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Le Parti du Peuple Syrien traverse un siècle d’histoire politique marqué par des scissions internes, des périodes de répression violente et des tentatives répétées de rénovation. Héritier d’un courant communiste ancien, il a alterné entre opposition au régime et réformes internes, tout en restant présent dans les débats nationaux et les mobilisations populaires.
Origines et fondation
Les racines du Parti du Peuple Syrien remontent aux années 1920, avec la création du Parti communiste en Syrie et au Liban, qui représentait alors les communistes des deux pays. Son alignement historique vis-à-vis de l’Union soviétique lui a valu des critiques et des tensions internes au fil des décennies.
À la fin des années 1960, le mouvement s’est scindé pour donner naissance à des formations distinctes par pays. Des controverses internes sur le programme politique et les orientations stratégiques ont conduit à des divisions durables.
Années de scission et arrivée d’Assad (1968–1974)
En 1968, le parti se divise en deux entités nationales. En 1969, le courant qui devient le « Parti communiste syrien » tente d’adopter un programme économique et agricole, mais échoue à trancher ses orientations politiques en raison de désaccords profonds entre dirigeants.
La prise du pouvoir par Hafez al‑Assad en novembre 1970 a accentué les divergences internes. Le bureau politique condamne le coup comme un « putsch militaire réactionnaire », tandis que la direction menée par Khaled Bakdash choisit de collaborer avec le régime.
Deux ailes : soutien et opposition
Les tensions aboutissent à une rupture nette le 3 avril 1972, lorsque Khaled Bakdash et plusieurs cadres annoncent leur séparation définitive. En 1974, deux congrès parallèles consacrent la division : Riad al‑Turk appelle à une opposition farouche au régime, tandis que le courant de Bakdash conserve des liens avec le pouvoir.
Le courant pro‑régime rejoint la Front national progressiste dominé par le parti Baas et obtient des sièges parlementaires. À l’inverse, le courant de Riad al‑Turk prône des changements politiques radicaux et demeure en opposition ouverte au Parti Baas.
La scission structure ainsi la vie politique du mouvement pour les décennies suivantes, entre une aile institutionnelle et une aile militante et critique.
Répressions, clandestinité et résistance (1976–2001)
En juin 1976, la frange opposante subit une vague d’arrestations et de poursuites en raison de son rejet de l’intervention syrienne au Liban. Les années suivantes voient de nouvelles dissidences, notamment la création du « Union des communistes » après le départ de Youssef Nemer en 1978.
La contestation du mode de gouvernance en Syrie conduit, en 1980, à l’emprisonnement en isolement de Riad al‑Turk pendant près de dix‑huit ans. Le parti condamne également le massacre de Hama en 1982, ce qui entraîne une répression sévère, des arrestations massives et l’exil d’une partie de ses cadres.
Face aux persécutions, la formation opère en clandestinité durant les années 1980 et 1990. La libération de Riad al‑Turk pour raisons de santé en 1998 et l’évolution politique régionale permettent au parti de lever en 2001 l’état de clandestinité et de réapparaître publiquement.
Renouveau et changement de nom (2005)
Fin avril 2005, le courant issu du « Parti communiste syrien — bureau politique » choisit de se renommer « Parti du Peuple Démocratique Syrien » et désigne Abdallah Housha comme président. Le congrès appelle alors les forces démocratiques à travailler ensemble pour bâtir une Syrie moderne.
Cette évolution vers un positionnement plus libéral est rejetée par une large frange du parti qui conserve l’appellation « Parti communiste — bureau politique », sous la direction de figures comme Mohammad Sayyid Rassas.
Le 19 mai 2005, au cœur de ce qu’on a appelé le « printemps de Damas », le parti organise une conférence de presse publique à Damas pour exiger un dialogue national. Le 16 octobre 2005, sa participation à la signature de la « Déclaration de Damas » — appelant à la fin du régime et à la mise en place d’un État démocratique — entraîne de nouvelles arrestations de responsables.
Participation à la révolution et rôle dans les instances de l’opposition (2011–2014)
Au déclenchement de la révolution syrienne en mars 2011, le Parti du Peuple Syrien déclare son soutien à la mobilisation pacifique contre le régime et prend part aux manifestations, aux actions médiatiques et aux initiatives d’aide humanitaire.
Plusieurs cadres et militants sont alors victimes de poursuites, d’emprisonnements, d’exécutions ou d’exils forcés. Le parti contribue à la fondation du Conseil national syrien, puis du Coalition nationale des forces de l’opposition et de la révolution, et Riad al‑Turk siège au Conseil national de transition qui assurait une fonction de représentation pour les zones libérées.
Tensions internes récurrentes (2014–2015)
En 2014, une nouvelle crise éclate : la direction prend des mesures disciplinaires contre des cadres dissidents, qui répondent par la création d’une « direction intérimaire ». Parmi les figures contestataires figurent Fouad Iliya, Mazen Uday et Mahmoud al‑Hamza.
Début mai 2015, la direction intérimaire annonce sa rupture avec le parti, dénonçant des pratiques unilatérales. La direction officielle accuse pour sa part ces dissidents de tentative de sabotage et de mutinerie.
Position récente et discours après 2024
Le Parti du Peuple Syrien a salué l’effondrement du régime de Bachar al‑Assad le 8 décembre 2024, qualifiant cet événement de « moment historique ». Il a exprimé son soutien à la nouvelle direction syrienne et appelé à tout mettre en œuvre pour assurer une transition aboutissant à un État civil et moderne.
Le parti insiste sur la nécessité d’une large participation citoyenne pour consolider la nouvelle phase politique et garantir une conduite inclusive du processus de reconstruction nationale.
Principes et orientations du Parti du Peuple Syrien
Le parti affirme se fonder sur des principes clairs et revendique une approche de lutte volontaire et démocratique. Il se présente comme ouvert à tous les Syriens désireux de s’engager pour ses objectifs politiques et sociaux.
- Défense des droits de l’homme et respect des normes internationales en la matière.
- Promotion de la liberté, de l’égalité et de la justice sociale.
- Refus de la violence et attachement à la démocratie interne des organisations.
- Soutien aux couches sociales marginalisées pour réduire les inégalités.
- Appel à l’unité arabe et à la coopération régionale.
Ces orientations guident encore aujourd’hui les positions publiques du parti, tout en étant confrontées aux réalités d’un paysage politique syrien profondément transformé par des décennies de conflits et de tensions internes.