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Une proportion croissante de personnes choisit d’éviter les actualités, un phénomène renforcé par la multiplication d’accès via smartphones et réseaux sociaux. Selon un sondage mené en juin par l’Institut Reuters pour l’étude du journalisme, portant sur près de 50 pays, 40 % des répondants déclarent éviter les informations parfois ou souvent — contre 29 % en 2017.
Les taux d’évitement sont particulièrement élevés dans certains pays : 42 % aux États-Unis et 46 % au Royaume‑Uni. Cette tendance soulève des interrogations sur ses causes et ses conséquences, notamment pour la santé mentale et la participation civique.
Pourquoi les gens évitent les actualités ?
Le motif principal évoqué dans l’enquête est l’impact négatif des nouvelles sur l’humeur. De nombreux participants expliquent se sentir épuisés par le flux constant d’informations et par la surmédiatisation des guerres et conflits.
Plusieurs personnes témoignent d’un sentiment d’impuissance après la consommation d’informations, estimant qu’elles ne peuvent rien faire face aux événements rapportés.
Des récits personnels confirment ces motifs :
- Mardit Bour, une Américaine retraitée, affirme qu’après avoir arrêté de regarder les actualités depuis près de huit ans elle ne ressent plus d’angoisse ni de peur. Elle relate que, quand elle suivait l’actualité, elle se réveillait parfois en pleine nuit inquiète des événements mondiaux.
- Julian Buritt, expert britannique en marketing, explique qu’il a volontairement coupé les flux d’actualités depuis le début de la pandémie de 2020. Il dit avoir supprimé la plupart des applications médias de son téléphone et évité les bulletins télévisés, se jugeant dépendant des nouvelles négatives.
- D’autres adoptent des stratégies d’atténuation sans se couper totalement : certains consultent l’actualité une fois par semaine, d’autres se limitent aux gros titres pour éviter la colère ou l’overdose d’informations.
Impact des actualités sur la santé mentale
Plusieurs études montrent qu’une exposition accrue aux informations, en particulier via la télévision et les réseaux sociaux, peut nuire à la santé mentale, notamment lors de la couverture d’événements tragiques.
Roxane Cohen Silver, professeure de psychologie, de médecine et de santé publique à l’université de Californie, alerte sur l’augmentation du stress, de l’anxiété, de la dépression et des symptômes de stress post‑traumatique liée à la consommation massive d’informations.
Elle explique que la multiplication des notifications instantanées et la simultanéité des canaux exposent davantage les individus aux contenus traumatisants.
Ses travaux, qui portent sur la consommation médiatique lors de crises comme les attentats du 11 septembre 2001 et la pandémie de Covid‑19, montrent que la polarisation politique récente amplifie également le stress, en particulier aux États‑Unis.
Elle met en garde contre l’impact des images choquantes, souvent diffusées hors du contrôle des rédactions, et leur lien avec des troubles psychologiques.
Conseils pratiques pour mieux gérer l’exposition aux actualités
Pour limiter les effets négatifs sans se couper totalement de l’information, plusieurs mesures simples sont recommandées :
- S’abonner à des newsletters thématiques ou à des résumés issus de sources fiables.
- Privilégier des synthèses et des bilans plutôt que la consommation continue de flux en direct.
- Désactiver les notifications d’actualité sur le téléphone.
- Réduire l’usage des réseaux sociaux pour limiter l’exposition répétée aux mêmes contenus.
Roxane Cohen Silver préconise également d’éviter les vidéos et les formats télévisés ou sociaux très immersifs, et de se fixer des créneaux horaires précis pour consulter l’actualité. Cette discipline permet de retrouver un sentiment de contrôle sur sa propre exposition.
L’isolement face aux actualités, un enjeu démocratique
Benjamin Toff, directeur du Center for Journalism à l’université du Minnesota et co‑auteur de l’ouvrage Avoiding the News, distingue ceux qui limitent raisonnablement leur consommation des actualités et ceux qui se coupent complètement.
Il s’inquiète des conséquences d’un désengagement total : creusement des divisions sociales et baisse de participation à la vie politique. Pour lui, l’évitement systématique rend plus difficile la compréhension nuancée des enjeux publics.
Toff observe que l’évitement persistant est plus fréquent chez les jeunes, les femmes et les personnes issues de catégories socio‑économiques modestes, ce qui soulève des questions d’équité civique.
Il conclut que, si l’on souhaite que chacun ait la possibilité de participer à la vie politique — voter et exprimer son avis sur des sujets importants —, le retrait massif des actualités représente un problème réel.
Pour en savoir davantage sur le sujet, l’ouvrage auquel participe Benjamin Toff est consultable ici : Avoiding the News (Columbia University Press).