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Le président des États-Unis, Donald Trump, a annoncé jeudi avoir ordonné au département de la Défense de « reprendre immédiatement » les essais de l’arsenal nucléaire américain. Cette décision interviendrait plus de trente ans après le dernier essai nucléaire américain, et survient à la veille d’un sommet attendu avec le président chinois Xi Jinping.
Ce qu’a déclaré Trump
Sur sa plateforme Truth Social, Donald Trump a indiqué avoir demandé au « Department of War » — nouveau nom donné par son administration au département de la Défense — de relancer les essais nucléaires « sur une base d’égalité » en réponse aux programmes d’essais d’autres pays.
Il a ajouté que, bien que les États-Unis disposent actuellement « de plus d’armes nucléaires que tout autre pays », la Chine pourrait atteindre ce niveau « d’ici cinq ans ». Quelques minutes après sa publication, M. Trump a rencontré le président Xi, en marge du sommet de coopération économique pour l’Asie-Pacifique (APEC) en Corée du Sud.
Les rivaux — Chine et Russie — constituent-ils réellement une menace nucléaire équivalente ?
La comparaison annoncée par M. Trump entre les arsenaux américains et chinois mérite des précisions factuelles.
- La Chine a élargi son stock d’ogives nucléaires : selon la Federation of American Scientists, il était d’environ 350 en 2022, tandis que le Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI) l’estime à 410 en 2023.
- En 2023, le nombre d’ogives américaines restait nettement supérieur : environ 3 708 ogives, soit près de neuf fois plus que l’estimation pour la Chine.
La situation russe est plus complexe. Moscou a récemment testé des plateformes et vecteurs propulsés par énergie nucléaire, notamment le missile de croisière Burevestnik et le drone submersible Poseidon.
- Une plateforme « propulsée par l’énergie nucléaire » utilise la fission pour la propulsion et n’est pas nécessairement une arme nucléaire.
- Un vecteur « capable de porter une ogive nucléaire » peut cependant, s’il en est doté, devenir une arme nucléaire. À ce jour, la Russie a testé ces systèmes sans ogive nucléaire.
Quand les États-Unis et d’autres pays ont-ils réalisé leurs derniers essais nucléaires ?
La plupart des États ont cessé les essais après la signature du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE) à partir de 1996, en raison des risques sanitaires et environnementaux.
- Les États-Unis ont effectué leur premier essai en 1945 et, au total, 1 032 essais selon l’ONU. Le dernier essai américain date de 1992.
- La Russie, héritière de l’arsenal soviétique, n’a pas procédé à d’essais depuis 1990. Le rattachement de la Russie au TICE a été révoqué en 2023 par Vladimir Poutine.
- La Chine a réalisé son dernier essai en 1996.

Et les autres pays ?
Plusieurs États ont aussi mené des essais au XXe siècle, mais la majorité a cessé depuis les années 1990.
- La France a réalisé 210 essais entre 1945 et 1996 (dernier essai en 1996).
- Le Royaume-Uni a conduit 45 essais entre 1952 et 1991.
- En 1998, l’Inde et le Pakistan ont chacun effectué des essais nucléaires ; ces deux pays n’ont jamais signé le TICE.
- La Corée du Nord a déclaré des essais en 2006, 2009, 2013, 2016 (deux essais) et 2017. Pyongyang n’a pas signé le TICE.
- Neuf États possèdent aujourd’hui des armes nucléaires : États-Unis, Russie, Royaume-Uni, France, Chine, Inde, Pakistan, Corée du Nord et Israël (qui maintient une politique d’ambiguïté nucléaire).
Le TICE : signature, ratification et obligations légales
Le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires prohibe toutes explosions nucléaires partout sur la planète, à des fins militaires ou civiles.
- Signer un traité exprime l’accord politique et l’intention de s’y conformer, mais ce n’est qu’en le ratifiant qu’un État le rend juridiquement contraignant au plan national et international.
- Les États-Unis ont signé le TICE en 1996 mais ne l’ont jamais ratifié, de sorte que Washington n’est pas légalement lié par ses dispositions.
- La Russie a signé et ratifié le TICE, mais a révoqué sa ratification en 2023.
Une reprise des essais pourrait-elle déclencher une nouvelle course aux armements ?
Le précédent historique suggère que la relance des essais peut alimenter une dynamique d’escalade.
- Au début de l’ère nucléaire, tensions et espionnage entre États-Unis et URSS ont précipité une course aux armements.
- Des réactions en chaîne se sont produites ensuite : Royaume-Uni (1952), France (1960) puis la Chine (1964) ont développé des capacités nucléaires, souvent en réponse à des menaces perçues.
- En 1998, Inde et Pakistan ont montré comment des essais réciproques peuvent déclencher une escalade régionale rapide.
Un rapport du SIPRI publié en juin 2025 avertissait que le monde était « au bord » d’une nouvelle course aux armements nucléaires, en partie parce que de nouveaux ogives continuent d’être produites même si le stock total diminue, notamment du fait du démantèlement d’anciens engins.

Le recul des traités de contrôle des armements
Les garde-fous internationaux ayant visé à limiter les arsenaux nucléaires se sont affaiblis ces dernières décennies.
- La menace iranienne de se retirer du Traité sur la non-prolifération (TNP) a été évoquée à plusieurs reprises, notamment en juin 2025.
- Plusieurs accords majeurs de la Guerre froide ont été abandonnés ou sont devenus inopérants : le traité ABM (1972) dont les États-Unis se sont retirés en 2002 ; le traité INF (1987) dénoncé par les États-Unis en 2019.
- Le traité SALT II de 1979 n’a jamais été ratifié par les États-Unis et son importance a été réduite après 1980.
Cette érosion des cadres internationaux accroît les risques d’escalade si des États relancent les essais nucléaires ou accélèrent la production de nouvelles ogives.