Home ActualitéKamel Daoud visé par mandats d’arrêt : polémique autour du prix Goncourt 2024

Kamel Daoud visé par mandats d’arrêt : polémique autour du prix Goncourt 2024

by Sara
France, Algérie

L’écrivain franco-algérien Kamel Daoud, lauréat du prix Goncourt 2024 pour son roman « Houris », se retrouve au cœur d’une controverse majeure. Visé par deux mandats d’arrêt internationaux émis par l’Algérie, il est accusé d’avoir utilisé sans autorisation l’histoire personnelle d’une jeune rescapée algérienne pour écrire son œuvre, qui plonge dans les années sombres de la guerre civile algérienne.

Kamel Daoud a décroché le prix Goncourt pour «Houris», en novembre 2024. Le livre s’est vendu à ce jour à plus de 430 000 exemplaires. LP/Olivier Corsan

En novembre 2024, Kamel Daoud, âgé de 54 ans, remporte le prix Goncourt avec « Houris », un roman poignant qui relate la guerre civile algérienne à travers le regard d’une survivante. L’œuvre a rencontré un immense succès, avec plus de 430 000 exemplaires vendus. Toutefois, quelques jours après ce triomphe, l’écrivain fait face à deux plaintes déposées en Algérie. Saâda Arbane, une rescapée, l’accuse d’avoir volé son histoire en s’appuyant sur les confidences qu’elle aurait faites à la psychiatre de Daoud, qui est également sa femme.

Les mandats d’arrêt internationaux : une dimension politique ?

Cette affaire a pris une tournure grave lorsque le journal Le Point a révélé la présence de deux mandats d’arrêt internationaux émis par la justice algérienne à l’encontre de Kamel Daoud, l’un datant de mars 2025 et l’autre de début mai. La diplomatie française a confirmé suivre cette situation avec grande attention.

Selon Jacqueline Laffont, avocate de l’écrivain, ces mandats auraient des « motivations politiques » visant à réduire au silence un auteur qui aborde dans son roman les massacres de la décennie noire en Algérie. Une requête sera bientôt déposée auprès de la commission d’Interpol pour contester la diffusion de ces mandats qu’elle juge « manifestement abusifs ».

Ce contexte s’inscrit dans une période de fortes tensions entre la France et l’Algérie, notamment marquée par l’emprisonnement d’un autre écrivain franco-algérien, Boualem Sansal, poursuivi pour atteinte à l’unité nationale.

Les accusations portées contre Kamel Daoud

Kamel Daoud est accusé par les autorités algériennes de trahison en racontant dans « Houris » les événements douloureux de la décennie noire, un conflit sanglant de 1992 à 2002 entre le gouvernement algérien et des groupes islamistes, qui a causé entre 60 000 et 150 000 morts.

La loi de réconciliation nationale adoptée en 2005 sous la présidence Bouteflika, critiquée par plusieurs ONG comme Amnesty International, protège les responsables des atrocités commises pendant cette période. L’article 46 stipule par ailleurs que toute personne utilisant ces tragédies pour porter atteinte aux institutions algériennes ou ternir l’image du pays peut encourir une peine de trois à cinq ans de prison.

« Houris » : une histoire dérobée ?

Quelques semaines après la remise du prix Goncourt, Saâda Arbane est sortie publiquement sur une chaîne télévisée algérienne pour dénoncer un « vol » de son histoire. Le roman relate la vie d’Aube, une enfant de 5 ans en 1999, dont la famille a été massacrée par des islamistes. Elle survit miraculeusement, marquée à vie par une blessure au cou.

Saâda Arbane, également rescapée, affirme que Kamel Daoud s’est inspiré des confidences qu’elle avait confiées à sa psychiatre, Aïcha Dahdouh, épouse de l’écrivain, lors de séances entre 2015 et 2023. Une plainte pour violation de la vie privée a été déposée en France, soulignant de nombreuses similitudes entre l’héroïne du roman et la vie de Saâda.

Les avocats français de la plaignante, Me William Bourdon et Lily Ravon, parlent de « preuves de pillages ». Saâda avait été adoptée par une ancienne ministre algérienne de la Santé, Zahia Mentouri, et s’était longtemps tue avant de faire part de son histoire à la psychiatre. Elle affirme avoir refusé de transmettre son récit à Kamel Daoud lorsqu’il lui en a fait la demande.

La défense de Kamel Daoud

Face aux accusations, Kamel Daoud conteste fermement les faits, affirmant que « Houris » est une œuvre de fiction inspirée de nombreux témoignages recueillis lorsqu’il était journaliste au Quotidien d’Oran dans les années 1990. Il déclare : « Si je peux comprendre sa tragédie, ma réponse est claire : c’est complètement faux. »

Il explique également qu’il a interviewé de nombreuses personnes durant la décennie noire, et que son roman ne mentionne ni ne raconte la vie précise de Saâda Arbane. « Mon roman n’a rien à voir avec cette femme-là, c’est un roman de fiction », a-t-il insisté dans une interview radio.

Kamel Daoud est désormais assigné en justice en France, la plaignante réclamant 200 000 euros de dommages et intérêts ainsi qu’une publication de la condamnation éventuelle. Une première audience devant le tribunal de Paris est prévue, où la justice devra trancher sur la difficile question du respect de la vie privée en littérature.

Kamel Daoud Mandats Darrêt | Kamel Daoud | Prix Goncourt | Algérie | Mandats Darrêt | Décennie Noire | Roman Houris | Polémique Littéraire | Justice | France | Saâda Arbane
source:https://www.leparisien.fr/faits-divers/lecrivain-kamel-daoud-vise-par-des-mandats-darrets-par-lalgerie-cinq-minutes-pour-comprendre-la-polemique-07-05-2025-6HZAKTWWLBHQZEO3PFU6WASYCM.php

You may also like

Leave a Comment