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Images d’enfants à Gaza : un miroir sans impact sur le monde
Le 30 avril 2025 marque le 50e anniversaire de la fin de la guerre du Vietnam, dont les événements sanglants se sont officiellement achevés en 1975 avec l’entrée des Nord-Vietnamiens dans Saïgon, la capitale du Sud. Cette victoire a suivi une évacuation humiliante des forces américaines, qui ont subi l’une des plus grandes défaites de leur histoire.
À l’approche de cette commémoration, une image emblématique revient en mémoire, image qui aurait contribué à changer la perception mondiale de cette guerre et à révéler ses réalités choquantes et sanglantes.
Une photo qui a changé le cours de la guerre du Vietnam
Le vendredi 8 juin 1972, des avions sud-vietnamiens soutenus par les États-Unis ont attaqué le village de la fillette Phan Thị Kim Phúc, âgée de 9 ans, en l’incendiant. Gravement brûlée, nue parce que ses vêtements et sa peau avaient été consumés par les flammes, la fillette a couru en hurlant. Le photographe de l’Associated Press, Nick Ut, a capturé cette scène tragique.
Cette photo, devenue célèbre dans le monde entier, a transmis sans mots la terreur vécue par les civils innocents au Vietnam, alors que Washington poursuivait obstinément ses objectifs politiques au prix de vies vietnamiennes lointaines.
Le célèbre photographe allemand, double lauréat du prix Pulitzer, Horst Faas, a qualifié cette image comme étant la plus célèbre de la guerre du Vietnam. Elle a fortement accru la pression populaire et internationale sur les États-Unis pour mettre fin au conflit. Le journal indien The Hindu l’a même décrite comme « l’image qui a changé le cours de la guerre ».
Photo : La célèbre image de la fillette brûlée au napalm, qui a contribué à changer la vision mondiale de la guerre du Vietnam (Associated Press)
Un impact majeur, mais sans fin immédiate à la guerre
Bien sûr, une image ne peut pas mettre fin à une guerre. Toutefois, celle de Kim Phúc a, avec d’autres facteurs, créé un climat anti-intervention américaine, ouvrant la voie à la réunification du Vietnam et à son indépendance. Aujourd’hui, le Vietnam est une puissance économique émergente majeure.
En revanche, des images tout aussi effroyables, notamment celles provenant quotidiennement de la bande de Gaza, n’ont pas réussi à susciter une réaction mondiale comparable ni à stopper la guerre et l’extermination.
Des images poignantes d’enfants à Gaza sans effet significatif
Par exemple, le 21 octobre 2024, une vidéo a circulé montrant la fillette palestinienne Asma, déplacée de Gaza, marchant pieds nus sous un soleil écrasant, portant sa sœur blessée sur près de deux kilomètres pour rejoindre la tente familiale.
Malgré des centaines de milliers d’images similaires capturées durant les 19 mois de guerre israélienne à Gaza, qui ont fait plus de 51 000 morts, 117 000 blessés, ainsi que des centaines de milliers de déplacés et affamés, le monde est resté essentiellement indifférent.
Malgré les protestations massives et les résolutions internationales, le projet d’extermination israélien se poursuit, visant à punir collectivement les Palestiniens pour leur résistance et à anéantir leurs aspirations légitimes pour les générations futures.
Cette situation soulève la question : qu’est-ce qui a réellement changé depuis la guerre du Vietnam ?
Un monde fondamentalement différent
Lors de la guerre du Vietnam, deux superpuissances dominaient : les États-Unis et l’Union soviétique. Chacune promouvait une idéologie opposée — démocratie et capitalisme contre socialisme et égalité.
Cette rivalité idéologique, connue sous le nom de Guerre froide, a transformé presque toutes les régions du monde en théâtres de luttes d’influence. L’Union soviétique s’est présentée comme un modèle d’anti-impérialisme et de justice sociale, contrastant avec les abus coloniaux associés à l’Occident.
Cette dynamique a facilité la mobilisation internationale en faveur des causes justes, y compris la fin de la guerre du Vietnam, et a permis à de nombreux pays en développement de jouer sur les tensions Est-Ouest.
Le basculement vers un monde multipolaire
Aujourd’hui, le monde évolue lentement vers un système multipolaire avec l’émergence de puissances telles que la Chine et la Russie, ainsi que des nations islamiques devenues des acteurs politiques majeurs.
Les États-Unis et leurs alliés occidentaux, confrontés à des défis sans précédent, adoptent une posture de plus en plus défensive et agressive, souvent au détriment des principes libéraux et des droits humains.
Le discours manichéen « vous êtes avec nous ou contre nous », popularisé par l’ancien président américain George W. Bush, illustre cette tendance à la polarisation extrême.
Cette situation s’accompagne d’une montée inquiétante de l’islamophobie et d’un soutien inconditionnel à Israël, même dans ses actions les plus controversées.
Photo : Benjamin Netanyahu, Joe Biden et Donald Trump, figures d’un soutien bipartisan inébranlable à Israël. (Agences)
La complexité des enjeux géopolitiques actuels
Selon le chercheur en droit Elias Khoury, la posture américaine actuelle en faveur d’Israël s’explique en partie par l’émergence d’un monde multipolaire où Washington voit sa position affaiblie.
Washington utilise donc Gaza comme un dernier moyen de démontrer sa puissance dans un contexte international en pleine mutation.
Contrairement à la Guerre froide, où l’Union soviétique et la Chine promouvaient des idéologies claires, les rivalités actuelles sont principalement des luttes d’intérêts pragmatiques sans projet idéologique global.
De plus, la résistance populaire, comme celle des Palestiniens, ne bénéficie plus du même soutien international qu’à l’époque du Vietnam, en raison notamment de la légitimité religieuse que certains attribuent à l’État d’Israël.
Le poids du discours religieux et idéologique
Le président de la Chambre des représentants américaine, Mike Johnson, a déclaré explicitement que le soutien à Israël est un devoir religieux évangélique, citant des passages bibliques pour justifier ce soutien inconditionnel.
Dans ce contexte, les souffrances palestiniennes sont souvent perçues comme un dommage collatéral, nécessaire à la survie d’Israël.
Le professeur Khaled Beydoun explique que l’Occident s’est habitué à normaliser la mort des musulmans, tandis que les souffrances des populations blanches sont dramatisées et reçoivent un soutien massif.
Par exemple, lors de la guerre en Ukraine, les victimes blanches aux yeux bleus ont suscité une réaction émotionnelle intense, contrastant avec le silence face aux victimes palestiniennes.
Une perception biaisée de la résistance et de la liberté
Le professeur Beydoun conclut que la résistance nationale et la lutte pour la liberté sont souvent vues avec méfiance ou hostilité lorsqu’elles sont menées par des musulmans, même si elles reposent sur une légitimité morale incontestable.
Cette méfiance est exacerbée dans les zones de conflit où les intérêts américains sont en jeu, comme au Yémen, en Irak, ou dans la bande de Gaza.