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Les avancées rapides des outils d’intelligence artificielle (IA) bouleversent profondément le secteur juridique. Loin des idées reçues sur des systèmes qui « hallucinent » ou « inventent » des jurisprudences, les avocats français adoptent désormais une posture proactive face à ces technologies.
Une formation nationale pour maîtriser l’intelligence artificielle
Face à ce bouleversement, le Conseil national des barreaux (CNB) a lancé un plan national de formation destiné aux 78 000 avocats et aux 6 000 élèves en formation en France. Ce module, d’une durée de quatre heures, est accessible gratuitement et 100 % en ligne. Il a été conçu par Lefebvre Dalloz Compétences, un acteur majeur de la formation juridique avec un chiffre d’affaires annuel d’environ 50 millions d’euros.
Julie Couturier, présidente du CNB, souligne l’importance cruciale de cette initiative : « L’intelligence artificielle soulève des questions majeures sur nos pratiques, notre déontologie, la manière dont nous nous formons… C’est le grand chantier des prochaines années. Ce programme vise à offrir à tous nos confrères les clés nécessaires pour rester maîtres des outils qu’ils choisiront d’utiliser, dans le respect de notre déontologie et de nos obligations vis-à-vis de nos clients. »
Skilia Avocats : une plateforme adaptée aux besoins juridiques
Le dispositif de formation, nommé Skilia Avocats, est accessible depuis le 16 avril via ordinateur ou smartphone. Il se compose de douze modules courts, ne dépassant pas vingt minutes chacun. Ces modules abordent les fondamentaux de l’IA, les modèles de langage, la réglementation européenne et nationale, ainsi que les risques et bénéfices des technologies avancées.
Les participants y explorent des applications concrètes telles que la recherche juridique, la rédaction de contrats, la synthèse et l’analyse documentaire. Béatrice Darmon, responsable de la transformation numérique chez Lefebvre Dalloz Compétences, précise : « Le programme a été conçu par des juristes et des avocats pour les avocats. Il combine partage de connaissances et mises en situation, à travers une série de quiz et de cas pratiques. »
Ketty de Falco, directrice générale de Lefebvre Dalloz, insiste sur la collaboration étroite avec le CNB : « Nous partageons les mêmes préoccupations : préparer la profession d’avocat aux mutations technologiques en cours, tout en restant fidèles à ses principes fondamentaux, la déontologie notamment. »
Une pédagogie active pour une meilleure assimilation
Pour répondre au plus près aux attentes des professionnels, la formation a été élaborée en collaboration avec Raphaël d’Assignies, avocat spécialiste des technologies au barreau de Paris. La plateforme utilise les principes de la pédagogie active et des sciences cognitives afin de favoriser l’application pratique des enseignements.
Chaque module se conclut par un test de validation. Par exemple, certains exercices proposent à l’utilisateur de comparer deux contrats avec des clauses modifiées, puis de vérifier leur conformité à l’aide d’un outil d’IA intégré. Cette formation est comptabilisée dans le cadre des vingt heures annuelles obligatoires pour les avocats.
Combattre la fracture numérique au sein de la profession
La lutte contre la fracture numérique demeure une priorité pour le CNB et ses représentants. Julie Couturier exprime une inquiétude partagée par de nombreux bâtonniers : certains petits cabinets risquent d’être marginalisés face aux cabinets disposant de moyens importants pour exploiter pleinement les outils numériques et l’IA.
Plusieurs initiatives visent à réduire cet écart, comme l’accès à l’outil de recherche GenIAl de Lefebvre Dalloz pour les petites structures. Des alliances entre cabinets et plateformes technologiques, telles que le partenariat entre le cabinet Jeantet et Legora, illustrent également cette dynamique d’intégration.
Par ailleurs, des cabinets spécialisés, comme Capstan en droit social, ont déjà formé l’ensemble de leurs équipes à l’IA générative, anticipant ainsi les transformations à venir. Le CNB veille aussi à ce que les avocats débutants et collaborateurs acquièrent ces compétences pour renforcer l’ensemble des cabinets, quels que soient leur taille et leurs ressources.