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À l’automne 1971, au cœur des ruines antiques de la ville romaine de Pompéi, Pink Floyd a offert l’un des concerts les plus marquants de leur carrière, un moment d’expérimentation musicale intense et visionnaire. Cinquante ans plus tard, le film-concert « Live at Pompeii », réalisé en 1972, bénéficie d’une restauration complète et d’un remix en Dolby Atmos, offrant aux spectateurs contemporains une immersion inédite dans l’âge d’or créatif du groupe.

La cité antique de Pompéi, figée depuis l’éruption du Vésuve en 79 après J.-C., a ainsi vu naître une autre forme d’explosion, artistique cette fois, lorsque Roger Waters, David Gilmour, Nick Mason et Richard Wright ont conjuré des sons cosmiques grâce aux guitares électriques, synthétiseurs primitifs et gongs martelés. Ce concert sans public, capturé dans un décor naturel unique, représente pour beaucoup le sommet expérimental du rock psychédélique des années 1970.
Un film-concert visionnaire et unique

Adrian Maben, réalisateur britannique vivant en France, a imaginé un film-concert hors normes, complètement dépourvu de public, ne montrant que les musiciens et leur équipe technique. Cette approche radicale, inédite à l’époque, a séduit Pink Floyd, qui ne se préoccupait guère de plaire à une audience mais cherchait avant tout à capturer leur musique dans son essence la plus pure.
Les caméras de Maben glissent ainsi parmi les musiciens, offrant une intimité rare et une proximité avec leur jeu et leurs interactions. Lana Topham, responsable de la restauration, souligne que cette mise en scène donne au film une modernité étonnante, même après plus de cinquante ans.
Un groupe en pleine métamorphose
Avant Pompéi, Pink Floyd traversait une période charnière. La déchéance mentale de Syd Barrett en 1968, après un usage intensif de LSD, avait bouleversé la formation. Les membres restants, loin de céder à la nostalgie, s’étaient tournés vers une musique spatiale et expérimentale, abandonnant la forme chanson classique au profit de longues explorations sonores.
Des albums comme A Saucerful of Secrets (1968), Ummagumma (1969), Atom Heart Mother (1970) et Meddle (1971) témoignent de cette volonté d’explorer de nouveaux territoires musicaux. Pink Floyd mélangeait guitares, claviers, synthétiseurs primitifs et percussions pour créer un univers sonore inédit, qui leur attira rapidement un public fidèle.
Une œuvre visuelle et sonore hors du commun
Dans le film, des moments clés comme « A Saucerful of Secrets » sont captés avec une précision presque chorégraphique : on voit Roger Waters frapper un gong au coucher du soleil dans un plan devenu iconique, tandis que David Gilmour, pieds nus, manipule ses effets guitare au milieu de l’amphithéâtre vide, faisant résonner des sons évoquant des voyages interstellaires.

Le contraste entre le décor antique et les instruments modernes contribue à démystifier et en même temps magnifier leur musique. Maben insère des images d’antiques sculptures, mosaïques et lacs de lave en éruption, donnant à l’ensemble une dimension quasi mystique et imposante.
Entre lumière et ombre : les tensions du groupe
Le film inclut également des séquences tournées au studio Abbey Road en 1972, capturant Pink Floyd en pleine création de The Dark Side of the Moon, leur chef-d’œuvre à venir. Ces images dévoilent un groupe à la fois soudé et fracturé, avec des tensions palpables entre les membres, notamment entre Roger Waters et David Gilmour. Nick Mason reconnaît des disputes fréquentes, tandis que Wright reste souvent plus discret.

Alors que le groupe commence à se détourner du psychédélisme pour aborder des thématiques existentielles comme la mort ou la folie, le film offre un portrait intimiste d’artistes en pleine transformation.
Un legs musical et humain complexe
Le succès immense de The Dark Side of the Moon propulsera Pink Floyd vers des sommets commerciaux sans précédent, mais marquera aussi le début des dissensions profondes. Roger Waters, lassé des tournées et des relations conflictuelles au sein du groupe, quittera finalement Pink Floyd en 1981.
Malgré la séparation, le groupe poursuivra sans Waters, tandis que des retrouvailles exceptionnelles se produiront, notamment lors du concert Live 8 en 2005. Syd Barrett décédera en 2006 et Richard Wright en 2008, mais la magie de leur concert à Pompéi continue d’inspirer et d’émerveiller.

Le réalisateur Steven Wilson, qui a supervisé la restauration et le remix 5.1 du son, considère que ce film est « le sommet absolu de Pink Floyd en tant que groupe de rock expérimental », une œuvre emblématique d’une époque où le groupe explorait encore sans certitudes, avec une curiosité et une inventivité incomparables.