Table of Contents
Amîr Danna, connu sous le surnom d’« Abu Salam », est resté pendant plus de sept décennies une figure emblématique de Jérusalem en tant que vendeur de journaux palestinien et militant culturel et politique. Né en 1929, membre du Parti communiste palestinien et autodidacte passionné, il a fait de sa « basṭa » devant Bab al-Amoud un véritable lieu de diffusion d’idées et de résistance jusque sa mort en février 2015.
Naissance et premières années
Amîr Danna est né en 1929 dans la vieille ville de Jérusalem et a grandi près de Bab al-Silsila. La famille vivait des conditions économiques difficiles, aggravées par l’arrestation de son père et de plusieurs frères lors du soulèvement de 1936.
Ces événements poussèrent Amîr à travailler dès l’âge de sept ans pour contribuer au soutien familial. Il commença par vendre des journaux et travailler comme manœuvre avant de bâtir, avec le temps, une réputation de vendeur de journaux palestinien incontournable à Jérusalem.
Apprentissage autodidacte et activité journalistique
Privé d’accès à l’école, il apprit la lecture et l’écriture en arabe et en anglais par ses propres moyens. Il profitait de la vente de journaux et des conversations avec les clients pour mémoriser lettres et mots.
Par la suite, il devint correspondant pour des magazines artistiques égyptiens et écrivit des articles sur la vie culturelle palestinienne. Sa « basṭa » devant Bab al-Amoud servait aussi de point de vente pour des livres, revues et journaux rarement exposés publiquement.
- Des échanges avec des touristes lui permirent de maîtriser plusieurs langues : anglais, hébreu, allemand et français.
- Il utilisa sa présence quotidienne pour informer, discuter et sensibiliser la population locale.

Engagement politique et affiliations
Très tôt engagé, il rejoignit dans les années 1940 la « Ligue des intellectuels arabes » qui était, dans les faits, une vitrine du Parti communiste palestinien. Ses convictions socialistes l’amenèrent à défendre les droits des travailleurs et des plus démunis.
En 1948, il quitta temporairement le parti en signe de protestation contre l’acceptation du plan de partage. Plus tard, il réintégrera le parti après un recul de sa position sur la question.
- Participation à la « Commission nationale » et service dans les rangs de l’Armée de libération pendant treize mois.
- Implication constante dans le travail de base : distribution de tracts, organisation de cellules et enseignement politique hebdomadaire.

Arrestations, prison et enrichissement culturel
Son activité militante lui valut plusieurs arrestations, tant sous l’autorité jordanienne que par les forces d’occupation israéliennes. Il passa environ un an et demi en prison jordanienne, période durant laquelle il approfondit sa culture politique et intellectuelle.
Dans l’espace carcéral, il lut intensivement : on lui attribue la lecture d’environ 600 ouvrages. Ces lectures élargirent sa compréhension des religions, des doctrines politiques et de la littérature.
- Rencontres régulières avec d’autres intellectuels et militants, notamment Yaʿqūb Ziyādīn, qui lui fournissait des livres.
- Retour actif à la base militante après ses détentions, animant des cellules et formant la jeunesse.
Vie familiale et productions littéraires
Amîr Danna était marié à Widad (Umm Salam), fille du militant Ali Taha, impliqué dans l’opération de détournement de l’avion Sabena en 1972. Le couple eut six enfants, dont quatre médecins et un titulaire d’un master en laboratoires médicaux.
- Noms parmi ses enfants : Salam, Mazen, Samer, Nader (spécialiste en laboratoires) — et une fille.
- Son foyer combinait engagement politique et attachement à la vie culturelle de Jérusalem.
Sur le plan littéraire, il rédigea plusieurs nouvelles et participa à des rencontres d’écrivains. Parmi ses récits figurent « La Piastre » et « Les dix lires », publiés et discutés lors de rencontres culturelles locales.

Décès et disparition de la basṭa
Amîr Danna est décédé le 25 février 2015 à l’âge de 86 ans. Vingt jours après son décès, la municipalité de l’occupation retira la basṭa de livres qui était devenue un repère reconnu à Bab al-Amoud et dans la mémoire collective de Jérusalem.
Son héritage perdure à travers les témoignages de ceux qu’il forma, les lecteurs qu’il a influencés et l’image durable d’un vendeur de journaux palestinien engagé pour l’éducation, la culture et la justice sociale.