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La formation du gouvernement au Soudan fait face à d’importants obstacles, reflétant des tensions internes profondes et des pressions externes. Depuis la nomination de Kamal Idriss au poste de Premier ministre le 19 mai dernier, les incertitudes persistent quant à la composition finale de l’exécutif. Bien que des progrès significatifs aient été réalisés, le processus reste embourbé dans des désaccords larvés et des influences multiples, notamment de la part de groupes armés alliés à l’armée soudanaise et de hauts responsables militaires qui veulent imposer certains ministres.
Selon des sources proches du Premier ministre, la formation du gouvernement est sur le point d’aboutir et l’annonce officielle pourrait intervenir sous peu. Toutefois, les tensions récurrentes retardent la concrétisation de cette étape cruciale pour la stabilité politique du pays.
Les principaux freins à la formation du gouvernement soudanais
Le secrétaire politique du Mouvement pour la Justice et l’Égalité (partenaire au pouvoir selon l’accord de Juba), Moatasem Saleh, souligne que le principal obstacle est l’absence d’un mécanisme clair et transparent pour la sélection des ministres. Le Premier ministre souhaite composer un gouvernement de compétences techniques (technocrates), mais sans véritable concertation avec les forces politiques et sociales soutenant les institutions étatiques.
De son côté, le docteur Omar Mohamed Saleh, ancien secrétaire général du Conseil des ministres soudanais, insiste sur la nécessité de respecter les portefeuilles ministériels clés – notamment les finances, les mines et la sécurité sociale – qui font partie intégrante du programme gouvernemental. La rétention de certains ministères cruciaux par des parties prenantes sans justification claire fait obstacle à la mise en œuvre efficace des politiques.
Un consensus rapide au sein du Conseil souverain, entre les mouvements armés et le Premier ministre, est urgent afin de surmonter la crise persistante, d’autant que le conflit armé reste actif et requiert une unité nationale pour y mettre fin.
Impact des différends avec les mouvements signataires de l’accord de Juba
Le retard dans l’annonce du gouvernement résulte de plusieurs facteurs, explique l’analyste politique Othman Mirghani :
- Des discussions initiales pour définir le nombre et la nature des ministères, qui ont abouti à la fixation de 22 portefeuilles.
- La consultation avec différentes composantes militaires pour désigner le ministre de l’Intérieur et le ministre de la Défense, ainsi qu’avec le « Groupe Paix » issu de l’accord de Juba pour choisir cinq ministres spécifiques.
- Des négociations bilatérales avec les candidats proposés.
Les tensions avec les mouvements armés sont l’un des principaux freins. Ces groupes revendiquent non seulement leur part des richesses conformément à l’accord, mais insistent aussi sur la conservation de certains ministères et parfois même des ministres en place, par des pressions politiques et médiatiques.
Moatasem Saleh met en garde contre les efforts de certains acteurs politiques et sociaux, aidés par des médias partisans, visant à contourner ou réduire le rôle de l’accord de Juba, ce qui crée une atmosphère de tension injustifiée. Néanmoins, il ne considère pas que les partis signataires constituent un obstacle à la formation du gouvernement, car l’accord est clair sur les parts de pouvoir et les ministères attribués, avec un consensus préalable sur leur nature et importance.
Othman Mirghani souligne la flexibilité politique de ces mouvements, qui souhaitent conserver leurs parts ministérielles, mais restent ouverts à la négociation avec le Premier ministre.
Influence des islamistes dans le retard de la formation gouvernementale
Certains observateurs évoquent l’impact des islamistes, récemment remontés sur la scène politique après leur soutien de poids à l’armée dans la lutte contre le soutien rapide. Malgré ce retour en force, ils affirment ne pas vouloir participer directement au pouvoir ni revendiquer de postes en échange de leur appui.
L’analyste Othman Mirghani évalue leur position comme une « observation prudente ». Ils n’ont pas manifesté d’enthousiasme initial pour la nomination de Kamal Idriss, mais ont finalement adopté une posture d’approbation progressive, qu’ils pourraient renforcer politiquement à l’avenir, vu que Kamal Idriss est une personnalité indépendante évitant les confrontations.
Moatasem Saleh note que des acteurs régionaux et internationaux hésitent à voir les islamistes revenir au pouvoir, et que certains groupes internes s’y opposent également, mais cette opposition ne semble pas retarder la formation du gouvernement, que le Premier ministre veut composer autour de compétences techniques.
Les facteurs empêchant toujours la formation du gouvernement
Selon Ibrahim Al-Siddiq, analyste politique et ancien responsable communication du Parti du Congrès National, la formation doit être une équipe technocratique sans affiliation partisane, rendant inexacte la notion d’un blocage causé par un « parti politique ».
Le véritable frein, d’après lui, réside dans le manque d’expérience politique du Premier ministre Kamal Idriss et de ses proches pour convaincre les partenaires de la paix de leurs postes. Cette difficulté aurait pu être atténuée si un report non convenu avéré avait été envisagé.
Othman Mirghani affirme que l’enjeu n’a jamais été un désaccord avec le groupe des mouvements signataires de l’accord de paix de Juba, mais plutôt la volonté de certains de manipuler ces accords pour limiter la capacité du Premier ministre à former un gouvernement libre d’entraves.
Il affirme que la formation est presque achevée et que les annonces officielles sont imminentes. Le véritable défi sera désormais d’évaluer l’efficacité du gouvernement à travers ses plans et politiques.