La tyrannie des avis en ligne : un frein à vos vacances ?

Stratégies de recherche des vacanciers

« En dessous de 4, je ne regarde même pas, en dessous de 4,5, je commence à m’y intéresser, mais ce n’est pas le premier vers lequel je vais aller », détaille Inès, 42 ans, en parlant de sa stratégie pour trouver un restaurant pendant ses vacances. Sa recherche quasi-obsessionnelle prend du temps, au grand dam de son conjoint, surtout lorsqu’il faut parcourir des kilomètres pour atteindre un autre établissement encore mieux noté. « Cela peut créer des conflits entre nous, il voudrait qu’on arrête de chercher et moi, ça me met davantage la pression de trouver quelque chose de mieux », assure la réalisatrice.

Impact des avis en ligne sur les choix

D’après une étude Ifop-GuestSuite publiée en septembre 2023, 9 Français sur 10 consultent les avis d’internautes avant de réaliser un achat. « Certains vont se contenter de trouver un restaurant bien noté à proximité, tandis que d’autres vont explorer jusqu’à la troisième page de résultats pour calmer une certaine anxiété », analyse Vincent Trybou, psychologue et coauteur de Devenez votre propre psy (Harper Collins). Pour les spécialistes, ce comportement cache une quête de contrôle, souvent alimentée par la peur de faire le mauvais choix mais aussi par une société valorisant la performance.

La recherche du « meilleur choix »

En vacances, pour trouver un hébergement ou un restaurant, Élise, 36 ans, parle de faire un « benchmark entre Tripadvisor et Google, pour faire non pas le bon choix mais le meilleur possible ». « Si je ne cherche pas longuement, j’ai peur de passer à côté de quelque chose. Si je me trompe, je vais être très frustrée au point de regretter d’avoir dîné au restaurant », confie à son tour Inès. Ce comportement dépasse la simple recherche d’un bon endroit où manger pour profiter de la gastronomie locale.

Les conséquences de l’angoisse

Et l’angoisse ne disparaît pas une fois la décision prise. « Après avoir fait mon benchmark, je me demande encore, une fois assise, si j’ai fait le bon choix. On est tellement informés de l’étendue des choix que l’on continue à ruminer », confie Élise. Ce doute constant, selon Nathalie Rapoport-Hubschman, médecin psychothérapeute et autrice de Vivre en accord avec soi (Odile Jacob), est alimenté par le trop-plein d’informations censé pourtant calmer une anxiété. « Faire un choix, c’est aussi renoncer à d’autres options, ce qui nourrit le regret et la frustration », explique-t-elle.

La société de performance

Malgré le temps et l’énergie que cette quête représente, Carlos (le prénom a été changé), 35 ans, assume pleinement cette recherche qui lui a évité nombre de déconvenues. « La faim peut attendre tant que je n’ai pas trouvé le bon restaurant. Je ne veux pas être déçu d’avoir perdu du temps et de l’argent en choisissant le mauvais lieu », affirme-t-il. Il est, comme Élise ou Inès, « la référence restaurant ou bon plan » de son groupe d’amis.

Apprendre à lâcher prise

Inès et Élise le regrettent. « Décider sur un coup de tête, manger dans un endroit qui a l’air sympa sans regarder mon téléphone… J’ai perdu ces moments inattendus qui rendent les voyages uniques », confie Inès. Quand des amis s’installent dans un restaurant « mal noté », la réalisatrice avoue avoir du mal à ne pas intervenir. « Si la note est mauvaise, je dois me faire violence pour ne pas demander de changer. Je ne veux pas passer pour la relou de service », confie-t-elle.

Cependant, selon Nathalie Rapoport-Hubschman, cette douce violence est nécessaire pour sortir d’un fonctionnement obsessionnel. Apprendre à lâcher prise, accepter l’imprévu et renouer avec la spontanéité peut être une forme de résistance douce face à cette tyrannie des avis. Choisir un restaurant au hasard ou demander conseil à un habitant sont autant de façons de se reconnecter au moment présent.