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Découverte d’une abeille mystérieuse reliant la France, la Turquie et l’Irak
Lors de routines d’inventaire des plantes et des animaux dans le parc national de Mercantour, situé dans le sud-ouest des Alpes françaises, des chercheurs ont observé un petit insecte bourdonnant émergeant du bois d’un arbre mort. Après examen, ils ont découvert qu’il s’agissait d’une abeille sauvage de petite taille, ornée de rayures, possédant une proéminence massive à l’avant de son corps. Ce fut un long tube unique qui a attiré leur attention, et une investigation plus poussée a révélé qu’aucune autre localisation de cette espèce n’avait été enregistrée en France.
Un lien surprenant entre différentes régions
La découverte a pris une tournure encore plus surprenante lorsque les chercheurs ont publié leurs résultats dans la revue Alpine Entomology. En effectuant des comparaisons morphologiques avec des échantillons d’une espèce non décrite provenant du sud de la Turquie et du nord de l’Irak, ils ont trouvé une correspondance parfaite. Cela a soulevé d’importantes interrogations concernant la répartition géographique atypique de cette abeille mystérieuse, qui semble agir comme un lien biologique entre différentes zones géographiques.
Le mystère de l’abeille Habletis Onosmaifai
Cette abeille nouvellement identifiée appartient au genre « Habletis », qui fait partie d’une sous-famille de abeilles solitaires appelées « Osmia ». Elle dépend de certaines plantes hôtes pour obtenir le pollen et le nectar, spécifiquement des plantes de genre « Onosma ». C’est pourquoi les chercheurs lui ont attribué le nom de « Habletis Onosmaifai ».
Un mystère biologique à résoudre
La découverte de l’abeille « Habletis Onosmaifai » constitue un ajout significatif au genre « Habletis », connu pour son comportement unique de construction de nids. Alors qu’elle a été identifiée en France, une région réputée pour sa diversité écologique et sa protection légale, des colonies ont également été trouvées dans des zones montagneuses reculées de Turquie et du nord de l’Irak, caractérisées par des conditions environnementales différentes de celles des Alpes françaises. Les chercheurs considèrent cette répartition géographique inhabituelle comme un véritable mystère biologique, étant donné que les populations sont séparées par plus de 2000 kilomètres.
Dr. Mohamed Shibl, professeur d’abeilles sauvages à l’Université de Suez Canal en Égypte, estime que résoudre ce mystère n’est pas difficile. Il déclare : « Bien que la séparation géographique des lieux de découverte soulève des questions sur la façon dont cette espèce s’est répandue et s’est adaptée à différents environnements, la réponse n’est pas complexe. Avec davantage de travail de terrain, il serait possible de retrouver l’abeille dans d’autres régions et de fournir aux chercheurs une carte géographique actualisée de sa distribution. »
Comportement écologique unique
En attendant que les chercheurs éclaircissent ce mystère, l’abeille « Habletis Onosmaifai » présente également d’autres aspects fascinants. Selon l’étude, les autres abeilles de la famille « Habletis » construisent leurs nids dans des creux de rochers ou des cavités en utilisant parfois du sable et des petits graviers. En revanche, l’abeille récemment découverte utilise exclusivement du bois mort pour construire ses nids, un comportement rare parmi les espèces d’abeilles. Cela indique que la disponibilité de bois mort est un facteur crucial pour la survie de cette espèce.
De plus, elle se distingue par sa trompe, qui est la plus longue parmi les abeilles, atteignant presque la longueur de son corps, ce qui lui permet de puiser du nectar dans les fleurs « Onosma », qui présentent de longues corolles tubulaires.
