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Depuis les années 1970, l’algue invasive Sargasse se développe de manière importante sur le littoral de la Manche, notamment sur la côte ouest du Cotentin. Cette prolifération soulève des inquiétudes quant à son impact sur la Zostère marine, une espèce protégée, ainsi que sur la faune de l’estran. Depuis deux ans, le projet « Sarzo » tente d’évaluer cette influence, mais les résultats restent encore partiels.
Un projet scientifique entre mer et littoral
Lancé au printemps 2023, le projet « Sarzo » est porté par plusieurs acteurs scientifiques et institutionnels : le Centre d’études et de valorisation des algues (Ceva), le Synergie Mer et littoral (Smel), le Groupe d’études des milieux estuariens et littoraux (Gemel de Normandie), avec le soutien financier de l’Agence de l’eau Seine Normandie. Cette collaboration vise à mieux comprendre les interactions entre la Sargasse invasive et la Zostère marine, afin de mesurer les risques écologiques qui en découlent.
La Zostère marine, une espèce protégée menacée
La Sargasse est arrivée sur le littoral de la Manche dans les années 1970, où elle s’est rapidement installée et développée. Ce phénomène interroge sur la capacité de survie de la Zostère marine, une algue reconnue comme espèce d’intérêt communautaire depuis 1992. Cette dernière joue un rôle écologique majeur, notamment en abritant une biodiversité spécifique et souvent exclusive.
Ces deux algues cohabitent particulièrement sur l’estran face à Saint-Martin-de-Bréhal, où le mélange de sables favorise la Zostère marine, tandis que la Sargasse s’accroche davantage aux petites roches. Cette proximité soulève des questions sur les interactions possibles et les effets sur les habitats naturels.
« Les habitats de Zostère marine sont remarquables, car on va retrouver des espèces que l’on ne retrouve nulle part ailleurs. »
Les difficultés rencontrées dans l’étude sur le terrain
En 2023, les conditions météorologiques et les coefficients de marée ont limité les observations, avec seulement deux prélèvements réalisés. L’année 2024 a permis davantage d’observations sous l’eau, mais pour Sébastien Pien, ingénieur territorial, « une seule année n’est pas représentative pour tirer de réelles conclusions ».
Par ailleurs, plusieurs contraintes méthodologiques ont freiné l’étude. Aucun relevé d’endofaune, c’est-à-dire des animaux enfouis sous la vase et le sable, n’a pu être réalisé sans une dérogation spéciale. De même, l’exploration en pleine mer reste à approfondir, nécessitant des moyens nautiques adaptés lors des périodes de pleine mer.
Expérimentations en laboratoire face au changement climatique
Un volet expérimental a été développé en laboratoire, simulant la cohabitation entre Sargasse et Zostère marine sous un réchauffement climatique extrême de +4 °C, conformément au pire scénario prévu par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) à l’horizon 2100. Seules les conditions printanières ont été testées.
« D’après ces maigres résultats, cette hausse de températures pourrait être légèrement bénéfique à la Zostère marine. »
Cette perspective est encourageante face à la résilience de la Sargasse au réchauffement climatique, mais Sébastien Pien souligne que « nous avons quelques pistes sur certains points, mais ce n’est pas suffisant » pour tirer des conclusions définitives.
Vers une poursuite des recherches
Le projet « Sarzo », bien que limité dans sa durée, a mis en évidence l’existence d’un enjeu réel concernant la cohabitation entre la Sargasse invasive et la Zostère marine protégée. Il s’achève bientôt, avec un rapport final attendu en juin 2025.
Pour approfondir cette thématique, des financements complémentaires seront indispensables, notamment pour disposer des moyens nautiques nécessaires à l’observation des algues en pleine mer et lors des marées hautes. Une éventuelle suite au projet pourrait ainsi voir le jour afin d’apporter un éclairage plus complet sur cette problématique environnementale.