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Les récentes frappes aériennes israéliennes sur la banlieue sud de Beyrouth marquent une escalade sans précédent depuis l’accord de cessez-le-feu. Selon le colonel Elias Hanna, expert militaire et stratégique, ces attaques visent à imposer de nouvelles règles d’engagement qui légitiment l’intervention répétée d’Israël au Liban, tout en lui offrant une liberté d’action sans remise en cause.
Une série de frappes ciblées
Israël a lancé 23 raids aériens à l’aide de drones et de chasseurs, visant plusieurs sites dans la banlieue sud. Avant ces opérations, des ordres d’évacuation ont été donnés à des bâtiments situés dans les quartiers d’Al-Hadath, Hara Harik et Bourj Al-Barajneh. Ces zones sont accusées par Israël d’être utilisées par le Hezbollah pour la fabrication de drones, ce qui a provoqué un déplacement massif des civils.
Le colonel Hanna explique que cet acte d’escalade est le quatrième du genre depuis l’accord de cessez-le-feu, mais il se distingue par son intensité et son ampleur, illustrant la volonté d’Israël d’entraver la reconstruction militaire et opérationnelle du Hezbollah.
Violation des accords internationaux
D’après l’expert, ces frappes constituent une violation directe des mécanismes prévus par l’accord de cessez-le-feu ainsi que de la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies. Notamment, Israël a outrepassé la coordination requise avec le comité quadripartite chargé de consulter l’armée libanaise avant toute attaque. De plus, elle a refusé la visite d’inspection des sites menacés.
Le colonel considère qu’Israël agit comme si l’accord international lui concédait des droits secrets lui permettant de mener des opérations aériennes, terrestres et maritimes à sa guise sur le territoire libanais. Cette approche se manifeste par la concentration des attaques dans des zones à forte implantation populaire du Hezbollah, notamment dans la banlieue sud, le sud du pays, et la vallée de la Bekaa.
Vers la fin de la mission de la FINUL ?
Cette stratégie militaire coïncide avec des fuites d’informations sur une possible volonté des États-Unis de mettre fin à la mission de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (FINUL) dans le sud. Cette décision pourrait créer un vide stratégique dont Israël chercherait à tirer parti pour imposer une nouvelle équation d’intervention.
Le colonel met en doute la véracité des affirmations israéliennes concernant des usines de fabrication de drones, rappelant que la production de ces engins ne nécessite pas des installations gigantesques et peut s’effectuer dans de petits ateliers. Selon lui, les frappes viseraient davantage la structure socio-économique que des cibles militaires réelles.
Le Hezbollah possède depuis plusieurs années une expertise dans la fabrication de drones, comme en témoigne l’assassinat de Hassan Al-Laqis, chef de l’unité drones du parti en 2013. Ces attaques israéliennes ont pour objectif de paralyser les capacités du mouvement avant qu’elles ne se développent davantage.
Des frappes aux caractéristiques spécifiques
Les bombardements ont utilisé des bombes à fort pouvoir de destruction, ce qui suggère la visée de sites souterrains. Des bombes pénétrantes telles que MK84, GBU et BLU109 ont été employées, témoignant d’une intention de détruire des fortifications profondes. Ces éléments expliquent les ordres d’évacuation anticipés dans des zones comme Ain Qana.
Le colonel Hanna souligne que de telles méthodes, incluant des frappes préalables sur les toits pour avertir les habitants, ont déjà été employées à Gaza. Cela indique une préparation minutieuse pour cibler des infrastructures présumées d’origine militaire.
Réactions et perspectives
Concernant une riposte possible du Hezbollah, le colonel considère comme scénario le plus probable une réponse localisée dans des régions frontalières telles que la Galilée. Il exclut l’ouverture d’un front large, estimant que le mouvement n’est pas actuellement prêt pour un tel affrontement.
Le Hezbollah demeure officiellement soumis à la résolution 1701, tout en maintenant un discours affirmant que le monopole des armes revient uniquement à l’armée libanaise. Cette position exclut une escalade vers une guerre ouverte avec Israël pour le moment.
Les enjeux géopolitiques
Israël cherche à établir un modus operandi lui permettant de frapper à volonté, sous une couverture internationale faible voire inexistante. Le manque d’action des États-Unis face à la situation au Liban offre à Benjamin Netanyahou une marge de manœuvre élargie sur le front nord.
Cette passivité américaine se manifeste par l’absence d’émissaires politiques sur le terrain libanais, laissant ainsi libre cours aux opérations israéliennes. Parallèlement, le Premier ministre israélien utilise cette situation pour détourner l’attention des crises internes et des difficultés dans la gestion du conflit à Gaza.
Enfin, le colonel Hanna estime que l’escalade actuelle pourrait servir à Netanyahou pour échapper à la crise politique liée aux Haredim et la fragilité de son gouvernement. Ce choix stratégique bénéficie d’un large soutien au sein des institutions sécuritaires et politiques israéliennes.
Il conclut que cette montée en tension ne sera pas la dernière, Israël cherchant à imposer de nouvelles réalités surpassant les accords existants et ouvrant la voie à des interventions militaires répétées, justifiées par la nécessité d’empêcher des menaces, même au prix de la souveraineté libanaise.