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Les dérives des procès politiques en Tunisie : un héritage lourd

by Sara
Les dérives des procès politiques en Tunisie : un héritage lourd
Tunisie

Les dérives des procès politiques en Tunisie : un héritage lourd

Le système tunisien, à l’instar de la majorité des systèmes arabes, a été affligé par des procès politiques depuis les années 1950, faisant de ceux-ci des événements historiques majeurs dans le pays, avant même le développement, la démocratie, les libertés, et le progrès technologique et scientifique.

En parcourant l’histoire tunisienne, il est évident que les procès politiques ont dominé près de six décennies de la vie de l’État tunisien, qui, pendant cette période, semble avoir été en état d’alerte contre divers groupes, mouvements, partis, personnalités et syndicats.

À chaque décennie depuis les années 1950, un groupe politique, syndical ou certaines personnalités éminentes ou journalistes ont été ciblés par le régime pour des raisons similaires.

Au lieu que la guerre que le régime mobilise soit contre l’ignorance, la pauvreté, la corruption et l’arbitraire, en vue de construire des institutions démocratiques, la Tunisie a, durant environ soixante-dix ans, mené une guerre contre ses propres citoyens et personnalités, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pouvoir, en raison de points de vue et de positions qui différaient du régime.

Premiers événements : le massacre des Youssefistes

Les premiers procès politiques ont ciblé ce que l’on appelle les « Youssefistes », partisans de Salah Ben Youssef, secrétaire général du Parti constitutionnel libre nouveau, qui s’est opposé aux « Accords d’indépendance interne » signés par Habib Bourguiba avec la France le 3 juin 1955. Ces accords étaient jugés largement insuffisants par Ben Youssef, qui prônait une résistance pour « l’indépendance totale ».

Bourguiba a réussi à renverser la situation lors du congrès de Sfax en novembre 1955 en convainquant une partie du parti d’adopter une « politique des étapes » pour obtenir l’indépendance totale, ce qui a commencé à se concrétiser le 29 février 1956, avec l’ouverture des négociations à Paris.

Ben Youssef, expulsé du parti, a tenté d’organiser ses partisans, mais s’est retrouvé contraint à l’exil après que ses partisans aient été pourchassés par le ministère de l’Intérieur. Il s’est finalement installé en Égypte avant d’être assassiné en Allemagne en 1961, avec des accusations pesant sur le ministère de l’Intérieur tunisien.

Ses partisans ont été traduits devant des tribunaux politiques où des peines de mort ont été prononcées, et ils ont subi un massacre tragique au cœur de Tunis, ce qui a marqué le début d’un cycle de violences politiques.

Les années 1960 : les prémices de l’opposition

À peine le régime de Bourguiba avait-il éliminé Ben Youssef et ses partisans que la « tentative de coup d’État » de 1962 a été annoncée, impliquant des militaires et des civils, ce qui a conduit à des procès militaires et à des condamnations à mort.

Cela a entraîné l’interdiction du Parti communiste tunisien et la dissolution du reste de l’ancien Parti constitutionnel, réduisant l’opposition à quelques figures à l’étranger et à de petits groupes de gauche.

Le régime a alors commencé à réprimer toute voix dissidente, considérant toute opposition comme un ennemi à combattre.

Les années 1970 : tensions internes croissantes

Dans les années 1970, des membres du parti au pouvoir ont commencé à s’inquiéter de la concentration de pouvoir autour du président. Une faction, dirigée par le ministre de la Défense Ahmed Mestiri, a appelé à « libérer le système politique », gagnant du soutien lors d’un congrès du Parti socialiste constitutionnel.

Malgré leur succès, Bourguiba a rejeté les résultats et a organisé un second congrès en 1974, au cours duquel plusieurs membres ont été exclus.

Les événements de février 1972, connus sous le nom de « Mouvement de février », ont vu des étudiants de gauche se soulever contre les politiques injustes, menant à des répressions violentes.

La décennie du « sang » et du « coup d’État »

Les années 1980 ont été marquées par des troubles considérables, notamment une tentative d’infiltration par un groupe armé en 1980, qui a échoué mais a secoué le régime. Cette période a vu la montée de l’Islam politique avec l’émergence du « Mouvement de la tendance islamique ».

Le régime a réagi en emprisonnant des milliers de membres islamistes et en multipliant les procès, établissant ainsi un précédent de répression politique.

Retour des procès politiques

Avec l’arrivée au pouvoir de Zine El Abidine Ben Ali en 1987, les procès politiques se sont intensifiés, ciblant les islamistes et les syndicalistes. Bien que la situation ait semblé s’apaiser après la révolution de 2011, les procès politiques ont repris avec vigueur après le coup d’État de juillet 2021, lorsque le président actuel, Kais Saïed, a fermé le parlement et suspendu le constitution.

Les accusations portées contre des opposants politiques, des journalistes et des hommes d’affaires évoquent des pratiques judiciaires douteuses, allant à l’encontre des normes de procès équitable.

Réflexion sur le système judiciaire et politique

Les procès politiques en Tunisie sont souvent perçus non comme un reflet de la force du régime mais comme un moyen de masquer les crises sociales et économiques. Ils servent à détourner l’attention du public des véritables problèmes en désignant des boucs émissaires.

Aucune avancée significative n’a été constatée en matière de développement ou de réformes, et les chiffres avancés par le régime sont souvent démentis par des institutions comme le FMI.

Les procès politiques sont caractéristiques des régimes autoritaires, où la justice est manipulée et où la dissidence est réprimée. La Tunisie ne pourra tourner la page de ces pratiques qu’en révisant les lois qui les ont institutionnalisées.

source:https://www.aljazeera.net/opinions/2025/3/18/%d9%85%d8%ac%d8%a7%d8%b2%d8%b1-%d8%aa%d9%88%d9%86%d8%b3-%d9%88%d8%a7%d9%84%d8%b4%d8%ac%d8%b1%d8%a9-%d8%a7%d9%84%d8%aa%d9%8a-%d8%a3%d8%ae%d9%81%d8%aa-%d8%a7%d9%84%d8%ac%d8%b1%d8%a7%d8%a6%d9%85

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