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La Roumanie relance sa présidentielle après l’annulation du scrutin de l’année dernière, marqué par des accusations de manipulation électorale. Parmi les favoris figure à nouveau George Simion, un candidat d’extrême droite, reflet d’un profond mécontentement envers le système politique en place, selon l’experte Katja Plate.
Un candidat d’extrême droite au cœur du scrutin
George Simion, président de l’Alliance pour l’Union des Roumains (AUR), est un phénomène politique depuis plusieurs années en Roumanie. Ancien hooligan de football, il a depuis construit une image politique radicale ancrée dans le nationalisme. Il prône notamment l’union de la République de Moldavie avec la Roumanie, ainsi que l’intégration d’une partie de l’ouest de l’Ukraine, autour de la ville de Czernowitz, où réside une minorité roumaine. Ces positions lui ont valu d’être déclaré persona non grata en Moldavie et en Ukraine, qui l’accusent également d’espionnage au profit de la Russie.
Une stratégie politique entre radicalisme et professionnalisme
Aux élections législatives de 2020, le parti de Simion a obtenu neuf pour cent des voix dès sa première participation. Cependant, son comportement au Parlement a souvent été qualifié de « hooliganisme politique » : il a agressé verbalement et physiquement plusieurs députés, dont le ministre de l’Énergie Virgil Popescu et le représentant de la minorité juive. Depuis qu’il s’est lancé dans la course présidentielle, Simion s’est montré plus préparé sur le plan programmatique, améliorant notamment son anglais et démontrant une meilleure connaissance des enjeux internationaux, comme lors de débats télévisés.
Une élection présidentielle sous tension
La répétition de l’élection présidentielle fait suite à l’annulation du scrutin précédent en raison de fraudes. Le favori initial, Călin Georgescu, un autre candidat d’extrême droite pro-russe, a été disqualifié. Lors du scrutin annulé, Simion n’avait obtenu que la quatrième place, mais il espère cette fois capter entre 20 et 30 % des voix grâce à un accord avec la formation POT, également positionnée à l’extrême droite.
Pour remporter l’élection dès le premier tour, un candidat doit obtenir la majorité absolue, ce qui semble peu probable, rendant un second tour très probable.
Les principaux adversaires de Simion
Parmi les challengers sérieux, Crin Antonescu, du Parti national libéral (PNL), qui gouverne actuellement en coalition avec le Parti social-démocrate (PSD) et le parti des Hongrois de Roumanie (UDMR/RMDSZ), pourrait recueillir entre 24 et 28 % des voix. Nicușor Dan, maire de Bucarest et ancien fondateur du parti libéral USR, se présente sans étiquette et dispose d’un potentiel électoral similaire. La question reste de savoir lequel d’entre eux affrontera Simion au second tour.
Un climat de défiance envers le système politique
La montée d’extrême droite s’explique par un désenchantement profond des électeurs. Le PSD, héritier d’un système clientéliste issu de l’ère communiste de Nicolae Ceaușescu, a fusionné avec le PNL, son opposant traditionnel, ce qui provoque un fort ressentiment. Ce rapprochement, ainsi que le silence jugé distant du président Klaus Johannis, ont alimenté la colère populaire et favorisé les candidatures radicales.
Influences internationales et tensions sécuritaires
Lors de la conférence de sécurité de Munich, le vice-président américain JD Vance a critiqué l’annulation du scrutin et exprimé son soutien à Georgescu, ce qui a déstabilisé la politique roumaine. La relation avec les États-Unis est centrale pour Bucarest, suivie par son engagement dans l’OTAN puis dans l’Union européenne. L’arrivée au pouvoir de Donald Trump et le soutien de la mouvance « Make America Great Again » (MAGA) à Georgescu ont provoqué des remous et un certain embarras dans la classe politique locale. Certaines institutions, comme une école de politique à Bucarest, ont même proposé la candidature de Trump au prix Nobel de la paix.
Les ambivalences de la posture de Simion
Simion affirme son attachement au courant MAGA, notamment pour contrer les accusations récurrentes de liens avec la Russie. La presse roumaine s’interroge sur ses relations potentielles avec les services secrets russes ou roumains, mais le renseignement roumain a officiellement démenti ces allégations avant les dernières élections.
Bien que Donald Trump affiche sa volonté de coopérer avec Vladimir Poutine, Simion cherche à s’éloigner de la Russie, conscient du fort sentiment pro-occidental et russophobe en Roumanie. Une enquête récente a montré que 90 % des Roumains se sentent proches de l’Occident, contre seulement 4 % du bloc oriental russe-chinois.
Les possibles impacts sur la politique extérieure et intérieure
Dans le système semi-présidentiel roumain, le chef de l’État détient des prérogatives majeures en matière de politique étrangère, de sécurité et européenne, tout en étant le commandant en chef des forces armées. En cas d’élection de Simion, la ligne générale de la politique extérieure resterait globalement inchangée, mais la coopération avec l’Union européenne et les alliés occidentaux pourrait devenir plus conflictuelle et moins constructive.
Sur le plan intérieur, ses tendances populistes et d’extrême droite soulèvent des inquiétudes quant à la liberté des médias, à la société civile et à la stabilité démocratique. De nombreux Roumains, notamment parmi la classe moyenne libérale, envisagent même l’exil si Simion accède à la présidence.