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Le Canada face au mythe de l’unité et à Trump
Le Canada est souvent perçu comme un havre de mythes agréables. Une caricature populaire ces derniers temps dépeint un pays uni dans une solidarité joyeuse, résistant ensemble à un président impopulaire qui rêve d’ajouter le Canada comme 51e étoile sur le drapeau américain.
Pourtant, la vérité est plus inconfortable. Plusieurs Canadiens ne souhaitent pas vraiment bonne chance à Mark Carney, l’ancien technocrate formé à Harvard devenu Premier ministre, qui rencontre aujourd’hui pour la première fois le dominateur commandant en chef des États-Unis, Donald Trump.
Une division sous-jacente au sein du Canada
Une part significative de Canadiens – encore meurtris par la résurgence remarquable du Parti libéral lors des récentes élections – pourrait bien soutenir l’autre camp, celui qui parle d’effacer la « ligne artificielle » séparant les deux nations voisines.
Alors que Carney affirme que la souveraineté canadienne est non négociable, Trump continuera sans doute à clamer, en privé comme en public, que son voisin du Nord, ingrat et dépendant depuis trop longtemps des États-Unis, ferait mieux de se joindre à eux pour former un « pays magnifique ».
Un nationalisme canadien contesté
Malgré une expression élargie d’un nationalisme canadien renouvelé, incluant le boycott des produits américains et une prudence accrue à voyager au sud du 49e parallèle, Trump a des raisons de poursuivre son rêve d’un empire agrandi.
La réalité que Carney et ses alliés peinent à admettre est que, dans certaines régions du Canada, l’idée de rejoindre les États-Unis n’est pas aussi taboue qu’elle devrait l’être.
Le sondage récent publié par CTV News révèle que :
- 18 % des électeurs conservateurs seraient prêts à échanger l’« Ô Canada » contre une reprise enthousiaste de l’« Star-Spangled Banner ».
- 21 % des Albertains accepteraient d’être absorbés dans la vision « laide et déformée » de l’Amérique prônée par Trump, marquée par la cruauté et la vindicte comme valeurs dominantes.
Une fracture profonde à l’Ouest
Ce mouvement d’annexion n’a rien à voir avec le mouvement souverainiste traditionnel, ni avec les nationalistes québécois défendant leur identité, langue et culture. Il s’agit plutôt d’une large frange de l’Ouest, perpétuellement en colère, isolée et nourrissant un ressentiment ancien, qui flirte avec la séparation et semble aspirer à l’annexion.
Pour ces « annexionnistes » canadiens, Trump incarne le salut face aux politiciens étroits d’esprit d’Ottawa, dominés par les électeurs satisfaits de l’Ontario et du Québec.
Dans ce contexte, les ambitions impériales brutes de Trump sont perçues comme une opportunité, non une menace.
Le populisme trumpiste et ses échos au Canada
L’image belliqueuse de l’Amérique portée par Trump – avec son amour pour la déréglementation, son indépendance musclée et son rejet de toute progression excessive – séduit de nombreux conservateurs canadiens qui se sentent abandonnés par des politiciens cherchant à plaire aux électeurs urbains et « woke » de Toronto, Montréal et au-delà.
La rhétorique incendiaire de Trump, fondée sur l’injustice, l’exceptionnalisme et le mépris des « élites globalistes », résonne avec un sentiment croissant de désillusion envers la Confédération actuelle.
Ses provocations calculées, amplifiées par les médias sociaux et certains médias « alternatifs », renforcent la perception que le fédéralisme canadien est « cassé » et que les autorités ne prêtent pas attention aux citoyens.
Le rôle exacerbé de la division par les leaders politiques
Dans ce climat corrosif, le chef conservateur déchu Pierre Poilievre doit reconnaître son rôle dans la promotion d’un récit fondé sur l’aliénation et la dysfonction, qui a creusé les divisions et sapé la confiance dans les institutions publiques.
Dans sa quête étroite du pouvoir, Poilievre a dénigré la nation qu’il voulait diriger, reprenant souvent, presque mot pour mot, la rancune bouillonnante et la rhétorique polarisante de Trump.
Les efforts cyniques du président américain pour miner l’indépendance d’un allié ont été facilités par un politicien désireux de répéter que le Canada s’effondre de l’intérieur.
Les fissures apparaissent malgré la loyauté à l’emblème national
Comme tous les démagogues, Trump sait flairer la vulnérabilité. Si la majorité des Canadiens restent fidèles à la feuille d’érable et sont profondément offensés par ses avances grossières, des fissures commencent à se dessiner.
Il exploite ces divisions avec des menaces spectaculaires et un sourire agaçant.
Le rôle controversé de Danielle Smith et l’Acte de souveraineté de l’Alberta
Bien qu’elle rejette cette étiquette, la Première ministre de l’Alberta, Danielle Smith, est de facto la patronne des séparatistes de la province.
Son « Alberta Sovereignty Act » n’est pas une simple affirmation de droits provinciaux. Il s’agit, en réalité, d’une déclaration implicite : « Nous choisirons les lois que nous voulons suivre. »
Cela représente un défi flagrant au fédéralisme et une insulte à la Constitution.
Les attaques de Smith contre la trahison et le contrôle du Canada central rappellent la méthode toxique de Trump.
Une nouvelle ère pour le ressentiment régional
Il ne s’agit plus seulement de pipelines ou de baisse d’impôts. Le discours vise à nourrir le sentiment de victimisation de l’Alberta, préparant la population à considérer le Canada non comme un foyer, mais comme une camisole de force.
C’est le trumpisme chaussé de bottes de cowboy tachées de pétrole.
Un appel à l’unité et au compromis
Une coalition de leaders nationaux, couvrant le spectre politique canadien, doit prendre au sérieux le mécontentement qui grandit à l’Ouest.
Cela nécessite un engagement sincère au compromis et à la préservation d’une unité canadienne toujours fragile et précieuse.
Si le sentiment d’aliénation continue de se propager et que de plus en plus d’habitants de l’Ouest se sentent étrangers dans leur propre pays, l’impensable pourrait devenir possible.
Peut-être pas l’annexion, mais la fragmentation. Et avec elle, le concept même d’un Canada cohérent et inclusif serait menacé.
Un danger existentiel à surveiller
Les prescriptions pernicieuses de Trump ne sont pas seulement une porte ouverte vers un avenir incertain, elles représentent un danger existentiel. Le Canada fait face à un risque éloigné, mais bien réel, de se fracturer non pas dans un grand fracas, mais sur invitation.