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Un Sultan au Destin Légendaire et une Mort Enigmatique
Le Sultan Mehmed II, connu sous le nom de Mehmed le Conquérant, est célèbre non seulement pour sa victoire décisive sur l’Empire byzantin et la conquête de Constantinople mais aussi pour ses campagnes qui ont étendu l’Empire ottoman en Grèce, dans les Balkans et jusqu’aux frontières de l’Italie, cœur de l’Europe. Cependant, sa mort soudaine à 49 ans, après avoir souffert de plusieurs maladies comme le rhumatisme et la goutte, demeure un sujet de controverse parmi les historiens.
Le Contexte Historique et l’Avènement au Trône
En 1451, la mort du Sultan Murad II, sixième souverain de la dynastie ottomane, met fin à une époque marquée par une combinaison de rigueur militaire et de piété. Murad II avait réussi à étendre l’empire en Anatolie et dans les Balkans avant de se retirer au profit de son jeune fils de moins de vingt ans, Mehmed II. Confronté à des menaces militaires croissantes dans les Balkans, Murad II revient brièvement au pouvoir avant de décéder définitivement.
Mehmed II, ayant grandi au cœur des conflits et des enjeux politiques, accède au trône et, en quelques années, mène une campagne militaire qui aboutit à la prise historique de Constantinople, mettant ainsi fin à des siècles d’affrontements entre musulmans et Byzantins.
Expansion et Ambitions Stratégiques
Après la conquête de Constantinople, le Sultan mène plusieurs campagnes rapides et surprenantes qui étendent le territoire ottoman à travers les Balkans, incluant la Grèce, la Serbie, la Hongrie, et même des parties de l’Italie du Sud.
- Les forces ottomanes atteignent les côtes sud de l’Italie, infligeant des défaites majeures aux armées locales.
- Mehmed II projette une avancée vers Rome, symbole de l’Empire romain d’Occident.
Mais la mort soudaine du Sultan, survenue proche d’Istanbul en mai 1481, interrompt ce projet ambitieux. Il se trouve alors en route pour annexer l’émirat turkmène de Djanik, une région sous influence mamelouke.
Tensions avec les Mamelouks et Conflits Internes
Les relations entre les Ottomans et les Mamelouks se sont détériorées à partir des dernières années du règne de Mehmed II, notamment à cause des ambitions ottomanes d’étendre leur contrôle sur les émirats turkmènes sous domination mamelouke.
Sur le plan interne, la cour ottomane connaît des tensions, notamment entre le grand vizir Karamanlı Mehmet Pacha et le médecin personnel du Sultan, Yakoub Pacha, d’origine juive italienne. Cette rivalité aurait affecté la qualité des soins médicaux prodigués au Sultan.
Les Mystères Entourant la Mort du Sultan
Le Sultan Mehmed II commence à souffrir soudainement de douleurs abdominales qui l’empêchent même de monter à cheval. Malgré les soins médicaux intensifs, son état se dégrade rapidement, menant à sa mort mystérieuse qui a suscité de nombreuses spéculations.
Plusieurs hypothèses ont été avancées :
- Un possible empoisonnement, potentiellement orchestré par Yakoub Pacha ou le médecin Hamideddin Lari, en lien avec des rivalités internes à la cour.
- Une manipulation politique visant à éliminer Mehmed II pour favoriser la lutte de succession entre ses fils Bayezid II et Cem.
- Une conspiration étrangère, notamment italienne, pour contrecarrer les ambitions ottomanes en Europe, Yakoub Pacha étant soupçonné d’être un agent vénitien.
La présence de Yakoub Pacha, converti à l’islam et devenu ministre, ainsi que les accusations portées contre lui par certains chroniqueurs, alimentent le débat historique.
Le Rôle des Médicaments et des Médecins
La rivalité entre Yakoub Pacha et Karamanlı Mehmet Pacha a conduit à l’introduction d’un autre médecin, Hamideddin Lari, dont le traitement est suspecté d’avoir aggravé la santé du Sultan. Yakoub Pacha, bien que censé superviser les soins, aurait adopté une attitude passive pendant la dégradation de Mehmed II.
Certains historiens attribuent la responsabilité de la mort à ce tandem médical défaillant, soulignant un possible effet cumulatif fatal des traitements administrés.
Les Ambitions Italiennes et le Projet de Conquête
Mehmed II nourrissait le rêve de réunifier l’Empire romain sous son règne, combinant la couronne byzantine à Constantinople et l’héritage romain de Rome. Sa campagne militaire en Italie du Sud, menée par le commandant Gedik Pacha, avait déjà conquis des forteresses et repoussé les troupes napolitaines.
Ce projet stratégique visait à étendre l’influence ottomane au cœur de l’Europe. La mort prématurée de Mehmed II a stoppé net cette avancée.
Débats Historiques et Théories sur un Complot
Les opinions divergent quant à la nature exacte de la mort du Sultan :
- Certains historiens modernes penchent pour un empoisonnement organisé, soulignant que Yakoub Pacha, grâce à sa proximité avec le Sultan et ses connaissances médicales, aurait pu administrer un poison.
- D’autres défendent Yakoub Pacha, arguant que les rivalités politiques et l’intervention du grand vizir ont compliqué les soins médicaux, menant à une mort accidentelle.
La poursuite de Yakoub Pacha à son poste sous le règne de Bayezid II est parfois vue comme un indice contre l’hypothèse d’un assassinat.
Le chercheur turc Ahmed Ak Gündüz et l’historien Franz Babinger ont analysé les documents, concluant que le mystère reste entier et que seule une révélation divine pourrait lever le voile sur la vérité.
Un Héritage Durable Malgré une Fin Controversée
Malgré cette fin énigmatique, Mehmed le Conquérant a laissé un héritage militaire et administratif considérable :
- La chute de Constantinople et la disparition des derniers royaumes byzantins comme Trébizonde.
- La soumission de la Serbie, de la Bosnie, de l’Albanie et la domination sur l’Anatolie centrale.
- L’expansion dans les Balkans, incluant des parties de la Grèce, de la Hongrie et du sud de l’Italie.
Son petit-fils, Soliman le Magnifique, poursuivra ces efforts avec la conquête de Rhodes, consolidant la puissance ottomane à la fois en Orient et en Occident.