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Deir el-Balah, Gaza — Après une nuit de pluie battante, Arafat al-Ghandour et son épouse, Nour, ont enfin poussé un soupir de soulagement quand le soleil du matin a percé, si seulement pour un instant, au-dessus du camp de déplacés détrempé.
Le couple, parents de cinq enfants, vit dans une tente usée, criblée de trous. Ils ont passé la nuit à lutter contre l’eau qui pénétrait de toutes parts.
Dans l’aube humide, la famille s’est précipitée pour étaler au soleil les vêtements, couvertures et objets trempés afin de les faire sécher un peu.
Une nuit d’inondation dans un espace exigu
Arafat, 39 ans, partage cet espace exigu d’environ huit mètres carrés avec 15 membres de sa famille : ses parents âgés, la sœur et sa famille, ainsi que la femme et les enfants de son frère. Les conditions, dit-il, sont « inhumaines ».
« Toute la nuit, j’ai bouché les trous avec des chiffons et des sacs en plastique, » confie Arafat. « Je n’ai pas fermé l’œil. Et on nous dit que la tempête n’a pas encore vraiment commencé. »
Nour, assise à côté de son mari, raconte la panique quand l’eau a envahi la tente : « Mes enfants dormaient et étaient trempés. Je les ai réveillés un par un pour qu’ils ne soient pas encore plus mouillés. Ce n’est pas vivre. »

(Maram Humaid/Al Jazeera)
Surpeuplement, manque d’intimité et dignité perdue
La famille a fui Beit Lahiya, au nord de Gaza, il y a un an et demi après la destruction de leur maison et s’est installée à Deir el-Balah. Sans moyens de reconstruire ni de retourner chez eux, ils sont restés dans le sud.
« Il y a une tente là-bas et une tente ici. Alors on s’est dit : “Pourquoi essayer de bouger ?” On est restés, » explique Arafat, au chômage depuis deux ans.
Il décrit la promiscuité : « Croyez-vous que nous dormons tous serrés sans aucune intimité ? Moi et ma femme à côté, et en face ma belle-sœur et mon frère. Aucun homme ayant un sens de l’honneur n’accepterait cela. Mais que pouvons-nous faire ? Nous n’avons pas d’autres options. Notre dignité est piétinée de tous côtés. »
Besoin d’abris, de nourriture et d’articles de première nécessité
La famille, comme des milliers d’autres familles déplacées à Gaza, vit sans revenus et ne peut se permettre d’acheter nourriture, eau potable, vêtements ou couvertures.
- Pas d’argent pour des tentes de qualité.
- Prix élevés des bâches et des tentes sur le marché local.
- Dépendance aux cuisines caritatives pour se nourrir.
« Je ne peux même pas nourrir mes enfants, » dit Arafat. « Comment acheter une tente à ces prix ridicules ? Si la tekkiya (cuisine de charité) vient, on mange ; si elle ne vient pas, on ne mange pas. Voilà notre vie. »
Selon lui, une tente de bonne qualité coûte entre 1 800 et 2 500 shekels (environ 550 à 775 dollars), tandis que des bâches et des nylons se vendent entre 250 et 400 shekels (75 à 125 dollars) selon la longueur.
« Ces tentes devraient être distribuées gratuitement aux déplacés, pas vendues à des prix que personne ne peut se permettre, » ajoute-t‑il.
Promesses non tenues et espoirs d’aide
Inquiet face à la tempête annoncée qui doit frapper Gaza, Arafat espère désespérément que sa situation sera enfin entendue.
« On a entendu parler de caravanes et d’unités d’habitation qui devaient arriver à Gaza. Tout est mensonge. Promesses vides. Je veux juste une tente décente pour protéger mes enfants. Rien de plus. »
« Nos vies dépassent les mots » : le témoignage de Basma
Non loin de là, Basma al-Sheikh Khalil, 66 ans, reste silencieuse devant sa tente trempée, observant les eaux usées s’écouler dans les allées boueuses entre les tentes.
« Ma situation n’est comparable à aucune autre, » soupire-t-elle. « Une femme de mon âge a besoin de repos et de chaleur, pas de cette fatigue sans fin que nous supportons depuis deux ans. »
Elle décrit la détresse de voir ses petits-enfants grelotter toute la nuit : « Ces enfants ont tant souffert pendant la guerre. Mon cœur se brise pour eux. »

(Maram Humaid/Al Jazeera)
Sanitation défaillante et risques sanitaires
La nuit précédente, Basma raconte que l’eau est montée jusqu’à mi‑mollet et qu’elle et ses enfants ont passé la nuit à patauger pour s’en sortir.
Leur fosse improvisée a débordé sous la pluie, inondant toute la zone d’eaux usées. « Vous pouvez imaginer l’odeur, comment elle a tout imprégné, comment nos tentes et couvertures ont été trempées par les eaux d’égout, » dit-elle.
Pointant un trou couvert de planches et de chiffons usés, elle ajoute : « Ce trou sale est nos toilettes depuis deux ans. Imaginez notre vie. Qui nous comprend ? Qui ressent ce que nous endurons ? Personne. »

(Maram Humaid/Al Jazeera)
Saisons sans répit
Basma et sa famille — son mari, leurs six fils mariés et leurs enfants — ont été déplacés de Shujayea, dans l’est de Gaza, après des bombardements intenses. Ils ont tout abandonné en fuyant : couvertures, meubles, rien n’a été emporté.
Après un retour temporaire au nord suite au cessez-le-feu d’octobre, ils ont regagné le sud quand la situation s’est détériorée à nouveau.
« La situation est catastrophique dans tout Gaza. Notre vie est un cycle constant de destruction, déplacement, faim, épuisement et souffrance. Été ou hiver, chaque saison est une torture. Nous n’avons personne à part Dieu, » conclut Basma, la voix chargée d’émotion.