Nita Barak Corin, professeure de droit, appelle à un renforcement strict de la surveillance des aides humanitaires pour limiter leur détournement dans les zones de conflit. Elle souligne la nécessité pour les donateurs d’adopter des règles plus rigoureuses afin d’empêcher les chefs militaires, milices et régimes autoritaires de s’approprier ces fonds destinés aux civils, et de les utiliser à des fins militaires.
Dans un article publié par le Wall Street Journal, elle met en lumière que de nombreuses aides des Nations unies sont détournées dans des régions en guerre majeures telles que la Somalie, la Syrie, l’Éthiopie et la bande de Gaza.
Le dilemme des aides humanitaires
L’auteure, qui enseigne à l’université hébraïque de Jérusalem, précise que la difficulté principale réside dans l’équilibre entre le sauvetage immédiat des vies civiles et le risque de renforcer à long terme les combattants armés.
Elle explique que les organisations humanitaires privilégient souvent leur maintien en activité. Le secteur emploie environ 570 000 personnes et gère un budget annuel d’environ 35 milliards de dollars. Refuser de collaborer avec des groupes armés pourrait conduire à l’exclusion de ces régions, réduisant les budgets et mettant en péril des emplois.
En Somalie, seulement un cinquième des aides parvient réellement aux familles bénéficiaires. Trois groupes mafieux contrôlent la majorité des contrats de transport d’aide du Programme alimentaire mondial (PAM), détournant entre 30 % et 50 % des cargaisons.
En Syrie, le régime de Bachar al-Assad a réussi à s’approprier 60 millions de dollars d’aides en 2020 uniquement.
Dans la bande de Gaza, l’Agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) continue de fournir des services malgré des accusations impliquant certains de ses employés dans l’attaque du 7 octobre 2023.
Des solutions concrètes proposées
La professeure insiste sur la possibilité de rendre des comptes si les donateurs exercent une pression ferme sur les organisations humanitaires. Les États-Unis, l’Union européenne et les pays du Golfe, qui financent à eux seuls plus de 70 % des budgets humanitaires mondiaux, pourraient imposer des conditions strictes à tous les bénéficiaires de fonds.
Elle réfute également la critique selon laquelle cesser les aides serait immorale car cela mettrait des vies civiles en danger. Elle cite l’exemple de la suspension de l’aide américaine à l’Éthiopie en 2023, qui n’a pas provoqué de catastrophe, mais a plutôt contribué à une baisse de la malnutrition.
Voici cinq conditions que les donateurs pourraient imposer pour sécuriser l’acheminement des aides :
- Transparence totale : Obligations de divulgation préalable de tous les frais liés au transport des aides, y compris les frais de sécurité et les taxes locales, assorties d’une suspension de financement de 12 mois en cas de manquement.
- Protection renforcée : Possibilité pour les donateurs d’employer des gardes agréés ou de recourir aux forces de maintien de la paix de l’ONU, avec annulation immédiate de la subvention en cas d’accords avec des milices.
- Protection des lanceurs d’alerte : Allocation de 2 % de chaque don pour couvrir les audits externes et la défense juridique des dénonciateurs en cas de fraude ou détournement.
- Limitation dans le temps : Suspension des missions d’aide au-delà de dix ans, sauf accord unanime des donateurs après une évaluation globale.
- Financement des technologies de suivi : Soutien aux initiatives visant à tracer les fonds et les marchandises pour réduire les vols.
Barak Corin met en garde que la poursuite des détournements minerait la confiance de la communauté internationale dans les organisations humanitaires et affaiblirait leur capacité d’intervention future. Elle avertit que le financement sans conditions strictes risque d’alimenter durablement les conflits à long terme.