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J’ai écouté le discours de Mario Draghi au Meeting de Rimini ; la vision qu’il propose pour Draghi, Europe, compétitivité, souveraineté, Union européenne me laisse profondément inquiet et soulève des questions sur l’avenir de nos États et de leurs industries.
À Rimini, Draghi et la compétitivité en Europe
J’ai entendu le discours de Mario Draghi au Meeting de Rimini. Il est compréhensible que la droite et les catholiques néolibéraux acclament l’un des pères de l’Europe moderne, mais je dois être franc : je tremble quand je repense à ce qu’il a dit au sujet de la compétitivité et je vois l’Europe au bord du précipice.
Je suis conscient d’être « Monsieur Personne », mais la vision de Draghi me semble sans avenir. Il ne suffit pas d’évoquer les droits humains, la démocratie et le bien‑être économique : il faut des politiques et des stratégies qui défendent ces valeurs, et sa proposition de refondation n’en contient pas. Cela transparaît dans une croyance centrale chez lui : la compétitivité. C’est le mantra du marché global, alors même que la globalisation, selon l’auteur, n’existe plus.
Compétitivité, souveraineté et risques géopolitiques
On ne peut pas se contenter d’accabler les sommets de l’UE pour ce qu’ils n’ont pas fait ni s’indigner après coup des crimes de guerre une fois qu’ils ont été commis. Les dépenses militaires figuraient déjà dans le programme que Draghi avait suggéré à l’UE. N’est‑ce pas la compétition sur les marchés qui a mis les puissances mondiales — États‑Unis, Chine, Russie, Iran — et leurs alliés les uns contre les autres ? N’est‑ce pas cette concurrence qui a enflammé des guerres pour le contrôle des territoires et la conquête des ressources : pétrole, gaz, terres rares et matières premières ?
Promouvoir la compétitivité des technologies en sachant qu’elles servent à fabriquer des armes létales utilisées contre des civils et des enfants ne peut pas être présenté comme de l’innovation ; tirer profit ou du PIB du commerce des armes paraît monstrueux. Parmi ces théoriciens de la « reprise à tout prix », il est difficile d’imaginer que le scénario en cours pourrait conduire à des actions de conquête territoriale — Alaska, Groenland, Afrique — au profit des puissances les plus voraces.
Les déséquilibres internes à l’Union européenne et la faiblesse des petits États
Il est pour le moins ironique de parler d’unité entre États européens en prenant pour exemple cinq dirigeants de l’UE s’inclinant en chœur à Washington devant Donald Trump. La fidélité de Draghi à l’empire américain n’a jamais été cachée, mais enseigner aux Européens à se soumettre à une superpuissance, en déclin selon l’auteur, paraît éloigné d’un avenir prospère.
Peut‑on sérieusement parler de coopération européenne quand, au sein de l’UE, deux pays comme la France et l’Allemagne cherchent à imposer leur loi ? L’Espagne et l’Italie ont encore du poids, mais de nombreux autres États, notamment à l’est, sont déjà économiquement fragilisés. Si la croissance est recherchée en mettant les États membres en concurrence, ce sont les grandes multinationales et les banques franco‑allemandes qui tireront parti du système, avec le risque de provoquer de nouveaux défauts souverains, à l’image de la Grèce.
La compétitivité a été et peut redevenir une trappe pour l’industrie petite et moyenne et pour l’emploi. On ne peut pas toujours exiger que des États souverains s’endettent pour combler les trous créés par des politiques néolibérales défaillantes.
Appel à une coopération économique mutualiste et à la souveraineté industrielle
Rien de personnel contre Draghi, mais ces prêtres de l’économie qui prêchent la compétitivité devraient commencer à parler de coopération entre États, dans un cadre économique et juridique, avec des finalités mutualistes et non spéculatives. Il faut une coopération coordonnée qui évite toute subordination d’un pays européen à un autre.
Il est aisé de critiquer l’Europe en ressassant la même rengaine ; construire une économie autosuffisante, à l’abri des ingérences étrangères sur la production et la consommation, signifie réduire la dépendance énergétique extérieure. Il s’agit d’avoir une industrie capable de transformer ses matières premières chez elle, d’assurer la souveraineté alimentaire et de garantir les besoins minimaux pour tous.
Il faut exiger de l’Union européenne qu’elle cesse de favoriser des politiques prédatrices, comme cela s’est produit en Bulgarie, où l’arrivée de produits agricoles ukrainiens à bas prix a mis des millions d’agriculteurs au bord de la faillite — problème ensuite « résolu » par une aide communautaire de 100 000 000 € (100 millions d’euros).
Si l’on veut éviter la montée de maux tels que le nationalisme, nous avons besoin d’échanges commerciaux organisés de façon mutualiste et équilibrée, aidant réciproquement les parties prenantes. À noter, pour ironiser sur la cohérence du débat au Meeting : Giorgia Meloni a également pris la parole, et devinez de quoi elle a parlé ? « De compétitivité ! »