Home ActualitéLa résistance palestinienne face aux violences israéliennes : analyse et enjeux

La résistance palestinienne face aux violences israéliennes : analyse et enjeux

by Sara
Palestine, Israël

La colonisation israélienne des territoires palestiniens repose, comme celle des autres colonisateurs et occupants, sur des formes renouvelées et évolutives de violence. L’objectif est de soumettre le peuple palestinien sous son contrôle et de façonner une conscience complice, acceptant la soumission. Cette analyse s’appuie sur des travaux d’experts en études postcoloniales, notamment ceux du médecin français Franz Fanon, du philosophe camerounais Achille Mbembe, et de la professeure de littérature à Harvard, Ellen Scarry.

Ces chercheurs mettent en lumière les mécanismes de la violence coloniale, ses objectifs, ainsi que les stratégies que peuvent adopter les populations opprimées pour y résister, en particulier les techniques de gestion de la douleur autant individuelle que collective.

La violence du choc et de la terreur

Le régime d’occupation utilise la méthode du « choc et de la terreur » pour infliger une douleur brutale et soudaine en vagues successives, dans le but de dépasser la capacité de résistance du peuple palestinien.

Ce choc vise à désorganiser le tissu social et à briser la confiance interne, rendant ainsi la population plus encline à la soumission et au rejet de la résistance. Face à cette violence, les mouvements de libération cherchent à assimiler cette brutalité à travers des stratégies comme la « mythification de l’héroïsme », qui mobilise la population en valorisant les actes de résistance et en consolidant leur utilité.

La documentation des crimes de l’occupant est également une arme essentielle pour délégitimer internationalement l’occupation, tout en infligeant un maximum de souffrances physiques et morales à l’ennemi, focalisant l’attention sur la douleur infligée à l’adversaire.

La nature du colonialisme selon Franz Fanon

Franz Fanon, médecin et penseur engagé dans la lutte anticoloniale, a formulé une théorie majeure sur la nature violente du colonialisme, inspirée de son expérience durant la guerre d’Algérie. Il décrit le colonialisme comme un système violent qui déshumanise l’occupé, le transformant en « chose » perçue comme source du mal, devant être détruite ou disciplinée.

Cette domination agressive ne peut être renversée par des réformes : Fanon insiste sur la nécessité d’une rupture radicale par la force. Il souligne également le phénomène du « complot psychologique » dans lequel l’opprimé adopte le regard de l’oppresseur.

Le point tournant dans la lutte réside dans l’acceptation de la souffrance et le refus de la fuite, confrontant l’occupation de front. Par ce combat violent contre l’oppression, l’opprimé recouvre son humanité, sa dignité et son estime de soi. La libération est collective, suivant la règle solidaire « la survie de tous ou celle de personne ».

Les « politiques de la mort » et l’analyse d’Achille Mbembe

Le philosophe camerounais Achille Mbembe approfondit cette réflexion en introduisant le concept de « politiques de la mort ». Ce terme décrit la souveraineté coloniale qui décide qui peut vivre ou devoir mourir, révélant ainsi la logique extrême et destructrice du pouvoir colonial.

Dans ce contexte, la vie et la mort deviennent des terrains où s’exerce l’autorité totale du colonisateur. Mbembe met en lumière la production de « mondes de la mort » à travers le siège, les frontières, les camps, les prisons et les champs de bataille, où la vie des colonisés est constamment suspendue à la menace de mort.

Dans la bande de Gaza, on observe cette stratégie à travers un siège de 17 ans, la multiplication des morts et des blessures, la privation d’accès à l’eau, à la nourriture, aux soins médicaux, ainsi que la destruction des lieux symboliques comme les mosquées.

Cette politique vise aussi à briser la cohésion sociale par des alternances d’espoir et de désespoir, transformant les centres d’aide en zones mortelles, comme en témoignent les nombreuses massacres perpétrés durant le conflit.

