Table of Contents
Marquée par une histoire tumultueuse, la Pologne reste vigilante face à la Russie, surtout après l’invasion de l’Ukraine avec laquelle elle partage une frontière de 535 kilomètres. Ce contexte a poussé Varsovie à engager un réarmement ambitieux, initié sous le gouvernement populiste du PiS et intensifié par l’actuel Premier ministre conservateur Donald Tusk. Selon Jens Boysen, professeur de relations internationales à Varsovie, « la Pologne fait partie des faucons de l’alliance occidentale, refusant fermement toute concession à Moscou ».
Un réarmement massif et diversifié
Depuis 2023, la Pologne a passé de nombreuses commandes d’équipements militaires, majoritairement acquis hors d’Europe, avec des délais de livraison s’étalant sur dix ans. Parmi ces acquisitions, figurent plus de 1 500 chars, plusieurs centaines d’obusiers et lance-roquettes, ainsi que de nombreux hélicoptères et avions de combat. Cette montée en puissance témoigne d’une volonté claire de renforcer la défense nationale face à la menace russe.
Une stratégie ambitieuse portée par Donald Tusk
Donald Tusk vise encore plus loin. Il prévoit de consacrer près de 5 % du PIB polonais à la défense nationale. Lors d’un discours prononcé en mars devant le Sejm, le Parlement polonais, il a annoncé son intention de doubler les effectifs militaires à 500 000 hommes, ce qui ferait de l’armée polonaise la plus importante de l’Union européenne. Il souhaite également instaurer une formation militaire pour chaque homme adulte et étudier sérieusement la possibilité de bénéficier de la dissuasion nucléaire française.
Trois semaines après cette annonce, le ministre de la Défense, Wladyslaw Kosiniak-Kamysz, a signé un contrat d’envergure de 1,9 milliard d’euros avec les États-Unis pour l’acquisition de systèmes de défense antiaériens Patriot. Par ailleurs, un accord d’amitié et de coopération, appelé Traité de Nancy, doit être signé avec la France en mai, intégrant une importante dimension militaire.
« Si l’Europe veut survivre, elle doit être forte et armée », a martelé Donald Tusk à Strasbourg. Ce message prend d’autant plus d’importance que la Pologne assure la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne depuis janvier, et que des élections présidentielles cruciales sont prévues le 18 mai. À ce jour, le maire de Varsovie, Rafal Trzaskowski, proche de Tusk, semble en tête des sondages.
Les défis à relever pour tenir les engagements
Malgré ces ambitions nationales, la Pologne fait face à plusieurs obstacles.
Contraintes démographiques
Le pays, vieillissant et en situation de plein emploi, rencontre des difficultés pour recruter. Beaucoup de jeunes Polonais ont choisi de s’exiler vers l’Ouest à la recherche de meilleures conditions de vie.
Modernisation encore inachevée
La modernisation de la capacité militaire est encore en cours. Amélie Zima, chercheuse à l’Institut français des relations internationales (Ifri), rappelle qu’en 2010, plus des deux tiers des blindés et de l’artillerie automotrice dataient de l’ère communiste et qu’aujourd’hui, ce chiffre reste à 50 %.
Interopérabilité complexe
La diversité des équipements commandés, provenant notamment des États-Unis et de la Corée du Sud, complique l’interopérabilité des forces armées polonaises.
Dépendance et incertitudes stratégiques
Face à une administration américaine potentiellement moins favorable, la dépendance technologique reste un défi. Pierre Buhler, ancien ambassadeur à Varsovie, note : « La Pologne, qui héberge 11 000 soldats américains, s’est longtemps considérée comme le chouchou de l’Amérique et lui a acheté beaucoup d’armement. L’entretien et les mises à jour des logiciels ne peuvent se faire qu’avec le soutien de Washington. »
Pour repousser la menace russe, Tusk cherche donc à trouver un équilibre entre détermination nationale, engagement européen et alliances transatlantiques.