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« Kasongo » : l’histoire d’un amour et d’une perte derrière un tube africain

by Sara
« Kasongo » : l'histoire d'un amour et d'une perte derrière un tube africain
République démocratique du Congo, République du Congo, Kenya

Peut-être avez-vous déjà entendu la chanson « Kasongo » en naviguant sur les réseaux sociaux. Son air, à la fois mélancolique et joyeux, est devenu la bande-son de millions de vidéos humoristiques et dansantes. Ce refrain universel, repris par les jeunes générations, cache en réalité une histoire profonde. Derrière cette mélodie, qui semble d’abord une invitation à la fête, se cache un cri de nostalgie et un appel désespéré à une personne disparue. C’est la chronique d’un amour et d’une perte mystérieuse qui a résisté aux décennies.

Sous le rythme entraînant de la chanson se dissimule une histoire faite de désir et de douleur. Comment les larmes d’une femme congolaise ont-elles pu se transformer en une icône musicale immortelle ?

Une histoire d’amour oubliée

La chanson trouve son origine dans le groupe « Super Mazembe », l’un des ensembles musicaux les plus célèbres formé par des musiciens congolais mais ayant rencontré un immense succès au Kenya dans les années 1970. Malgré la popularité de « Kasongo », son récit reste mystérieux, oscillant entre deux versions principales qui incarnent la douleur humaine simple.

La version la plus répandue raconte que la chanson est née d’une tragédie à la fin des années 1970. Kasongo était un musicien du groupe qui disparut subitement de son domicile sans explication, laissant son épouse dans l’angoisse et la douleur. Lorsque les membres du groupe rendirent visite à la femme en deuil pour s’assurer de son état, ils la trouvèrent implorant leur aide pour retrouver son mari. Plutôt que d’entamer une recherche traditionnelle, les musiciens décidèrent de transformer sa peine en œuvre artistique. Ils composèrent la chanson comme un appel radiophonique, espérant que ses notes atteindraient Kasongo, où qu’il soit, et qu’il entendrait la voix suppliante de son épouse lui demandant de revenir.

  • « Mon mari Kasongo, reviens à notre mariage »
  • « La nostalgie me tue, mon chéri »
  • « Je suis à la maison, et mes yeux ne quittent pas le chemin »
  • « Je scrute sans cesse la rue »
  • « Si un jour tu reviens… »

Kasongo et le lien avec l’Afrique de l’Est

Tandis que « Kasongo » exprime la nostalgie et la souffrance en lingala, la chanson « Hakuna Matata » reflète un esprit totalement différent, chantée en swahili, langue très répandue en Afrique de l’Est, notamment au Kenya et en Tanzanie. Cette expression signifie littéralement « pas de soucis » ou « ne t’inquiète pas ». Ancrée dans la vie quotidienne des locuteurs swahilis depuis des décennies, elle incarne une philosophie joyeuse face aux difficultés. Son rayonnement mondial fut amplifié par le film Disney « Le Roi Lion » en 1994, où la chanson devint l’hymne universel du réconfort et de l’optimisme.

Ce succès a suscité des débats autour de l’appropriation culturelle et des droits liés au patrimoine oral des peuples de la région. Néanmoins, la persistance de cette chanson et de son expression dans la mémoire collective mondiale témoigne de la capacité de la musique africaine — à l’image de « Kasongo » — à transcender les frontières, lorsqu’elle est façonnée par une mélodie authentique et un esprit profond.

L’âge d’or de la rumba

« Kasongo » appartient à une époque florissante pour la musique en Afrique centrale. Dans les années 1960 et 1970, Kinshasa et Brazzaville étaient les capitales créatives du continent, où la rumba congolaise et le soukous, mêlant rythmes cubains et traditions locales, s’épanouissaient.

Le lingala, langue nationale majeure de la République démocratique du Congo (RDC), était la langue officielle de cet art. La diffusion de cette musique fit du lingala une langue commerciale et artistique transfrontalière, chantée par les artistes de Kinshasa jusqu’à Nairobi, transmettant des histoires d’amour et du quotidien des populations.

Dans les chansons africaines traditionnelles, la femme est souvent celle qui parle ou à qui l’on s’adresse. Dans « Kasongo », un discours féminin à la fois triste et puissant est incarné. La voix féminine n’apparaît pas directement, mais est évoquée à travers les paroles que les chanteurs relaient en son nom. Cette figure de femme confrontée à l’absence s’exprime avec un espoir et une supplique profonds. Cette approche souligne le rôle central de la femme dans la famille et la société, lui donnant une voix dans la scène musicale, même si elle ne chante pas elle-même.

La RDC et la République du Congo partagent le bassin du fleuve Congo qui donne son nom aux deux pays. On distingue souvent ces deux États par leurs capitales respectives : Brazzaville pour la République du Congo et Kinshasa pour la RDC. Ces deux nations francophones ont été des colonies françaises (RDC) et belges (République du Congo) avant leur indépendance en 1960.

Carte de Bukavu, République démocratique du Congo

Les Congolais parlent plus de deux cents langues et dialectes, allant de langues très répandues à des dialectes parlés par seulement quelques centaines de locuteurs.

Comment la mélodie a-t-elle résisté au temps ?

Le succès de la chanson n’aurait pas dépassé la région sans son secret artistique unique. Le groupe « Super Mazembe » a créé un air mêlant rythmes dansants et profondeur émotionnelle, ce qui lui a permis de franchir la barrière de la langue.

Aujourd’hui, grâce aux réseaux sociaux, « Kasongo Ye Ye » connaît une nouvelle vie. La jeune génération l’a redécouverte, transformant ce chant patrimonial relatant la douleur de la perte en un hymne mondial pour les moments légers et joyeux. Le parcours de cette chanson, d’un appel radiophonique désespéré dans les années 1970 à une tendance dansante au XXIe siècle, témoigne que la musique authentique, née d’émotions sincères, peut traverser le temps et les continents pour créer de nouvelles histoires à chaque écoute.

source:https://www.aljazeera.net/culture/2025/7/3/%d9%83%d8%a7%d8%b3%d9%88%d9%86%d8%ba%d9%88-%d9%82%d8%b5%d8%a9-%d9%81%d9%82%d8%af%d8%a7%d9%86-%d9%88%d8%ad%d8%a8-%d8%aa%d8%ae%d8%aa%d8%a8%d8%a6-%d8%ae%d9%84%d9%81

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