Les chercheurs expliquent : « Les femelles collectent le pollen en émettant un bourdonnement, un comportement également rare chez les abeilles solitaires. Cela signifie qu’elles produisent un son de bourdonnement en faisant vibrer rapidement leurs ailes près des fleurs, ce qui aide à libérer davantage de pollen des fleurs de la plante « Onosma », facilitant ainsi leur collecte. »
Préoccupations concernant l’extinction
Alors que l’abeille dépend principalement de la plante « Onosma » pour son pollen et son nectar, ce qui en fait un pollinisateur essentiel, cette dépendance la rend vulnérable aux fluctuations des populations de la plante. Si ses colonies viennent à décliner en raison de la perte d’habitat ou de changements environnementaux, l’abeille pourrait être gravement menacée, comme l’indique l’étude.
« Bien que le parc national de Mercantour offre une certaine protection, la répartition limitée de l’abeille « Habletis Onosmaifai » en France et sa présence uniquement dans deux zones restreintes en dehors de l’Europe, au sud de la Turquie et au nord de l’Irak, soulèvent des inquiétudes quant à son extinction », soulignent les chercheurs. Ils ajoutent que cette répartition limitée pourrait être liée à sa spécialisation écologique et climatique étroite.
Actions urgentes pour la conservation
Face à ces défis, les chercheurs appellent à des mesures immédiates pour préserver l’abeille et son habitat. Ils recommandent une gestion contrôlée du pâturage dans les zones connues pour abriter l’abeille. En limitant le surpâturage, il serait possible de protéger les colonies de la plante « Onosma », garantissant ainsi un approvisionnement alimentaire continu pour l’abeille. De plus, il est crucial de préserver le bois mort dans ses habitats, essentiel pour la construction des nids.
Les chercheurs insistent également sur la nécessité d’une surveillance continue des populations d’abeilles, particulièrement en raison des changements climatiques. Il sera essentiel de suivre les effets des variations de température et des régimes de précipitations sur leurs habitats afin de comprendre comment le changement climatique influence leur distribution et leur survie.
Pourquoi tant d’intérêt ?
Bien que cette abeille découverte ne soit pas une abeille à miel élevée commercialement, l’intérêt des chercheurs à son égard repose sur plusieurs raisons, tant économiques qu’environnementales, selon le Dr Shibl. Il existe environ 21 000 espèces d’abeilles, qui se divisent entre abeilles à miel et abeilles sauvages, présentant de nombreuses différences. La plus importante est que les abeilles à miel vivent en grandes colonies organisées, souvent dans des ruches construites par des apiculteurs ou dans des cavités naturelles, chaque ruche contenant une reine et des milliers d’abeilles ouvrières.
En revanche, les abeilles sauvages vivent généralement seules ou en petites colonies, ne formant pas des ruches complexes comme les abeilles à miel, et habitent souvent dans des cavités naturelles, que ce soit dans le sol, le bois mort ou même dans des troncs d’arbres.
Le Dr Shibl souligne : « Souvent, nous sommes interrogés sur les raisons de l’intérêt pour les abeilles sauvages, bien qu’elles ne stockent pas de miel en grandes quantités comme les abeilles à miel. Il n’est donc pas surprenant que cette question se pose dans le contexte de cette nouvelle découverte. »
Il explique que les abeilles sauvages sont des pollinisateurs efficaces et, parfois, peuvent être plus performantes que les abeilles à miel pour polliniser certaines plantes. Cela est important, non seulement pour augmenter la productivité des cultures, mais aussi pour améliorer la qualité des produits. En termes environnementaux, leur présence est cruciale pour maintenir la biodiversité. Dans le cas de cette nouvelle abeille, elle dépend de la plante « Onosma », qui fait partie de l’écosystème, et sa survie contribue à préserver la biodiversité. La présence de cette abeille aide à garantir la pollinisation de la plante, assurant ainsi sa reproduction naturelle et sa pérennité dans les environnements où elle vit.
Le Dr Shibl ajoute que la pérennité de la plante a également une valeur économique, certaines espèces d' »Onosma » étant utilisées comme plantes ornementales, et dans certaines cultures, elles sont employées dans la médecine traditionnelle pour traiter divers problèmes de santé.