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L’élection du pape demeure un événement fascinant qui attire l’attention bien au-delà des seuls croyants, inspirant même le cinéma à travers des intrigues mystérieuses. Pour l’historien du droit canonique Kevin Kulp, de l’université Goethe de Francfort, ce succès s’explique par un double paradoxe : d’un côté, la tension entre un intérêt maximal du public et un secret absolu, de l’autre, la contradiction entre un acte de choix humain et l’espérance d’une inspiration divine par le Saint-Esprit.
Un secret gardé sous peine d’excommunication
Les cardinaux participants au conclave sont strictement interdits, sous menace d’excommunication, de révéler ce qui se passe durant cette élection secrète. « Ils communiquent avec l’extérieur uniquement par des signaux de fumée », explique Kevin Kulp, ce qui confère à l’élection du pape un caractère presque mystique. Le public est invité à ressentir la solennité d’un moment éternel et hors du temps.
Fantaisies et représentations cinématographiques
Faute de connaître les événements exacts déroulés à l’intérieur du conclave, l’imagination du public s’envole librement. Cela explique aussi selon Kulp le succès du film Conclave avec Ralph Fiennes. « Le film comble cette lacune », précise l’historien, tout en reconnaissant que la représentation des procédures est assez fidèle. En revanche, les conflits et tumultes dépeints relèvent davantage de projections fictionnelles.
Une élection à la fois profane et sacrée
Les règles qui régissent le conclave actuel ne sont pas si anciennes. Elles ont été précisées pour la dernière fois en 1996 par le pape Jean-Paul II. Selon Kevin Kulp, celui-ci a à la fois « profanisé » et « sacralisé » l’élection du pape, la rendant plus à la fois laïque et sacrée.
La possibilité que le choix du nouveau pontife soit uniquement guidé par une inspiration divine simultanée a été supprimée : il faut désormais une élection effective. Cependant, celle-ci doit se dérouler symboliquement sous le regard de Dieu, représenté par le « Jugement Dernier » de Michel-Ange dans la chapelle Sixtine. Le conclave est ainsi perçu comme un long office divin interrompu par des scrutins successifs.
Une tradition évolutive née de la nécessité
Contrairement à une idée reçue, l’élection papale n’a pas suivi un schéma immuable depuis des millénaires, mais s’est plutôt développée par tâtonnements, selon Kulp. Les règles ont été modifiées au fil du temps pour corriger des dysfonctionnements observés.
Dans l’Antiquité, l’élection du pape impliquait à la fois le clergé et les fidèles laïcs. Dès 1059, seuls les clercs furent autorisés à voter afin d’éviter les ingérences politiques. L’enfermement des cardinaux pendant la période de vote débuta en 1272, après une période de deux ans et demi sans élection de pape.
Pour accélérer le processus, les cardinaux furent d’abord enfermés, puis privés de nourriture, ensuite d’eau, et enfin exposés aux intempéries après le retrait du toit. Cette rigueur extrême témoignait de la volonté de hâter une décision cruciale pour l’Église.