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Gabès étouffe sous la pollution industrielle : la ville tunisienne subit depuis des décennies les conséquences d’une présence industrielle massive qui a transformé l’air, la mer et la vie quotidienne de ses habitants. Le documentaire « Gabès… Vie et Mort » remet en lumière une crise ancienne dont les promesses de réparation n’ont pas tenu.
Un film qui rouvre une vieille plaie
Le documentaire d’Al Jazeera ramène des images d’archives en noir et blanc, où les promesses de développement semblent irréelles. Un responsable, sûr de lui, affirme que la lutte contre la pollution « ne signifie pas nécessairement l’arrêt de l’industrie. Donc bienvenue à l’industrie ». Ce discours contrastant s’efface bientôt devant un autre cri d’archive : « Aujourd’hui, l’oasis de Gabès appelle à l’aide ! »
Contraste saisissant entre promesses et réalité
Depuis la création du complexe chimique en 1972, Gabès entame ce que le film qualifie de « mort lente ». Le bruit des usines et le souffle des cheminées se mêlent au vent marin, tandis que les pêcheurs sur la côte retrouvent des filets vides et évoquent des jours où la mer leur assurait subsistance et tranquillité.
Le documentaire montre comment l’usine est devenue une barrière entre les habitants et leur ville, modifiant durablement le paysage et le quotidien.
Témoignages et impacts humains
Les voix locales rythment le film : des mères qui dénoncent des maladies récurrentes, des médecins qui alertent sur une hausse inquiétante des cancers et des pathologies respiratoires. Comme l’explique l’un d’eux : « L’environnement ici est devenu un milieu de maladie, nous voyons les résultats chaque jour. »
Dans les anciens quartiers, la poussière recouvre les fenêtres, l’air est âcre, et la mer a perdu sa transparence et sa saveur. Ces scènes illustrent la rupture entre la population et ses ressources naturelles.
Données alarmantes
Le film étaye les témoignages par des chiffres qui révèlent l’ampleur de la catastrophe écologique. Parmi les faits saillants :
- Près de 5 millions de tonnes de phosphogypse sont rejetées chaque année en mer, contribuant à la dégradation du Golfe de Gabès.
- Le golfe figure parmi les « zones de pollution chaude » de la Méditerranée, avec une perte de plus de 80 % de la biodiversité marine (voir la page consacrée à la mer Méditerranée).
- Plus de 95 % de la pollution atmosphérique à Gabès est attribuée aux installations du complexe chimique.
- Le taux de mortalité lié aux maladies cardiaques et au cancer du poumon à Gabès est 1,8 fois supérieur à la moyenne nationale.
Ces chiffres expliquent la dégradation des terres agricoles, le recul des ressources marines et l’exode d’une partie de la population.
Référence : page d’information sur la mer Méditerranée — https://www.aljazeera.net/encyclopedia/2016/4/20/%D8%A7%D9%84%D8%A8%D8%AD%D8%B1-%D8%A7%D9%84%D8%A3%D8%A8%D9%8A%D8%B6-%D8%A7%D9%84%D9%85%D8%AA%D9%88%D8%B3%D8%B7-%D9%82%D8%B5%D8%A9-%D8%A7%D9%84%D8%AD%D8%B6%D8%A7%D8%B1%D8%A9
Résistance civique et petites lueurs d’espoir
Face à ce constat, la population ne demeure pas silencieuse. Les jeunes se réunissent dans des cafés pour discuter des actions possibles, des femmes mènent des campagnes de sensibilisation dans les écoles, et des manifestations parcourent les rues sous le slogan « Nous voulons vivre ». Ces mobilisations traduisent la transformation d’une douleur individuelle en revendication collective pour une vie digne et une justice environnementale.
Le film offre aussi des images d’humanité : une mère craignant d’avoir un enfant malade, un pêcheur racontant la perte de son gagne-pain, des enfants dessinant un arbre vert sur le mur d’une école délabrée, et des militants plantant de jeunes plants sur une terre appauvrie.
Ces gestes modestes témoignent d’une volonté de résilience et rappellent que Gabès pourrait retrouver sa vitalité si on lui garantit le droit à l’air et à l’eau propres.
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