# La population musulmane en Inde a-t-elle vraiment explosé ?
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<h2>Un rapport controversé</h2>
<p>New Delhi, Inde – La part des musulmans indiens dans la population du pays a augmenté de plus de 43 % depuis 1950 : c’est la principale conclusion d’un nouveau document de travail publié par le Conseil consultatif économique du Premier ministre Narendra Modi (EAC).</p>
<p>Au milieu de la campagne électorale nationale houleuse en Inde, alors que Modi brosse de plus en plus des scénarios effrayants de musulmans soutenus par les partis d’opposition prenant le contrôle des ressources du pays, le rapport a suscité des critiques quant à son timing. Des sections du parti au pouvoir de Modi, le Bharatiya Janata Party (BJP), ont amplifié les conclusions de l’article pour souligner un récit longtemps véhiculé par la droite hindoue selon lequel la majorité religieuse de la communauté dans le pays est menacée.</p>
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<h2>Que dit le rapport ?</h2>
<p>Le rapport examine les tendances démographiques mondiales entre 1950 et 2015 en se basant sur les statistiques de l’Association des archives de données religieuses (ARDA), une base de données en ligne gratuite sur les données religieuses mondiales.</p>
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<li>Il conclut qu’au cours de la période étudiée, la part de la population musulmane en Inde a augmenté de 43,15 %, passant de 9,84 % à 14,09 %.</li>
<li>En revanche, il indique que la part de la population hindoue majoritaire a diminué de 7,82 %, passant de 84,68 % à 78,06 % entre 1950 et 2015.</li>
<li>La part de la population chrétienne de l’Inde est passée de 2,24 % à 2,36 %, soit une augmentation de 5,38 %.</li>
<li>La population sikhe a augmenté de 6,58 %, passant de 1,74 % en 1950 à 1,85 % en 2015.</li>
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<p>Le rapport mentionne que la part de la population bouddhiste en Inde a augmenté de 0,05 % à 0,81 %, mais omet le pourcentage d’augmentation – près de 1 600 % selon cette méthodologie.</p>
<p>Il conclut que dans la plupart des 167 pays étudiés, la part de la population de la foi religieuse majoritaire a diminué – certains dans le voisinage de l’Inde, y compris le Pakistan à majorité musulmane, le Bangladesh et l’Afghanistan, ainsi que le Sri Lanka et le Bhoutan à majorité bouddhiste, dérogeant à cette tendance.</p>
<p>Dans le cas de l’Inde, le rapport affirme que l’augmentation de la population de plusieurs minorités religieuses reflétait une « mesure cumulative de leur bien-être ». Les données montrent, selon le document, que les minorités en Inde « ne sont pas seulement protégées mais prospèrent » – même si plusieurs rapports et classements internationaux avertissent de la baisse de la liberté religieuse dans le pays.</p>
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<h2>Ces chiffres manquent-ils de contexte ?</h2>
<p>Le rapport s’appuie sur des données provenant d’une enquête, et non du recensement national décennal qui a eu lieu en 2011. Le recensement de 2021 a été reporté en raison de la COVID-19, mais le gouvernement Modi n’a pas encore annoncé de calendrier pour l’exercice retardé. Les démographes considèrent généralement les données du recensement comme plus robustes, car les résultats des enquêtes, avec des échantillons de taille plus petite, peuvent dépendre de la sélection des participants.</p>
<p> »Il n’y a pas de remplacement pour le recensement, et rien ne peut être fait pour les politiques sans ces données manquantes », a déclaré Aashish Gupta, démographe et Marie Skłodowska-Curie Fellow à l’Université d’Oxford.</p>
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<h2>Le mythe de l’explosion démographique musulmane</h2>
<p>La droite majoritaire hindoue de l’Inde a longtemps poussé une théorie du complot selon laquelle les musulmans indiens se reproduisent plus vite avec l’intention de finalement dépasser les hindous en nombre. En réalité, cependant, les taux de fécondité des musulmans diminuent le plus rapidement parmi tous les grands groupes religieux en Inde, selon les propres données du gouvernement. Le taux de fécondité – le nombre moyen d’enfants qu’une femme met au monde – parmi les musulmans est passé de 4,41 à 2,36 entre 1992 et 2021, tandis qu’il est passé de 3,3 à 1,94 pour les hindous.</p>
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<h2>Pourquoi ce rapport est-il important ?</h2>
<p>Avec la campagne de réélection en cours, Modi a redoublé sa rhétorique contre les 200 millions de musulmans indiens, les qualifiant apparemment d' »infiltrateurs » et les désignant comme « ceux qui produisent plus d’enfants », bien qu’il ait semblé s’éloigner de ces commentaires dans une interview ultérieure.</p>
<p>Le nouveau rapport gouvernemental a offert un nouveau carburant pour des suggestions infondées du parti de Modi selon lesquelles la majorité hindoue de l’Inde est menacée. Amit Malviya, responsable du département de l’information nationale du BJP, a cité le rapport pour poster sur X que si le pays était laissé au parti d’opposition Congrès, « il n’y aurait pas de pays pour les hindous ». Un autre ministre du cabinet de Modi, Smriti Irani, a déclaré que le rapport était « la preuve des dommages causés aux hindous » et que l’héritage du Congrès est de « torture et de manque de respect pour la communauté hindoue ».</p>
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