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Longtemps présenté comme la solution incontournable face à la crise des déchets, le recyclage des plastiques montre aujourd’hui ses limites. Polystyrène peu valorisé, recyclage chimique coûteux et énergivore, projets industriels abandonnés : la France peine à développer une véritable filière de recyclage efficace. À l’heure où les réglementations européennes imposent une incorporation croissante de matières recyclées, le constat est sans appel : il devient urgent de repenser notre modèle. Le réemploi, et notamment la consigne pour les emballages en verre, offre une alternative crédible. Encore faut-il lever les nombreux freins économiques et logistiques pour structurer une filière performante, capable de rivaliser avec le « tout-jetable ».
Les limites du recyclage plastique
Quoi qu’en dise la toute dernière campagne publicitaire #TriTonPot « Si je vais au tri, je serai recyclé », portée par Syndifrais, le syndicat des fabricants de produits laitiers frais, la recyclabilité d’un emballage ne garantit en rien son recyclage effectif. L’usage trompeur du cercle de Möbius alimente l’illusion selon laquelle tout plastique peut être recyclé. Or, la réalité est bien différente.
Si certaines matières, comme le PET utilisé pour les bouteilles d’eau et de sodas, se recyclent relativement bien, d’autres, à l’image du polystyrène des pots de yaourt, sont très peu revalorisées. Ce matériau, choisi pour sa praticité – il se casse facilement, facilitant par exemple la séparation des pots de yaourt -, peine à être recyclé. Sur les 2,2 millions de tonnes d’emballages plastiques mis sur le marché chaque année en France, le polystyrène représente 350 000 tonnes, selon le ministère de la transition écologique. Pourtant, seulement 5 % de ce gisement est recyclé hors de France, en boucle ouverte, pour fabriquer des objets comme des cintres ou des pots de fleurs, qui, une fois abîmés, ne pourront plus être recyclés et finiront à la poubelle.
Des projets de recyclage à l’arrêt
Bien que le recyclage chimique plébiscité ces dernières années par de nombreux industriels permette de traiter des déchets complexes et d’éliminer les impuretés en agissant au niveau moléculaire, il demeure très énergivore et insuffisant pour gérer les volumes croissants de déchets plastiques, en plus de polluer. Le problème est surtout structurel : trop d’emballages sont encore conçus en matériaux composites ou en plastiques multicouches, qui doivent être séparés pour pouvoir être recyclés individuellement.
Face à ce constat, la France avait adopté en 2021 une disposition visant à interdire les emballages en polystyrène d’ici 2025, sauf si une filière de recyclage effective voyait le jour. En réponse, le consortium PS25, regroupant les principaux acteurs du secteur, s’était engagé à développer une filière de recyclage permettant de produire du polystyrène recyclé apte au contact alimentaire. Un pari qui ressemble de plus en plus à une chimère.
Le retour de la consigne pour le verre
Si le recyclage du plastique semble condamné à une impasse, le réemploi du verre pourrait-il être la solution ? Autrefois ancrée dans les habitudes, la consigne du verre pour les bouteilles et pots s’apprête à faire son grand retour en France. Dès le printemps prochain, une expérimentation d’envergure sera menée dans quatre régions: les Hauts-de-France, la Normandie, la Bretagne et les Pays-de-la-Loire. À partir de 2025, 16 millions de Français pourront acheter des bouteilles et pots en verre consignés, qu’ils pourront rapporter en échange de quelques centimes.
Les 30 millions d’emballages visés seront acheminés dans le centre de lavage Bout’ à Bout’, à Carquefou, près de Nantes, avant d’être remis en circulation chez les producteurs. Dans un premier temps, l’expérimentation se limitera à des hypermarchés volontaires, avant une généralisation progressive. À terme, tous les magasins devront accepter les emballages réutilisables.
Les avantages du réemploi
Sur le papier, la consigne coche toutes les cases. Réemployer une bouteille en verre permettrait d’économiser 75 % d’énergie, 50 % d’eau et 79 % de CO₂, selon le réseau Vrac et Réemploi. Elle est aussi plébiscitée par les consommateurs. Plus de 9 Français sur 10 se déclarent favorables à sa réintroduction (92%) dont plus de la moitié très favorables (57%). Règlementairement, la démarche est aussi soutenue. La loi AGEC impose un objectif de 10 % d’emballages réemployés d’ici 2027.
À l’échelle européenne, le règlement PPWR prévoit que 10 % des contenants des boissons soient réutilisables d’ici 2030 – une proportion qui grimperait à 25 % d’ici 2040. Toutefois, les nombreuses exemptions et dérogations rendent ces objectifs encore flous, notamment pour les emballages de vin et de spiritueux, qui échappent à cette contrainte.
Les défis à surmonter
Si le retour de la consigne séduit en théorie, sa mise en œuvre à grande échelle se heurte encore à plusieurs obstacles. Le premier est économique : les bouteilles réemployables coûtent entre 10 et 15 centimes de plus à l’achat, car elles doivent être plus épaisses et résistantes pour supporter plusieurs lavages. Plus lourdes, elles génèrent aussi des frais de transport et de logistique plus élevés.
Également fragmentée, la filière du réemploi peine encore à s’imposer. Pour l’instant, seules quelques structures locales tentent de structurer un marché encore trop restreint. Un obstacle de taille aujourd’hui concerne la standardisation des emballages, condition indispensable pour permettre au réemploi de changer d’échelle.
Conclusion
Changer les habitudes de consommation, adapter les équipements de tri et de collecte, développer un réseau dense de stations de lavage et structurer une véritable filière industrielle du réemploi nécessitent une volonté politique forte. À ce jour, rien ne garantit que les objectifs fixés par la loi AGEC ou le règlement européen PPWR seront atteints.