Le Parlement sénégalais approuve le report des élections présidentielles en fin d’année
Le Parlement sénégalais a adopté, dans un climat de grande confusion, un projet de loi reportant les élections présidentielles initialement prévues le 25 février à 15 décembre 2024.
Le président de l’Assemblée nationale a déclaré que le projet de loi a été adopté après que des éléments de la gendarmerie aient expulsé par la force des députés de l’opposition qui entravaient le vote.
La loi approuvée à l’unanimité par les 105 députés présents en séance, en l’absence des députés de l’opposition, stipule également la poursuite du mandat du président Macky Sall jusqu’à l’investiture de son successeur.
Les discussions, entamées le matin, se sont poursuivies jusqu’au soir dans une atmosphère tendue, ponctuée l’après-midi par des affrontements physiques entre parlementaires.
Le texte proposé provient du camp de Karim Wade, dont la candidature a été invalidée par le Conseil constitutionnel, et bénéficie du soutien du camp du président Macky Sall, qui a annoncé samedi le report des élections.
Une commission préparatoire avait souligné dans un rapport dimanche que l’objectif du report était d’éviter « l’instabilité institutionnelle et des troubles politiques graves » et de parvenir à « la reprise complète du processus électoral ».
Les membres de la commission avaient recommandé le report des élections de plus de 6 mois afin de « prendre en considération la réalité du pays », en particulier les difficultés que pourrait causer l’organisation des campagnes électorales pendant la saison des pluies (de juillet à novembre) ou la possibilité qu’elles coïncident avec des fêtes religieuses, selon le rapport.
Protestations
La police sénégalaise a dispersé des manifestations qui ont éclaté dans la capitale Dakar dimanche en utilisant des gaz lacrymogènes et des matraques, après la décision du président Macky Sall de reporter les élections présidentielles.
L’opposition sénégalaise a vivement critiqué la décision du président Sall, qu’il a justifié par « l’existence de divergences entre l’Assemblée nationale (le Parlement) et le Conseil constitutionnel », appelant à manifester à Dakar, un appel auquel des centaines de citoyens ont répondu.
Les partisans de la coalition de l’opposition, qui regroupe plusieurs candidats, ont demandé à poursuivre leurs campagnes publicitaires et à ne pas reporter les élections présidentielles initialement prévues le 25 février.
Des gendarmes arrêtent des manifestants suite à l’annonce du report des élections présidentielles par le président Sall (l’Anadolu)
Les mouvements de l’opposition ont coïncidé avec une session au Parlement consacrée à la discussion du projet de loi permettant de prolonger le mandat du président d’un an, ce à quoi l’opposition s’oppose.
Le projet de loi stipule que les législateurs discuteront aujourd’hui de la proposition de tenir les élections le 25 août et de maintenir Sall à la présidence jusqu’à l’investiture de son successeur.
De nombreux candidats de l’opposition ont annoncé hier qu’ils ignoreraient la décision du président et poursuivraient leur campagne électorale.
Le Sénégal n’avait jamais reporté les élections présidentielles auparavant, et l’incertitude actuelle risque d’entraîner davantage de troubles, rappelant les violentes manifestations des années précédentes.
Dans plusieurs quartiers de la capitale, les forces de sécurité ont réprimé les manifestations de dimanche en lançant des bombes lacrymogènes, et d’autres personnalités politiques de l’opposition, dont l’ancienne Première ministre Aminata Touré, ainsi que d’autres candidats aux élections présidentielles, ont été arrêtées.
Hommes et femmes de tous âges ont bloqué la circulation dans plusieurs endroits de la capitale hier après-midi, en brûlant des pneus en réponse à l’appel de nombreux candidats.
Dans certains quartiers de Dakar, des manifestants ont brûlé des drapeaux français.
Inquiétude internationale
L’annonce du report des élections présidentielles par le président sénégalais a également suscité des inquiétudes à l’étranger, l’Union européenne ayant déclaré dimanche que ce report entraînerait « une période d’incertitude » dans le pays, exhortant à la tenue des élections « dès que possible ».
La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a également exprimé ses préoccupations concernant les circonstances ayant conduit au report des élections et a appelé à la fixation d’une nouvelle date pour les tenir dans les plus brefs délais.
Le ministère français des Affaires étrangères a exhorté hier les autorités à « lever l’incertitude entourant le calendrier des élections afin qu’elles puissent se dérouler dans les plus brefs délais et conformément aux règles démocratiques sénégalaises ».