Dans l’histoire maritime de Cherbourg, Napoléon entend affirmer la ville comme une plaque tournante de la marine française dans la Manche et la mer du Nord. Déjà en 1800, Napoléon Bonaparte, alors Premier Consul, crée la fonction de Préfet maritime. Pour la zone Manche-Mer du Nord, deux postes sont mis en place à Dunkerque et au Havre, alors que Cherbourg n’est pas encore au rang des postes clés. Le 15 avril 1803, Napoléon signe le décret de création du port militaire de Cherbourg ; les travaux des bassins démarrent et l’arsenal vient se situer près du futur port.

La guerre avec l’Angleterre, qui s’annonce comme une constante, incite à faire de Cherbourg la principale place-forte de la marine française dans la Manche. Dans cette logique, Napoléon transfère le siège de la Préfecture maritime du Havre à Cherbourg : c’est le 28 décembre 1812 que se vérifie ce transfert. Trois ans plus tard, une ordonnance clarifiera définitivement les choses: Cherbourg prend en main l’ensemble de la zone de la Manche-Est et de la mer du Nord. Le premier homme nommé Préfet maritime à Cherbourg est François Molini, fils d’un imprimeur italien et officier de marine; il reste en poste jusqu’en 1816.
Quelles missions pour ces premiers préfets maritimes ? Ils sont les correspondants du ministre de la Marine et doivent diriger les arsenaux, veiller à la sûreté des ports, assurer la protection des côtes, inspecter les rades et les bâtiments stationnés. Au fil des périodes de crise et des évolutions, leurs missions s’adaptent: en temps de guerre, ils organisent la défense de Cherbourg sur mer et sur terre (comme cela s’est produit en 1870 et en 1940). En cas de disette, ils peuvent ordonner la fabrication et la distribution de pain par les boulangers de la Marine implantés à Cherbourg. Le rôle est également diplomatique et de représentation, avec l’accueil de personnalités françaises et étrangères lors de visites à Cherbourg — rois, empereurs, présidents — et des figures telles que le Tsar Nicolas II, le Shah d’Iran ou la reine Victoria.
Vaste programme aujourd’hui : certaines missions créées sous Napoléon subsistent, notamment l’autorité sur le port militaire, la défense de ses entrées et la protection de la rade. S’y ajoutent désormais une mission de gestion et d’organisation des activités socio-économiques de la zone — s’étendant de la frontière belge au mont Saint-Michel — couvrant le transport maritime, la pêche, le tourisme, l’aquaculture, les énergies marines, tout en veillant à la préservation des espaces naturels, à la prévention des risques (déminage, etc.), à la protection des vies humaines et au respect des réglementations maritimes. Pour coordonner ces missions, le Préfet Maritime dispose de moyens de surveillance et d’intervention: CROSS, sémaphores, hélicoptères, navires de la Marine, et la SNSM. Le Préfet maritime de Cherbourg supervise aussi les écoles militaires de Querqueville et les effectifs de la base navale (marins-pompiers, fusiliers-marins, équipages de patrouilleurs), soit environ 3 000 personnes.
L’histoire du lieu rappelle aussi l’enracinement de ce pouvoir dans l’architecture locale. L’architecte Jacques-Martin Maurice bâtit en 1783 un hôtel particulier rue des Bastions pour loger le commandant militaire de Cherbourg, le colonel Dumouriez. L’ensemble s’agrandit au XIXe siècle — un étage en 1833, une salle de réception en 1858 — pour accompagner le développement de la Marine locale et accueillir les visiteurs. La salle de réception, dite galerie de l’Empereur, fut même édifiée à l’occasion de la venue à Cherbourg de Napoléon III et de son épouse. En 1872, l’État achète le bâtiment, qui connaît ensuite plusieurs projets d’extension jusqu’à l’installation définitive des services de la Préfecture Maritime à l’intérieur de la base navale, dans le bâtiment Surcouf, en 1994. Les appartements privés restent toutefois dans l’immeuble de la rue des Bastions, qui est ouvert au public lors des Journées du Patrimoine.
