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Le satellite scientifique Biomass, lancé mardi matin par la fusée italienne Vega-C depuis la base spatiale de Kourou en Guyane, marque une avancée majeure dans l’observation de la Terre. Cette mission de l’Agence spatiale européenne (ESA) utilise une technologie innovante pour mesurer la biomasse des forêts tropicales, essentielle dans la compréhension du cycle du carbone.
Lancement réussi et déploiement en cours
La fusée Vega-C a placé avec une grande précision le satellite Biomass sur son orbite idéale, à 666 km d’altitude, optimisant ainsi sa longévité en limitant la consommation de carburant pour les ajustements orbitaux. Après un lancement éprouvant, les équipes au sol ont confirmé que le satellite communique parfaitement, a déployé ses panneaux solaires et est stabilisé. La prochaine phase cruciale, qui s’étalera sur huit jours, consiste à déployer progressivement un réflecteur de 12 mètres de diamètre, un « parapluie » radar sensible nécessaire à la mission.
Une mission dédiée à la mesure du carbone dans les forêts tropicales
Biomass a pour objectif de quantifier avec précision la quantité de carbone stockée dans les forêts tropicales, un enjeu clé pour la compréhension du climat. Actuellement, les incertitudes varient entre 10 et 20 % sur ce volume, alors que les forêts capturent environ 8 milliards de tonnes de carbone chaque année, dont près de 45 % via les forêts tropicales. Cette incertitude influence directement les modèles climatiques à long terme.
La mission vise également à étudier l’impact de la déforestation sur ce puits de carbone et à évaluer la capacité des forêts tropicales à s’adapter aux changements climatiques, notamment en termes de stockage accéléré du CO2 ou, au contraire, de stress affectant leur rôle écologique.
Pourquoi cibler exclusivement les forêts tropicales ?
Bien que d’autres satellites, comme Sentinel 1 et 2, observent les forêts des latitudes tempérées, les forêts tropicales demeurent difficilement accessibles en raison de leur feuillage très dense. Or, seul 1 % du carbone est stocké dans ce feuillage, alors que la majeure partie est logée dans les troncs et les branches ligneuses, invisibles aux technologies actuelles. La mesure directe depuis l’espace avec un radar à grande longueur d’onde est donc indispensable pour couvrir ces vastes zones inaccessibles et obtenir une vision globale.
Une technologie radar de pointe pour pénétrer la canopée
Biomass est le premier satellite équipé d’un radar en bande P, caractérisé par une très grande longueur d’onde, sensible aux objets d’environ 70 cm de diamètre. Cette technologie lui permet de traverser le feuillage dense des forêts tropicales pour détecter directement les branches et troncs sur des zones d’environ 200 mètres carrés. Ces données inédites permettront de calculer avec précision les capacités de stockage du carbone des forêts.
Déroulement et durée de la mission
La première image radar devrait être obtenue dans un mois, suivie d’une phase de calibration auprès d’une cinquantaine de sites tests répartis mondialement, garantissant la fiabilité des mesures. Après six mois, les premières données validées seront mises à disposition des scientifiques. La mission, prévue initialement pour une durée de cinq ans, pourrait être prolongée de plusieurs années selon les résultats et la santé du satellite.
Exploration d’autres environnements terrestres
Outre les forêts tropicales, Biomass mènera des missions secondaires importantes. Son radar pourra pénétrer jusqu’à cinq mètres sous les sols désertiques, offrant des perspectives aux géologues et archéologues pour détecter d’anciennes cités enfouies sous le sable. Le satellite pourra également sonder la glace jusqu’à 40-50 mètres de profondeur pour mieux comprendre la fonte des calottes glaciaires, un phénomène crucial dans le contexte du réchauffement climatique.
Un projet européen de longue haleine
Le concept scientifique du satellite Biomass remonte aux années 1990, mais les avancées technologiques nécessaires n’ont été réunies qu’à partir de 2013, lorsque l’ESA et ses États membres ont transformé cette ambition en mission concrète. De nombreux laboratoires européens, dont le Cesbio à Toulouse, ainsi qu’une cinquantaine d’industriels ont contribué à la conception du satellite.
Ce projet représente un véritable effort collaboratif européen, impossible à réaliser par un seul pays. Il s’inscrit dans la mission de l’Agence spatiale européenne de faire progresser la science de l’observation terrestre afin de fournir des données essentielles pour anticiper l’évolution de notre planète.