessez-le-feu à Doha (Handout/Qatar Ministry of Foreign Affairs via Reuters).

Conséquences imprévues et risques d’escalade

Les analystes préviennent qu’une action militaire pakistanaise risquerait d’alimenter la popularité des talibans dans certaines régions et d’accroître l’hostilité anti-pakistanaise. Des opérations intensives pourraient aussi provoquer des pertes civiles, renforçant la colère et la résonance du discours taliban.

Certains observateurs estiment qu’une éventuelle fatwa ou une directive du chef suprême des talibans, Haibatullah Akhunzada, appelant au djihad contre le Pakistan pourrait attirer de nombreux jeunes afghans vers le conflit, exacerbant une crise déjà lourde de conséquences humaines.

Les conséquences possibles :

  • Renforcement du TTP, qui pourrait se sentir encouragé à intensifier ses attaques contre l’armée pakistanaise.
  • Multiplication des déplacements de population et aggravation de la crise humanitaire transfrontalière.
  • Risque d’implication régionale accrue si les voisins interviennent pour stabiliser la situation.

Perspectives

Malgré les efforts diplomatiques, la profonde méfiance mutuelle et des priorités divergentes rendent difficile une solution durable. Les prochains jours seront déterminants : soit les médiateurs parviennent à relancer un dialogue constructif, soit la dynamique actuelle rapproche les deux pays d’une confrontation plus large.

Mots-clés à garder en tête pour le suivi de la situation : pourparlers Pakistan Afghanistan, TTP, cessez-le-feu, sécurité régionale.

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source:https://www.aljazeera.com/news/2025/10/29/last-ditch-push-pakistan-afghanistan-talks-falter-amid-deep-mistrust

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