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Emails: un journaliste du NYT a proposé une interview à Jeffrey Epstein

par Sara
États-Unis, Îles Vierges américaines, Israël

Des e-mails récemment divulgués montrent qu’un journaliste du New York Times a proposé à Jeffrey Epstein de lui accorder une interview destinée à définir l’image du financier à ses propres termes, alors que celui-ci faisait face à des accusations d’abus sexuels sur des mineurs dans les mois qui ont précédé sa condamnation de 2008. Cette affaire met en lumière des échanges entre Landon Thomas Jr et Epstein en septembre 2007, et soulève des questions sur l’éthique journalistique entourant le traitement médiatique d’un riche accusé.

Les e-mails et la proposition de prendre les devants

Dans un courriel daté du 20 septembre 2007, Landon Thomas Jr écrivait à Jeffrey Epstein : « Je viens de lire le Post. Maintenant les vannes vont s’ouvrir — attendez‑vous à ce que Vanity Fair et NYMag s’en mêlent. »

Thomas ajoutait : « À mon avis, plus vite vous prenez les devants et définissez l’histoire et qui vous êtes, à votre manière dans le NYT, mieux ce sera pour vous. »

Il recommandait ainsi à Epstein d’accepter rapidement une interview pour empêcher la « perception populaire à sensation » à son sujet de se cristalliser. Thomas a aussi fait preuve d’empathie face aux difficultés juridiques d’Epstein : « Je sais que c’est dur pour vous, mais souvenez‑vous que la prison peut être mauvaise, mais ce n’est pas éternel. »

Un passé journalistique évoqué pour convaincre

Pour étayer son argumentaire, Thomas rappelait à Epstein une longue chronique qu’il avait signée en 2002 pour New York Magazine, intitulée Jeffrey Epstein: International Moneyman of Mystery.

Ce portrait, rédigé avant la première arrestation d’Epstein en 2006, peignait le financier comme un homme énigmatique mais très prospère, décrit comme une version « plus grande et plus jeune de Ralph Lauren » doté d’un « cerveau implacable qui met au défi des scientifiques lauréats du prix Nobel ». Le texte contenait des évaluations flatteuses de nombreux proches et contacts haut placés d’Epstein.

Thomas insistait : « Rappelez‑vous comment, pendant un temps, mon papier pour NY Mag était le texte de référence vous concernant ? Ce n’est plus le cas après tout cela. Mais je pense que si nous faisions un papier pour le Times, avec les documents et preuves que vous mentionnez, plus vous parlant pour le dossier, nous pourrions à nouveau avoir une histoire qui devienne le dernier mot public sur Jeffrey Epstein. »

Personnalités et enquêtes suggérées

Dans un courriel du 28 septembre 2007, Thomas réitérait l’importance de « prendre les devants » et proposait de contacter des connaissances d’Epstein pour documenter ses activités professionnelles et ses engagements scientifiques ou philanthropiques.

Parmi les personnalités qu’il évoquait figuraient :

  • Larry Summers (ancien président de Harvard)
  • Jess Staley
  • George Mitchell
  • Ehud Barak (ancien Premier ministre israélien)
  • Bill Richardson

Thomas précisait son intention de « commencer à appeler » ces personnes afin de concentrer le récit sur les aspects d’affaires et scientifiques/philanthropiques du dossier.

Réponse d’Epstein et publication ultérieure

Il n’est pas clair comment Epstein a répondu à ces propositions. Les e-mails ont été inclus dans un ensemble de messages provenant des comptes personnels d’Epstein, mis à disposition d’Al Jazeera par le site de lanceurs d’alerte Distributed Denial of Secrets.

Thomas n’a pas répondu à une demande de commentaire. Le New York Times a néanmoins publié l’année suivante un article de Thomas retraçant la chute du financier, quelques jours après que ce dernier ait plaidé coupable le 30 juin 2008.

Pour ce texte, Thomas s’appuyait sur des entretiens en personne et au téléphone, y compris une visite à Little St James, l’île privée d’Epstein, quelques mois plus tôt. Dans l’article, Epstein se compare au personnage éponyme de Gulliver dans Les Voyages de Gulliver, en disant que « la gaieté de Gulliver a eu des conséquences imprévues », soulignant que la richesse apporte des fardeaux inattendus autant que des avantages.

Jeffrey Epstein - Registre des délinquants sexuels de l'État de New YorkJeffrey Epstein est représenté dans le Registre des délinquants sexuels de l’État de New York, le 28 mars 2017 (dossier : New York State Sex Offender Registry via AP).

Documents internes et contestations

Parmi les e-mails obtenus figure un document Word rempli d’erreurs qu’Epstein s’était envoyé à lui‑même, dans lequel Thomas est décrit comme ayant discuté du dossier juridique d’Epstein avec le procureur de Floride de l’époque, David Weinstein.

La finalité et l’origine exacte de ce document restent floues. Weinstein a déclaré qu’il avait parlé à Thomas en janvier 2008, mais que le document ne donnait pas une description fidèle de leur conversation.

Selon Weinstein, leur échange portait sur le « processus de justice pénale et les lois générales d’État et fédérales », et non sur les faits spécifiques de l’affaire Epstein. « Je n’ai jamais discuté avec lui des faits précis de l’affaire du défunt M. Epstein, ni donné d’avis à ce sujet », a‑t‑il déclaré à Al Jazeera.

Révélations supplémentaires et conséquences professionnelles

La publication de ces e-mails s’ajoute à d’autres révélations : des correspondances entre Thomas et Epstein couvrant 2015 à 2018 avaient été rendues publiques le mois précédent par des documents diffusés par des parlementaires américains.

Ces échanges montraient notamment que Thomas informait Epstein que le journaliste d’investigation John Connolly le contactait pour son livre Filthy Rich: The Jeffrey Epstein Story, et écrivait à Epstein le 1er juin 2016 : « Il semble très intéressé par votre relation avec les médias — je lui ai dit que vous étiez un type formidable 🙂 ».

Selon un porte‑parole du Times, Landon Thomas Jr n’a plus travaillé pour le journal depuis début 2019 « après que des éditeurs ont constaté qu’il n’avait pas respecté nos normes éthiques ». Le retentissement de ces échanges alimente les interrogations sur la proximité entre certaines pratiques journalistiques et leurs sources quand il s’agit de figures puissantes accusées de crimes graves.

Little St James - Île privée de Jeffrey EpsteinLittle St James, petite île privée anciennement détenue par le défunt financier Jeffrey Epstein, photographiée dans les îles Vierges américaines (Marco Bello/Reuters).

source:https://www.aljazeera.com/economy/2025/12/13/new-york-times-reporter-pitched-epstein-interview-on-your-terms

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