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La récente décision des Nations unies de restructurer ses bureaux et agences, tout en réduisant leur présence au siège de New York, a déclenché une intense compétition entre les régions et les pays pour accueillir ces entités internationales déplacées. En Afrique, le Kenya, le Rwanda et le Botswana se présentent comme les principaux candidats dans cette course, cherchant à renforcer leur position régionale en tant que centres actifs d’institutions internationales.
Cette compétition reflète une volonté de gagner en influence non seulement sur le continent africain et dans les pays du Sud global, mais aussi dans le processus décisionnel à l’échelle mondiale. Cette dynamique intervient dans un contexte mondial marqué par des bouleversements géopolitiques majeurs, notamment depuis l’arrivée au pouvoir de Donald Trump aux États-Unis et sa politique de réduction du soutien aux organisations internationales, ainsi que les tentatives visant à mettre fin au conflit russo-ukrainien.
Le Kenya, un hub incontournable des Nations unies en Afrique
Nairobi, capitale du Kenya, partage avec Vienne et Genève la particularité d’abriter des sièges principaux des Nations unies en dehors de New York. Elle représente la seule ville du Sud mondial à concentrer ces institutions de premier plan.
Parmi les grandes agences onusiennes installées au Kenya figurent :
- Le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE)
- Le Programme des Nations unies pour les établissements humains (ONU-Habitat)
- Des bureaux nationaux d’organisations telles que la FAO, l’OIM, l’UNICEF, le PNUD, ONU Femmes, le FNUAP, le PAM et l’OMS.
De plus, Nairobi accueille les bureaux régionaux de plusieurs autres entités, comme le FIDA, l’OIT, l’OMI, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH), l’ONUDC, l’UNESCO, le HCR, l’ONUDI, l’UNICEF Afrique, l’ONUSIDA et l’UNOPS.
Ces agences sont réparties dans le quartier de Gigiri, sur un vaste campus de 140 hectares, employant environ 44 000 fonctionnaires internationaux, dont 6 000 Kenyans. Parmi eux, 1 500 disposent de contrats à long terme.
Appels africains à la réforme de l’ONU et perspectives d’expansion
Face à la montée en puissance de l’Afrique et aux multiples crises humanitaires et environnementales, le président kenyan William Ruto, lors de l’Assemblée générale de l’ONU en septembre 2024, a vigoureusement plaidé pour une réforme en profondeur de l’organisation.
- Il a souligné l’insuffisance des réponses actuelles aux défis climatiques, à la montée des inégalités et aux crises migratoires.
- Le président a appelé à une refonte du système mondial, à un renforcement des partenariats pour la sécurité collective, à combler le fossé numérique, à investir dans le capital humain, et à promouvoir l’autonomisation des femmes et des jeunes.
- Il a insisté pour que l’Afrique obtienne une représentation permanente au Conseil de sécurité de l’ONU, en tant que correction d’une injustice historique.
Cette démarche bénéficie du soutien des États-Unis, sous réserve toutefois de renoncer au droit de veto. Par ailleurs, un groupe de coordonnateurs des programmes onusiens en Afrique a publié un rapport intitulé « Façonner l’ONU de demain », demandant des réformes destinées à renforcer l’efficacité sur des enjeux tels que le financement et la gestion des crises complexes.
Concurrence régionale accrue pour accueillir les nouveaux bureaux onusiens
Dans un contexte d’incertitudes politique et économique au Kenya, plusieurs pays africains se présentent comme des alternatives attractives pour abriter les bureaux que l’ONU prévoit de relocaliser hors de New York.
- Le Rwanda a formellement soumis une candidature, soulignant sa stabilité politique, ses infrastructures et sa connectivité aérienne.
- Le Botswana a également exprimé son intérêt, proposant des locaux gouvernementaux gratuits pouvant accueillir plus de 1 000 employés, ainsi qu’un soutien financier aux opérations.
- Le Botswana met en avant sa position géographique stratégique en Afrique australe, ses professionnels qualifiés, et son engagement en faveur des principes de bon voisinage, d’inclusivité et de développement durable.
Outre ces pays africains, le Qatar et l’Autriche sont aussi candidats à l’accueil de nouvelles agences onusiennes.
Le Kenya au cœur de la lutte contre la pollution plastique
En 2022, les États membres de l’ONU ont lancé des négociations pour un traité international contraignant visant à éradiquer la pollution plastique. Progressant vers une convention mondiale, les pays se sont réunis à Nairobi en juin 2025 pour poursuivre les discussions entamées à Busan (Corée du Sud) l’année précédente.
Le Kenya a pris des mesures concrètes en interdisant le plastique à usage unique dès 2020 et en adhérant à l’initiative des océans propres. Avec 67 autres nations, il fait partie des signataires engagés à éliminer la pollution plastique.
Le pays cherche à accueillir le secrétariat de cette future convention, soutenu par plusieurs pays européens et également en concurrence avec la Suisse. La ministre kenyane de l’Environnement, Débora Barasa, a récemment sollicité l’appui de la France pour renforcer la candidature kenyane, mettant en avant le rôle central de Nairobi dans la gouvernance environnementale mondiale.
Le Kenya ambitionne également d’organiser en septembre 2025 la Semaine africaine du climat et, potentiellement, la conférence des ministres africains de l’Environnement, après l’annulation de l’édition libyenne pour raisons sécuritaires.
Capacités du Kenya pour accueillir davantage de bureaux onusiens
Le gouvernement du Kenya a officiellement postulé pour recevoir les bureaux onusiens en cours de réallocation. Selon le Premier ministre et ministre des Affaires étrangères Musalia Mudavadi, le pays se positionne comme une destination de choix pour ces agences, offrant des avantages considérables.
- Le Kenya bénéficie déjà de l’effet d’entraînement lié à la présence des agences telles que le PNUE et ONU-Habitat.
- Des fonds de 300 millions de dollars ont été alloués pour moderniser et agrandir les infrastructures onusiennes à Nairobi, notamment la salle principale de conférence, qui passera d’une capacité actuelle de 2 000 à 9 000 places.
- Ces améliorations pourraient permettre à Nairobi d’accueillir une session de l’Assemblée générale des Nations unies, une première pour une ville hors de New York.
Enjeux et défis pour Nairobi face à la concurrence régionale
Malgré son avancée, le Kenya doit faire face à plusieurs défis pouvant influencer sa capacité à accueillir de nouveaux bureaux.
- L’instabilité politique et sécuritaire reste une source d’incertitude, avec une opposition croissante depuis 2023, notamment dans un contexte économique difficile.
- Les restrictions sur les libertés d’expression et politiques, moins marquées auparavant, pourraient affecter son image comme un espace ouvert et sûr.
- L’ONU tend à diversifier la localisation de ses agences à travers différentes capitales et régions, ce qui ouvre la porte à des alternatives comme Kigali, perçue comme stable et fiable.
La rivalité entre Nairobi, Kigali et Gaborone s’inscrit donc dans une stratégie globale de l’ONU visant à optimiser sa présence mondiale tout en s’adaptant aux équilibres géopolitiques changeants.