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Femmes en Afghanistan : invisibilisées sous le régime taliban depuis 2021

by Sara
Femmes en Afghanistan : invisibilisées sous le régime taliban depuis 2021
Afghanistan

Depuis la réinstallation des talibans au pouvoir en août 2021, les femmes et les filles afghanes subissent une suppression drastique de leurs droits fondamentaux. La photojournaliste canado-iranienne Kiana Hayeri, accompagnée de la chercheuse française Mélissa Cornet, a rencontré plus d’une centaine d’entre elles pour raconter leurs expériences et documenter leur réalité quotidienne.

Un reportage sur le terrain pour témoigner

Entre janvier et juin 2024, Kiana Hayeri et Mélissa Cornet ont parcouru sept provinces afghanes afin d’illustrer les conditions des femmes et des filles sous le régime taliban. Leur travail, intitulé «No Woman’s Land», met en lumière les défis auxquels elles sont confrontées, notamment en matière d’éducation et de liberté d’expression.

Malgré les interdictions strictes, certains établissements privés tentent de contourner les restrictions imposées aux filles.

Institut privé dans l'ouest de Kaboul, février 2024

Dans cet institut privé de l’ouest de Kaboul, les lycéennes suivent un programme américain en anglais. Cependant, elles ne peuvent obtenir aucun certificat officiel afghan, ni accéder à l’université, toujours fermée aux femmes. «C’est un cas rare où l’école a obtenu l’approbation locale des talibans pour fermer les yeux sur ses activités», déclare Kiana Hayeri. Chaque jour, 700 filles étudient sous surveillance armée et mesures sécuritaires strictes.

Malgré la menace constante, ces adolescentes nourrissent l’espoir de quitter le pays pour poursuivre leurs études à l’étranger. Alors que les lycées pour filles restent fermés depuis la prise de pouvoir des talibans, des écoles clandestines, souvent installées dans des maisons ou des mosquées, continuent d’enseigner, au péril de leurs élèves et enseignantes.

Une vie quotidienne marquée par la peur et la résilience

Maison dans la province de Wardak, février 2024

Saira, 50 ans, vit dans la province de Wardak, une région durement touchée par le conflit. Elle expose fièrement les diplômes religieux de ses fils obtenus au Pakistan, sous le drapeau de l’Émirat islamique d’Afghanistan. Elle témoigne d’un apaisement relatif : «La vie après le conflit est paisible. Avant, nous courions, nos vies filaient, mais maintenant nous sommes calmes et heureux».

Adolescentes dansant lors d'une fête à Kaboul, février 2024

Malgré l’interdiction de la musique et de la danse par les talibans, les femmes continuent de célébrer discrètement, dans l’intimité de leurs maisons, défiant ainsi les contraintes imposées.

Une presse féminine réduite au silence

Journalistes dans un média féminin à Kaboul, février 2024

Le paysage médiatique afghan a été profondément bouleversé depuis août 2021. Selon Reporters sans frontières, 43 % des médias ont disparu dans les trois mois qui ont suivi l’arrivée des talibans. Plus des deux tiers des 12 000 journalistes du pays ont abandonné leur profession. La situation est encore plus dramatique pour les femmes journalistes, contraintes de se couvrir le visage, de voyager avec un chaperon, interdites d’interviewer des officiels et exposées au harcèlement. Amnesty International rapporte que plus de 80 % d’entre elles ont cessé de travailler entre 2021 et 2023.

Cette absence de reporters féminines complique considérablement la couverture des questions relatives aux droits des femmes, alors que les hommes ne sont généralement pas autorisés à les interroger. L’autocensure s’est imposée comme une norme dans les reportages sur ces sujets sensibles.

Des tragédies familiales et des conditions de vie précaires

Enfants jouant dans le district de Yamit, mai 2024

Dans le nord-est du pays, dans le corridor du Wakhan, une région nouvellement contrôlée par les talibans, la famille de Kheshroo a été frappée par un drame : sa fille et sa cousine se sont suicidées après avoir été expulsées de l’école. Ce geste désespéré illustre la détresse profonde provoquée par l’exclusion scolaire des filles.

Affiche montrant le port obligatoire du voile, mai 2024

Les femmes sont contraintes de porter la burqa ou le niqab, cachant leur visage selon les codes imposés par le régime.

Mère afghane en difficulté à Kaboul, février 2024

Une mère de famille lutte pour subvenir aux besoins de ses enfants. L’un de ses fils souffre d’une maladie cutanée et d’épilepsie, mais faute de moyens, il ne peut consulter un médecin. La famille se chauffe en brûlant des tissus et des vêtements de voisins. En plus des difficultés financières — cinq mois de loyer en retard à environ 19 euros par mois —, le mari, blessé à la colonne vertébrale, ne peut plus travailler. Malgré tout, cette mère refuse que ses enfants mendient, même s’ils ramassent parfois du plastique pour se chauffer.

Déplacements forcés et restrictions de liberté

Famille expulsée du Pakistan, banlieue de Jalalabad, février 2024

Des centaines de milliers d’Afghans ont été expulsés du Pakistan, où certains vivaient depuis des décennies. Les femmes et les filles sont particulièrement vulnérables face aux conséquences du déplacement forcé, notamment avec une hausse des mariages précoces.

Jeunes filles jouant dans la neige à Kaboul, février 2024

Depuis 2021, les femmes voient leurs droits à la mobilité restreints : elles ne peuvent plus se déplacer seules ni fréquenter librement les parcs. Pourtant, dans un quartier paisible de Kaboul, une tempête de neige a offert une rare occasion de joie collective, même si la vigilance demeure constante face aux patrouilles talibanes.

Éducation des filles : une situation alarmante

École improvisée dans le district de Gardi-Ghos, février 2024

Dans le district de Gardi-Ghos, en l’absence d’infrastructures scolaires, des classes ont été installées en plein air, entre deux routes principales, sur un sol en terre battue. Alors que les garçons peuvent poursuivre leurs études jusqu’à la douzième année, les filles sont limitées à la sixième année, voire parfois à la troisième selon les zones. Les écoles secondaires et les universités restent fermées aux filles. Des écoles clandestines continuent cependant d’offrir un enseignement, malgré les risques encourus.

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source:https://www.slate.fr/grand-format/afghanistan-pays-femmes-filles-invisibilisees-droits-talibans-kaboul-reportage-photo-no-womans-land-kiana-hayeri-melissa-cornet-prix-carmignac

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