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La guerre à Gaza ne se limite plus aux explosions et aux cessez-le-feu. Un autre silence, plus insidieux et meurtrier, s’est installé : le silence du chômage à Gaza. Après la baisse relative des bombardements, c’est la privation d’emploi et la misère qui tuent lentement des familles entières, laissant des milliers de personnes sans ressources ni perspectives.
Une crise humaine exposée
Selon le correspondant d’Al Jazeera dans le secteur de Gaza, la situation s’est transformée en une urgence humanitaire où la faim et l’impuissance dominent le quotidien.
La destruction systématique des logements et de l’activité économique a anéanti les moyens de subsistance. Entre ateliers brûlés, entreprises réduites en ruines et terres agricoles hors d’usage, le marché du travail est pratiquement inexistant.
Pour de nombreuses familles, les aides humanitaires sont devenues le seul filet de survie, remplaçant un emploi qui n’existe plus.
Témoignages du terrain
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Un homme qui travaillait comme chauffeur de « toktok » explique : « J’étais chauffeur, je transportais des vivres et des marchandises, mais mon toktok a été touché alors qu’il était garé sous la maison. Depuis le début de la guerre, je n’ai reçu aucun revenu. J’ai seulement 10 shekels pour me déplacer, je n’ai rien pour acheter de la nourriture ou des boissons. »
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Une mère qui a perdu son logement et sa source de revenus confie : « Avant la guerre, nous étions déjà en dessous du seuil de pauvreté, aujourd’hui il n’y a plus de vie du tout : pas d’abri, pas de nourriture, pas d’argent de poche. Ma fille se réveille la nuit en disant qu’elle a faim ; je lui donne un peu d’eau pour qu’elle se rendorme. »
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Un jeune homme debout devant les ruines de son appartement raconte : « J’avais construit mon logement deux mois avant la guerre, et maintenant il est sous les décombres. Plus de revenu, plus d’espoir, la vie s’est complètement arrêtée. »
Un taux de chômage qui dépasse 95%
Le président de l’Union générale des syndicats des travailleurs palestiniens, Sami Al-Omssi, qualifie la situation de catastrophique et au-delà. Il affirme que le taux de chômage dans le territoire dépasse désormais 95 %.
Les ateliers ont été détruits, les terres agricoles ne produisent plus et la pêche est stoppée. Dans ce contexte, la recherche d’un emploi a perdu tout sens : les travailleurs cherchent avant tout une aide alimentaire ou une « kabbouna » pour survivre.
Al-Omssi souligne que la pauvreté touchait déjà plus de 60 % des travailleurs avant la guerre ; aujourd’hui, la situation a atteint des niveaux inédits. Il ajoute que la fermeture prolongée des points de passage et l’entrée limitée des aides rendent tout discours sur un redressement économique illusoire.
Il appelle les États arabes, les pays musulmans et la communauté internationale d’élaborer une vision urgente pour relancer le secteur et redonner espoir aux travailleurs.
Effondrement du secteur industriel
Du côté de l’industrie, le directeur des projets de l’Union générale des industries palestiniennes, Ahmed Al-Nibriç, dresse un constat sombre. Avant la guerre, l’industrie était un pilier de l’économie et un grand pourvoyeur d’emplois ; elle est aujourd’hui presque inexistante.
Le secteur comptait plus de 4 500 établissements industriels de grande et moyenne taille, ainsi que des milliers d’ateliers. Près de 90 % ont été détruits partiellement ou totalement.
Avant le conflit, le secteur employait environ 53 000 personnes. Aujourd’hui, plus de 35 000 d’entre elles se retrouvent sans emploi suite à la destruction des usines où elles travaillaient.
Les usines encore en activité fonctionnent à capacité très réduite, confrontées à la pénurie de matières premières, à la hausse des coûts, aux coupures d’électricité et au manque de carburant. Les menaces sécuritaires récurrentes empêchent toute reprise durable de la production.
Al-Nibriç estime que la guerre a visé l’économie comme elle a visé les civils, détruisant délibérément les infrastructures industrielles pour frapper les moyens de subsistance. Résultat : les familles privées de travail sont désormais exposées à une famine matérielle et sociale.
Impact et enjeux
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Les pertes économiques sont massives : effondrement des entreprises, disparition des emplois et épuisement des ressources familiales.
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La dépendance à l’aide humanitaire s’est accentuée, devenant le principal moyen de survie pour de nombreuses familles.
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Sans ouverture durable des passages et un plan de relance économique, toute perspective de redressement risque de rester illusoire.