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Les relations entre l’Afghanistan et le Pakistan ont connu une montée des tensions ces dernières années, principalement autour du dossier des talibans pakistanais et de la question de la ligne Durand qui trace la frontière entre les deux pays. En 2025, ces frictions ont évolué vers une confrontation militaire directe, perturbant la stabilité régionale et ravivant de vieux contentieux historiques.
Face à ces développements, le centre d’études d’Al Jazeera a publié une analyse détaillée examinant les racines, les conséquences et les scénarios possibles de ce conflit Afghanistan‑Pakistan : https://studies.aljazeera.net/ar/article/6340.
Relations historiques
La relation afghano‑pakistanaise repose sur une méfiance profonde et des rivalités géopolitiques anciennes. La ligne Durand, tracée en 1893 entre l’émir Abd al‑Rahman Khan et Sir Mortimer Durand, est perçue en Afghanistan comme un héritage colonial que Kaboul n’a jamais reconnu pleinement après la création du Pakistan en 1947.
Du côté pakistanais, la ligne Durand est considérée comme une référence légitime pour l’organisation des relations frontalières. Dans les années 1980, Islamabad a joué un rôle majeur en soutenant des factions afghanes contre l’Union soviétique, puis a maintenu une influence active après les événements du 11 septembre.
Le retour des talibans au pouvoir en 2021 a d’abord ouvert une phase d’ouverture, rapidement suivie par une relation plus fragile où Islamabad accuse Kaboul d’abriter les éléments de la Tehreek‑e‑Taliban Pakistan (TTP), allégations démenties par les autorités afghanes.
Déclenchement des hostilités
La frappe aérienne menée par le Pakistan dans la nuit du 9 octobre 2025, près du carrefour Abd al‑Haq à Kaboul, a marqué un tournant. Islamabad a affirmé viser le chef de la TTP, Noor Wali Mehsud, tandis que Kaboul a dénoncé une violation flagrante de sa souveraineté.
Cette attaque a déclenché des ripostes et des mouvements militaires dans les provinces frontalières, accentuant le risque d’une spirale de violences qui dépasse le cadre local.
Par médiation qatarie et turque, des délégations afghanes et pakistanaises ont conclu à Doha un accord de cessez‑le‑feu immédiat, selon le ministère qatari des Affaires étrangères.
L’étude recommande trois pistes parallèles pour contenir la crise :
- Respect strict des accords de cessez‑le‑feu et prévention des opérations transfrontalières en distinguant clairement cibles militaires et civiles.
- Mise en place de canaux officiels et transparents d’enquête et de reddition de comptes pour les allégations réciproques.
- Renforcement du rôle de la médiation régionale et internationale pour reconstruire la confiance et traiter les causes structurelles du conflit.
Points de vue divergents
La perception afghane s’articule autour de trois principes centraux :
- Défense de la souveraineté nationale.
- Accusation de soutien pakistanais au terrorisme transfrontalier.
- Clarification du positionnement de Kaboul vis‑à‑vis de la TTP, présentée comme distincte du gouvernement afghan.
Selon le gouvernement afghan, les frappes pakistanaises constituent des actes « provocateurs » et « irresponsables » portant atteinte à l’intégrité du territoire national.
La vision pakistanaise repose elle aussi sur trois axes :
- Crainte d’activités de la TTP depuis le sol afghan.
- Exigence d’actions concrètes de Kaboul contre les groupes armés.
- Priorité à la sécurisation des frontières communes.
Ce jeu d’accusations réciproques a aggravé la défiance et conduit les deux États à mobiliser leurs forces comme levier de pression parallèle à la diplomatie.
Dimensions régionales et internationales
Le conflit ne se limite pas à un différend bilatéral : il revêt des implications régionales et globales. Le corridor économique Chine‑Pakistan (CPEC), composante clé de l’initiative « Belt and Road », et le port de Gwadar peuvent être affectés par l’instabilité croissante.
Les Nations unies ont appelé au calme et à la reprise d’un dialogue direct, tandis que des experts alertent sur l’absence d’un mécanisme régional solide de gestion de crise entre Kaboul et Islamabad.
Par ailleurs, la compétition d’influence entre grandes puissances, notamment la Russie et les États‑Unis, ajoute une dimension stratégique rendant la situation plus volatile.
Scénarios possibles
L’étude identifie quatre trajectoires envisageables pour l’évolution du conflit :
- Poursuite des frappes pakistanaises — Des opérations aériennes et terrestres répétées pourraient plonger les deux pays dans une spirale de violence, fragilisant la sécurité intérieure et compliquant toute reprise du dialogue.
- Échec des pourparlers — Une rupture diplomatique amènerait une baisse du partage de renseignements, offrant aux groupes armés des opportunités pour étendre leurs activités le long de la frontière.
- Apaisement — La médiation internationale et régionale permettrait de réduire les tensions et d’imposer un gel des hostilités, comme l’accord de cessez‑le‑feu obtenu à Doha en octobre 2025.
- Accord régional élargi — Scénario le plus ambitieux : transformer le différend en un cadre de coopération incluant l’Afghanistan, le Pakistan et leurs voisins (Iran, Inde, républiques d’Asie centrale) pour instaurer des traités de sécurité régionale et relancer la coopération économique.
L’étude conclut que le remplacement de la confrontation par la coopération, via le dialogue et la reconstruction de la confiance, reste la voie la plus réaliste pour stabiliser la région et éviter une crise aux conséquences étendues.