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Mises en scène navales Turquie-Égypte inquiètent Israël et Grèce

by Sara
Turquie, Égypte, Israël, Grèce, Libye

Les manœuvres navales conjointes entre la Turquie et l’Égypte, baptisées « mer de l’amitié », ont repris en septembre après une interruption de plusieurs années. Tenues du 22 au 26 septembre dans la province de Muğla, ces exercices relancent une coopération militaire qui avait débuté en 2009 puis été suspendue en 2013 pour des raisons politiques.

Cette reprise intervient dans un contexte régional tendu et suscite l’attention d’acteurs voisins, notamment Israël et la Grèce. Les manœuvres Turquie Égypte sont perçues comme un signe fort de rapprochement stratégique entre deux marines influentes en Méditerranée orientale.

Objectifs affichés des exercices

Le porte-parole du ministère turc de la Défense, Zeki Aqtürk, a précisé que les objectifs principaux étaient :

  • le renforcement des relations bilatérales entre Ankara et Le Caire ;
  • l’amélioration de l’interopérabilité entre leurs forces navales ;
  • la coordination dans des opérations communes de sécurité maritime.

Ces objectifs ont été présentés comme visant à consolider une coopération pratique et durable entre les deux pays.

Un contexte régional marqué par les tensions

La tenue des manœuvres coïncide avec une flambée de menaces et d’opérations dans la région, notamment suite à l’offensive israélienne contre la bande de Gaza après l’opération dite « Tufan al‑Aqsa ». Deux ans après ce conflit, les pressions et avertissements venant de Tel‑Aviv ont augmenté.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, dans le sillage des succès militaires attribués à ses forces, a multiplié les mises en garde à l’encontre d’acteurs régionaux, y compris Ankara et Le Caire. Ces déclarations ont poussé plusieurs États à rehausser leurs niveaux de préparation militaire.

Transformations de la sécurité régionale

Plusieurs évolutions récentes ont redessiné la carte sécuritaire de la région :

  • des exercices et accords bilatéraux plus visibles entre puissances régionales ;
  • l’essor de capacités militaires locales (armement, drones, systèmes de frappe) ;
  • des partenariats défensifs inattendus, comme un rapprochement entre l’Arabie saoudite et le Pakistan.

Pour la Turquie, le gouvernement issu du Parti de la justice et du développement (AKP) a, depuis 2002, cherché à repositionner Ankara comme un acteur clé capable de contribuer à une nouvelle architecture de sécurité régionale, moins dépendante des puissances extérieures.

Affrontement stratégique avec Israël ?

Certains observateurs voient dans ces exercices un message adressé à Israël. Plusieurs éléments renforcent cette lecture :

  • la montée en puissance des capacités militaires turques, avec des avancées dans la fabrication de missiles balistiques et de bombes « intelligentes » ;
  • le renforcement par l’Égypte de ses forces et équipements dans le Sinaï, suscitant des remarques de Tel‑Aviv et des préoccupations relatives au traité de paix de 1979 ;
  • les projets de coopération technologique, notamment dans la production de drones, évoqués entre Le Caire et Ankara.

Ces facteurs expliquent pourquoi Israël suit attentivement l’évolution du partenariat turco‑égyptien, sans pour autant présager d’un affrontement armé immédiat.

Une Grèce inquiète

Athènes observe avec préoccupation le renforcement des liens entre Ankara et Le Caire. La crainte principale porte sur les conséquences possibles en matière de délimitation des zones économiques exclusives en Méditerranée orientale.

La Grèce et la partie sud de Chypre ont cherché, avec le soutien de partenaires comme la France et Israël, à sceller des accords maritimes avec l’Égypte pour limiter la marge d’action turque. Un accord turco‑libyen et des opérations de prospection lancées par la Turquie ont toutefois contrecarré ces efforts.

La perspective d’une délimitation maritime entre la Turquie et l’Égypte inquiète Athènes car elle pourrait légalement élargir l’accès de la Turquie aux ressources gazières de la région.

Répercussions sur la Libye

À chaque avancée dans le rapprochement turco‑égyptien, la Libye revient au centre des discussions. Les deux pays partagent une influence historique et stratégique en Libye, et tout progrès bilatéral soulève la question d’une possible contribution à la réunification du pays.

La Turquie a récemment élargi ses contacts vers l’est de la Libye, accueillant notamment des figures issues des forces de l’Est — comme Saddam et Belkacem, impliqués respectivement dans des fonctions militaires et de reconstruction.

Malgré quelques signaux positifs, les divisions persistantes restent profondes. Un consensus implicite semble toutefois se dessiner pour gérer les différends sans retomber dans un conflit majeur.

Portée stratégique et perspectives

Les manœuvres organisées à Muğla confirment un saut qualitatif dans la relation entre la Turquie et l’Égypte. Elles matérialisent une volonté commune d’approfondir la coopération militaire, politique et stratégique.

Plusieurs enjeux resteront déterminants pour l’avenir :

  • l’extension possible d’une architecture de sécurité régionale coordonnée par des acteurs locaux ;
  • l’impact sur la stabilité en Méditerranée orientale et sur les disputes liées aux frontières maritimes ;
  • la capacité à traduire ce rapprochement en initiatives concrètes pour gérer les crises libyenne et est‑méditerranéenne.

En l’état, les manœuvres Turquie Égypte offrent une fenêtre sur un rééquilibrage des alliances régionales, susceptible d’influer durablement sur la cartographie stratégique en Méditerranée et au‑delà.

source:https://www.aljazeera.net/opinions/2025/10/4/%d9%84%d9%85%d8%a7%d8%b0%d8%a7-%d8%aa%d8%ae%d9%8a%d9%81-%d9%85%d9%86%d8%a7%d9%88%d8%b1%d8%a7%d8%aa-%d8%aa%d8%b1%d9%83%d9%8a%d8%a7-%d9%88%d9%85%d8%b5%d8%b1

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