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Inégalités d’enseignement : Public vs Privé en 2023

by Saliha
Inégalités d'enseignement : Public vs Privé en 2023

Inégalités d’enseignement : Public vs Privé en 2023

Les lycées privés offrent de meilleures conditions d’enseignement que leurs homologues publics, selon des données confidentielles obtenues par franceinfo. Cette disparité, qui se retrouve dans la majorité des académies, peut être attribuée à des mécanismes de répartition complexes.

La dotation horaire globale (DHG)

Bien que ce soit un indicateur peu connu du grand public, la dotation horaire globale (DHG) est surveillée de près par le secteur éducatif, allant des bureaux ministériels jusqu’aux salles des professeurs. Malgré son apparence administrative, la DHG représente de manière très concrète le nombre d’heures de cours que l’État finance pour un établissement chaque semaine, tant pour le public que pour le privé sous contrat.

Par exemple, un lycée de 900 élèves pourrait recevoir une DHG de 1 000 heures hebdomadaires pour la rentrée. L’établissement doit alors répartir cette enveloppe entre tous les niveaux et disciplines, obligatoires et facultatives. Pour évaluer les conditions d’enseignement, les spécialistes calculent le nombre d’heures par élève, désigné par « H/E ». Dans cet exemple, le H/E serait de 1,11, un chiffre qui, plus il est élevé, indique de meilleures conditions d’enseignement.

Comparaison entre lycées publics et privés

À titre concret, le lycée public Victor Duruy à Paris possède un H/E de 1,04 heure par élève. En revanche, le lycée privé Stanislas, qui a une taille et une composition sociale similaires, a un H/E de 1,16. En termes d’effectifs comparables, cela signifie que le lycée public a près de 100 heures de cours hebdomadaires en moins, une différence jugée _ »énorme »_ par Nicolas Bray, secrétaire académique du Syndicat national des personnels de direction de l’Éducation nationale.

« Cent heures, cela permet de mettre moins d’élèves par classe, d’offrir du latin ou du grec, ou de proposer une spécialité en plus. »

– Nicolas Bray, SNPDEN-UNSA

À l’échelle nationale, le H/E dans le second degré, pour le public et le privé combinés, était de 1,32 heure par élève à la rentrée 2023. Toutefois, ce chiffre varie de 1,19 dans les collèges à 2,18 dans les formations professionnelles, mettant en lumière des écarts motivés par les besoins spécifiques de chaque filière ou niveau d’étude.

Accès aux données et inégalités constatées

En collaboration avec Complément d’enquête, franceinfo a obtenu des données internes du ministère de l’Éducation, indiquant que le H/E moyen des lycées généraux et technologiques est plus élevé dans le privé, confirmée dans 19 des 24 académies françaises à la rentrée 2023. Par exemple, à Amiens, les lycées privés affichent un H/E moyen de 1,46 contre 1,24 dans le public.

Claire Guéville, secrétaire nationale du SNES-FSU, s’étonne de ce constat : _ »Cela montre comment le privé peut rester compétitif par rapport au public, et cela souligne comment les réformes fragilisent les lycées publics face au privé. »_ Nicolas Bray qualifie cette situation de _ »tragique »_, soulignant les difficultés du public à rivaliser avec des moyens adéquats.

Les mécanismes de répartition des dotations

Cette inégalité trouve son origine dans un enchevêtrement de raisons. Les dotations pour le public et le privé ne suivent pas le même processus de fixation. Au ministère, les enveloppes de dotations sont déterminées par deux entités distinctes : la Direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) pour le public et la Direction des affaires financières (DAF) pour le privé.

La règle tacite attribue 80% des enveloppes au public et 20% au privé, mais la DAF a la capacité de répartir ses ressources de manière plus flexible entre le premier et le second degré.

« Comme il y a cette seule enveloppe globale dans le privé, ils peuvent mettre plus de moyens sur le lycée, qui est leur produit d’appel, et moins sur le primaire. »

– Un ancien recteur

Un ancien recteur a qualifié de _ »anormale »_ l’étendue de l’intervention du réseau catholique dans le processus de répartition des dotations. De plus, les négociations entre académies et établissements laissent une part d’incertitude, chaque rectorat ayant une certaine marge de manœuvre dans la distribution des heures. Ce système pose question, car il ne s’aligne pas complètement entre les publics et les privés.

La taille des établissements et son impact

Un autre facteur contribuant à ces inégalités est la taille des établissements. Dans le privé, il y a proportionnellement plus de petits lycées, et plus un lycée est petit, plus il nécessite de ressources pour proposer une offre diversifiée de spécialités. Ce qui semble paradoxalement creuser les inégalités, notamment en comparaison avec certains lycées publics qui, en attirant plus d’élèves, voient leur H/E diminuer.

Par ailleurs, une politique mise en place en 2015 pour intégrer les caractéristiques sociales des élèves dans la répartition des moyens semble avoir exclu le privé, ce qui complique la situation. Si, depuis 2020, certaines initiatives ont été prises pour prendre en compte cette réalité dans le privé, cela reste très inégal et souvent laissé à l’appréciation locale.

« C’est plus au cas par cas au niveau local, mais cela fait partie des engagements du protocole que nous avons signé pour favoriser la mixité. »

– Yann Diraison, SGEC

Les disparités dans la répartition des dotations soulèvent des questions sur l’équité des conditions d’enseignement entre établissements publics et privés. Les préoccupations émanant des acteurs du secteur éducatif mettent en lumière la nécessité d’une plus grande transparence dans la gestion des ressources allouées aux établissements scolaires.

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