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L’écotaxe sur les poids lourds, abandonnée en 2014 après de vives protestations, notamment celles du mouvement des « bonnets rouges » bretons, fait son retour en France. Cette mesure fiscale à vocation environnementale est remise à l’ordre du jour lors d’une grande conférence organisée par le gouvernement à Marseille, portant sur le financement et la modernisation des infrastructures de transport à l’horizon 2040.
Un principe de « pollueur-payeur » remis sur la table
À l’origine, l’écotaxe visait à appliquer le principe du « pollueur-payeur » en taxant les émissions de CO2 des camions de marchandises, qu’ils soient français ou étrangers, circulant sur environ 15 000 kilomètres d’axes routiers majeurs en France. Pour cela, 170 portiques électroniques avaient été installés à travers tout le pays, dont 150 restent aujourd’hui encore en attente de démontage.
Cette mesure devait contribuer à financer la modernisation des réseaux routiers, ferroviaires, ainsi que d’autres infrastructures telles que les ponts ou gares, afin d’adapter la mobilité aux enjeux climatiques et aux besoins en transports plus sobres, notamment en transports en commun.
Un enjeu financier majeur pour la modernisation des transports
Le financement de ces transformations représente un défi colossal. Selon un rapport publié en 2023 par les sénateurs Hervé Maurey et Stéphane Sautarel, les besoins, incluant coûts d’exploitation et investissements, s’élèveraient à 100 milliards d’euros d’ici 2030 pour répondre aux exigences de mobilité et de transport de marchandises en France.
Dans un contexte budgétaire tendu, avec une dette nationale avoisinant 3 200 milliards d’euros selon l’Insee, l’écotaxe apparait comme une solution efficace pour générer des recettes substantielles. Un rapport de la Cour des comptes de 2017 estimait ainsi à près de 9,83 milliards d’euros les recettes potentielles sur une décennie si la taxe avait été maintenue.
Les magistrats soulignaient alors : « Cet abandon traduit l’échec des ambitions initiales et un gâchis financier, patrimonial, social et industriel ».
Des soutiens et des résistances face à la réintroduction de l’écotaxe
Pour Dominique Busserau, ancien secrétaire d’État chargé des Transports, « on aurait six milliards de plus par an actuellement, donc on n’aurait pas besoin de faire une conférence » sur le financement des transports. L’Union des transports publics et ferroviaires (UTPF), par la voix de sa déléguée générale Florence Sautejeau, se montre également favorable à la mesure.
Le sénateur Hervé Maurey confirme que « l’écotaxe ne doit pas être exclue », même si une source gouvernementale demeure prudente, indiquant : « Nous verrons comment les discussions évoluent pendant la conférence. »
Jean-Marc Zulesi, ancien député et président de la commission développement durable, note que cette taxe pourrait favoriser une réduction ou un redéploiement des flux de camions, mais met en garde contre un possible recul des recettes fiscales.
Risques politiques, économiques et juridiques
Le retour de l’écotaxe suscite néanmoins des inquiétudes, notamment économiques et politiques. En septembre dernier, l’Union des entreprises de transport et de logistique (TLF) avait mis en garde contre les conséquences « graves » de cette taxe, qui pourrait pénaliser la compétitivité des entreprises françaises, en particulier les TPE et PME du secteur.
Par ailleurs, le droit européen interdit de taxer uniquement les camions étrangers, ce qui limite les options. La précédente version de l’écotaxe concernait aussi les transporteurs français, mais cette contrainte juridique complique la mise en place d’une version ciblée.
Une mise en œuvre locale dès 2027 dans la région Grand-Est
Malgré ces obstacles, l’écotaxe fait un retour partiel grâce au projet de loi Climat et Résilience adopté en 2021, qui autorise une taxation locale. La région Grand-Est prévoit de lancer en 2027 un dispositif nommé « R-Pass », ciblant les poids lourds de plus de 3,5 tonnes circulant sur l’autoroute A35, axe majeur du nord au sud de la région.
L’objectif est de limiter le transit des camions étrangers qui empruntent cette route pour éviter l’écotaxe allemande, responsable d’une hausse de 18 % du trafic poids lourds en Alsace depuis fin 2023. Ce dispositif pourrait générer environ 64 millions d’euros par an, dont la moitié provenant du trafic étranger, soit un milliard d’euros sur dix ans, fonds destinés à l’entretien et à la modernisation des infrastructures locales.
Pour répondre aux contraintes européennes, la région envisage d’exonérer ou de subventionner certains acteurs économiques, sans que les modalités précises aient été dévoilées. Une partie des recettes sera également réinvestie pour soutenir l’économie locale.
Cette initiative rencontre déjà l’opposition de l’Union des entreprises de transport et de logistique, qui a exprimé son désaccord envers la mesure.