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Au cœur de La Haye, un centre de détention géré par l’ONU accueille des personnalités politiques et militaires mises en cause pour des crimes internationaux graves en attente de leur procès. Installé dans le complexe pénitentiaire de Scheveningen, ce centre de détention ONU n’est pas un établissement pénal national ordinaire : il sert de lieu de détention provisoire pour des affaires à portée internationale, en lien avec la Cour pénale internationale et d’autres juridictions spéciales.
Entre justice internationale et héritage judiciaire
Créé en 1993 au sein de la prison de Scheveningen, le centre a rapidement été associé aux grandes affaires de justice internationale, notamment celles relatives aux conflits en ex-Yougoslavie.
Il fait désormais partie intégrante du dispositif entourant la Cour pénale internationale et fonctionne sous l’autorité de la greffe de la Cour, en coopération avec les services pénitentiaires néerlandais. Le Comité international de la Croix-Rouge exerce des contrôles réguliers pour veiller au respect des normes humanitaires prévues par le droit international.
La localisation en périphérie de Scheveningen, à courte distance des institutions judiciaires internationales, répond à une volonté politique de regrouper tribunaux et lieux de détention afin de faciliter les transferts et la sécurité.
Statut et philosophie du centre :
- Administration onusienne au sein d’une structure matérielle néerlandaise.
- Principe de « restrictions minimales » : l’objectif est la détention provisoire en vue de procès, non la punition anticipée.
- Surveillance régulière pour garantir des standards internationaux de traitement.
Sur trois décennies, des dizaines de détenus de premier plan y ont séjourné, parmi lesquels Radovan Karadzic et Ratko Mladic, condamnés pour génocide et crimes contre l’humanité, ainsi que des responsables politiques et militaires issus de Sierra Leone, du Rwanda et du Kosovo.
Les types de crimes poursuivis comprennent :
- Le génocide.
- Les crimes de guerre.
- Les crimes contre l’humanité.
Un « Hôtel de La Haye » entre mythe et réalité
Les médias ont parfois qualifié le centre de « Hôtel de La Haye », insistant sur le confort relatif des installations par rapport aux prisons ordinaires. Cette image repose sur des aménagements qui paraissent plus proches d’une chambre d’hôtel que d’une cellule carcérale classique.
Chaque cellule mesure environ 10 à 15 mètres carrés et comprend des sanitaires privés, une télévision câblée et une radio. Les détenus ont accès à une bibliothèque, à une petite salle de sport et à des espaces pour les visites familiales, y compris conjugales.
Le fonctionnement quotidien favorise des marges de mouvement : les portes du secteur restent ouvertes la plupart de la journée, excepté pendant les pauses du personnel et la nuit, ce qui permet une interaction entre détenus. Ces conditions reflètent la présomption d’innocence et la dignité que doit conserver une personne en détention provisoire.
Pourtant, la réalité ne se réduit pas au confort matériel :
- Le centre reste une enceinte sécurisée, avec des protocoles stricts pour les transferts vers les audiences.
- La rotation des trajets et les mesures de sécurité rappellent aux détenus la nature privative du lieu.
- Le défi principal relevé par d’anciens responsables est l’ennui et l’effet psychologique de l’attente prolongée.
Capacité et chiffres : bien que le centre puisse théoriquement accueillir jusqu’à une quarantaine de détenus, les effectifs réels sont généralement bien inférieurs. En 2025, on comptait seulement cinq personnes détenues, ce qui permet une gestion très individualisée de chaque cas.
Rythme et conditions de vie au centre
Les détenus bénéficient d’aménagements visant à préserver leur santé mentale et physique : activités éducatives, accès à des livres, équipements sportifs et loisirs. Ces mesures ne sont pas superflues : elles contribuent à réduire les risques psychosociaux liés à une détention préventive longue.
Selon d’anciens responsables du centre, l’ennui constitue « l’ennemi numéro un » des détenus. Les carences dans l’occupation du temps peuvent accentuer la souffrance morale plus encore que les privations matérielles.
Duterte en attente de son procès
Parmi les détenus actuels, la venue de l’ancien président philippin Rodrigo Duterte a focalisé l’attention internationale. Il est visé par des mandats de la Cour pénale internationale pour des accusations de meurtres extrajudiciaires dans le cadre de la guerre contre la drogue menée durant son mandat (2016-2022).
Sa campagne anti-drogue, marquée par des déclarations publiques encourageant la force létale contre les trafiquants, s’est traduite, selon diverses estimations et organisations de défense des droits humains, par des milliers de morts — des chiffrages allant de 6 000 à 20 000 victimes, principalement parmi les populations défavorisées.
Arrêté à Manille sur mandat de la CPI, Duterte se trouve désormais en détention provisoire au centre de Scheveningen. Sur le plan juridique, il n’est pas reconnu coupable : sa détention s’inscrit dans la logique du respect des procédures et de la présomption d’innocence garantie par le centre.
Le contraste est saisissant : un homme habitué à exercer un pouvoir absolu se retrouve soumis à une routine carcérale strictement encadrée. Le risque d’isolement ou d’ennui prolongé est réel, surtout si les effectifs du pavillon restent réduits.
Sur le plan politique, sa présence rappelle les tensions persistantes entre souveraineté nationale et justice internationale. De nombreux partisans aux Philippines contestent la légitimité de la Cour, mais l’incarcération de l’ancien chef d’État illustre la capacité, même limitée et exceptionnelle, du système judiciaire international à tenir des dirigeants responsables de violations graves.
Un symbole de la justice pénale internationale
Le centre de détention ONU à La Haye symbolise une justice globale qui, progressivement, dépasse les frontières nationales pour poursuivre des crimes affectant l’humanité tout entière. Il allie exigences sécuritaires, respect des droits fondamentaux et contraintes liées à l’attente judiciaire.
Si l’apparence confortable alimente le débat médiatique, la réalité quotidienne des détenus rappelle que la détention, même dans des conditions soignées, demeure une privation de liberté lourde de conséquences psychologiques.
À travers ses murs passent des affaires lourdes de symboles et d’enjeux : le centre reste un lieu où se confrontent responsabilité, mémoire et quête de justice internationale.