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Escalade des tensions entre l’Inde et le Pakistan après l’attaque en Cachemire
Le Pakistan a menacé jeudi de suspendre tous les accords bilatéraux avec l’Inde, y compris l’Accord de Simla de 1972, en représailles à l’annonce indienne de suspendre le Traité des eaux de l’Indus et de fermer la frontière terrestre la veille.
L’Accord de Simla, conclu quelques mois après l’indépendance du Bangladesh du Pakistan, était un accord de paix entre les deux pays.
Réactions pakistanaises à la suspension du Traité des eaux de l’Indus
Suite à une réunion du Comité national de sécurité (NSC) à Islamabad, le principal organe décisionnel civil et militaire du Pakistan, un communiqué a averti que toute perturbation de l’approvisionnement en eau serait considérée comme un « acte de guerre ».
Le Pakistan s’est déclaré prêt à répondre « avec toute la force sur l’ensemble du spectre du pouvoir national ». La réunion, dirigée par le Premier ministre pakistanais Shehbaz Sharif, a réuni d’autres responsables gouvernementaux et chefs militaires.
- Fermeture immédiate du poste frontalier de Wagah.
- Suspension et annulation des visas SAARC pour les ressortissants indiens (à l’exception des pèlerins sikhs).
- Désignation des conseillers militaires indiens comme persona non grata au Pakistan.
- Réduction du personnel de la Haute Commission indienne.
- Fermeture de l’espace aérien pakistanais aux compagnies indiennes.
- Suspension de tout commerce avec l’Inde.
Ces mesures interviennent après la réaction de l’Inde à l’attaque meurtrière sur des touristes en Cachemire administré par l’Inde, qui a fait au moins 26 morts.
Mesures prises par l’Inde et contexte de l’attaque
Après une réunion du cabinet indien présidée par Narendra Modi, des mesures ont été annoncées :
- Suspension du Traité des eaux de l’Indus vieux de 65 ans, un pacte permettant l’irrigation des terres agricoles des deux pays.
- Fermeture de la frontière avec le Pakistan.
- Réduction du personnel diplomatique indien au Pakistan.
- Ordre aux citoyens pakistanais bénéficiant du programme SAARC de quitter l’Inde sous 48 heures.
- Expulsion des attachés militaires pakistanais en Inde.
Le secrétaire aux Affaires étrangères indien, Vikram Misri, a confirmé ces décisions lors d’une conférence de presse, laissant entendre que l’Inde tenait le Pakistan responsable de l’attaque.
Le Cachemire, point de discorde historique
Le Cachemire, région himalayenne disputée, est une source constante de tensions entre l’Inde et le Pakistan depuis leur indépendance en 1947. Chaque pays contrôle une partie du territoire mais revendique l’intégralité.
Depuis lors, les deux voisins nucléaires ont mené quatre guerres, dont trois à cause du Cachemire.
Le ministre pakistanais des Affaires étrangères et vice-Premier ministre, Ishaq Dar, a qualifié les mesures indiennes d’ »immatures et précipitées ». Il a critiqué l’absence de preuves présentées par l’Inde concernant l’implication pakistanaise et dénoncé une réaction non sérieuse.
Le ministre de la Défense pakistanais Khawaja Asif a également rejeté les accusations indiennes, affirmant que le Pakistan condamne fermement le terrorisme.
Prêt pour une aventure militaire indienne ?
Après l’attaque de Pahalgam, les médias indiens et certains responsables politiques évoquent la possibilité d’une frappe militaire contre le Pakistan, rappelant les frappes de Balakot en 2019.
Ces frappes aériennes de 2019, en réponse à une attaque à Pulwama qui avait fait plus de 40 morts parmi les soldats indiens, avaient ciblé des camps militants au Pakistan. La riposte pakistanaise aérienne n’avait pas fait de victimes, mais un avion indien avait été abattu.
Le ministre indien de la Défense, Rajnath Singh, a promis une « réponse forte » et une politique de « tolérance zéro » face au terrorisme.
Un responsable pakistanais, sous couvert d’anonymat, a déclaré à Al Jazeera que le pays était en état d’alerte maximale et prêt à toute « aventure » indienne, tout en rappelant que les deux nations nucléaires doivent agir avec prudence.
Il a aussi mis en doute l’accusation d’implication pakistanaise, soulignant que l’attaque a eu lieu à près de 200 km de la Ligne de Contrôle, frontière de facto, et que plus de 500 000 personnels de sécurité indiens sont déployés dans la vallée du Cachemire.
Il a enfin évoqué la récente visite du vice-président américain JD Vance en Inde, questionnant la pertinence stratégique de l’attaque dans ce contexte.
Une dynamique de confrontation à l’épuisement
Les affrontements passés ont souvent fait craindre une guerre entre deux pays totalisant plus de 1,5 milliard d’habitants.
Asfandyar Mir, analyste en sécurité en Asie du Sud, estime que le Pakistan réservera sa réponse militaire à un scénario d’action indienne, tout en surveillant l’évolution de la suspension du Traité des eaux de l’Indus.
Le bassin de l’Indus est vital pour les populations des deux pays, qui dépendent de ses eaux pour l’agriculture et l’irrigation.
Mir considère que l’action militaire indienne est une option probable, peut-être plus visible qu’en 2019, mais doit être modulée en fonction du défi croissant que représente la Chine pour l’Inde.
Salman Bashir, ancien ambassadeur pakistanais à New Delhi, juge que les décisions indiennes reposent sur une « fausse hypothèse » de faiblesse pakistanaise et reflètent une volonté de « combat jusqu’au bout », alimentée par de la naïveté.
Il prévoit une réponse mature et proportionnée du Pakistan, tout en soulignant le dilemme indien compte tenu de l’histoire des conflits entre les deux pays.
Bashir note que les options diplomatiques sont limitées, et que les contacts en coulisse sont incertains.
Situation sécuritaire et perspectives
Mir souligne que le Pakistan est plus stable que par le passé et devrait répondre fermement sous la direction du chef de l’armée Asim Munir, qui accuse l’Inde d’opérations « par procuration » sur le sol pakistanais.
Le Pakistan accuse l’Inde d’avoir orchestré des violences, notamment l’attaque du train Jaffar Express en mars, la première prise d’otages ferroviaire du pays, qui a fait au moins 26 morts.
Malgré une accalmie après la crise de 2019, les deux pays n’ont pas tiré de leçons constructives, estime Mir. La paix relative était due en partie à la conciliation audacieuse de l’ancien chef de l’armée pakistanaise et à la focalisation de l’Inde sur sa frontière avec la Chine.
Bashir suggère qu’un geste fort, comme une visite du Premier ministre pakistanais à New Delhi, pourrait aider à désamorcer la crise.
Il conclut que le pendule a trop basculé et qu’il est nécessaire de faire tout ce qui est possible pour rétablir le contrôle de la situation.