La gestion politique de la douleur selon Ellen Scarry

Ellen Scarry, professeure de littérature à Harvard, analyse la douleur comme un outil politique dans son ouvrage « The Body in Pain: The Making and Unmaking of the World ». Elle souligne que l’objectif central de la guerre est d’infliger des blessures corporelles afin de surpasser l’adversaire par la souffrance.

Ce phénomène est souvent ignoré dans les descriptions stratégiques de la guerre, alors que chaque camp tente de briser la résistance de l’autre non pas seulement par la quantité de dommages, mais par la déconstruction de la volonté adverse, que ce soit dans sa capacité à infliger ou à supporter la douleur.

Un obstacle majeur à cette dynamique est la difficulté d’exprimer la douleur physique, qui reste souvent indicible et incomprise par autrui, ce qui nécessite des moyens pour lui « donner voix » et ainsi en réduire l’impact psychologique.

Les moyens d’atténuation de la douleur

Scarry souligne que les actes qui restaurent la voix de la douleur, par exemple à travers la reconnaissance et l’expression, ne constituent pas seulement une condamnation de la souffrance, mais en deviennent une forme d’allégement voire une inversion partielle du processus de torture.

La reconnaissance de la douleur permet à la personne souffrante de retrouver sa voix, et par conséquent son humanité. Cela passe par :

  • L’acceptation de la douleur
  • Son expression
  • La construction de réseaux de solidarité sociale avec les souffrants

La solidarité est d’autant plus puissante qu’elle donne une place à la douleur dans le monde, affaiblissant son emprise sur le corps et empêchant qu’elle n’engloutisse totalement l’individu.

Dans le contexte palestinien, les dimensions religieuses et spirituelles ont joué un rôle central dans la résilience à la douleur et au traumatisme liés à l’occupation. La structure idéologique de la résistance a renforcé la robustesse collective, permettant la poursuite de la lutte armée malgré les pertes humaines massives.

Les concepts de martyrdom, patience, et confiance en la justice divine, ainsi que des versets coraniques tels que « Si vous souffrez, eux aussi souffrent comme vous souffrez » ont constitué un fondement mobilisateur puissant, notamment depuis la prise de contrôle du Hamas sur Gaza en 2006.

La centralité de la douleur dans le conflit et ses implications

Le niveau de douleur dans une guerre ne détermine pas en soi la victoire ou la défaite. Ce qui importe est la manière dont la douleur est gérée et intégrée :

  • Si la douleur est comprise et partagée socialement, elle peut renforcer la volonté de résistance face à l’occupation.
  • Si la douleur est assimilée à une fatalité absurde et s’accompagne du désordre social et politique, elle mène à l’effondrement.

La gestion de la douleur dans un contexte colonial peut ainsi prendre une double direction :

  • Positive : en tant que moteur d’émancipation et d’organisation collective, alimenté par la solidarité sociale et un discours de résistance qui dénonce la moralité de l’ennemi.
  • Négative : poussée à un point insoutenable, la douleur vise à détruire la cohésion et le moral des colonisés, tout en évitant d’accorder des concessions susceptibles d’encourager leur résilience.

Au final, le sort du conflit est un affrontement de volontés autour de la production et de la gestion de la douleur. Il est crucial de toujours replacer cette douleur dans son contexte et d’orienter la riposte contre l’occupant, en cherchant à minimiser son impact afin de soutenir une résistance durable plutôt que de se rendre à la volonté adverse.

source:https://www.aljazeera.net/politics/2025/6/7/%d8%a5%d8%af%d8%a7%d8%b1%d8%a9-%d8%a7%d9%84%d8%a3%d9%84%d9%85-%d9%81%d9%8a-%d9%85%d9%88%d8%a7%d8%ac%d9%87%d8%a9-%d8%b3%d9%8a%d8%a7%d8%b3%d8%a7%d8%aa-%d8%a7%d9%84%d9%85%d9%88%d8%aa

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