Home ActualitéSécurité et défenseMise en œuvre des peines alternatives au Maroc : avancées et défis

Mise en œuvre des peines alternatives au Maroc : avancées et défis

by Sara
Maroc

Entré en vigueur le 22 août 2025, le dispositif des peines alternatives a commencé à être appliqué dans les tribunaux marocains. L’objectif affiché est double : réduire la surpopulation carcérale et promouvoir une justice axée sur la réparation et la réinsertion. La mise en œuvre initiale concerne principalement les délits punis d’une peine d’emprisonnement maximale de cinq ans.

Entrée en vigueur et cadre légal

Le texte a été adopté par la chambre des représentants le 24 juin de l’année précédente et publié au Bulletin officiel le 22 août. Son application effective a toutefois attendu la parution des décrets et circulaires d’application nécessaires.

La loi définit les peines alternatives comme celles prononcées en remplacement des peines privatives de liberté pour les délits dont la peine ne dépasse pas cinq ans. Certaines infractions en sont toutefois exclues.

  • Sont exclus : les crimes portant atteinte à la sécurité de l’État, le terrorisme, l’abus de confiance et la concussion.
  • Sont également exclus : la corruption, l’exploitation de l’influence, la dilapidation de deniers publics, le blanchiment d’argent, les infractions militaires, le trafic international de stupéfiants et d’organes, ainsi que l’exploitation sexuelle des mineurs ou des personnes en situation de handicap.

Siège du parlement à Rabat

Harmonisation des pratiques et instructions aux tribunaux

Avant l’application du texte, le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire a diffusé une circulaire visant à uniformiser les pratiques. L’accent a été mis sur les aspects pratiques à respecter pendant la première phase d’exécution.

La circulaire recommande notamment :

  • la désignation d’un juge spécialisé en peines alternatives dans chaque tribunal ;
  • la coordination avec les administrations pénitentiaires et les autres intervenants ;
  • la remontée au Conseil de toute difficulté pratique pour examen et traitement.

Pour plusieurs acteurs de la société civile et du barreau, ce cadre d’accompagnement est un signe positif quant à la volonté des autorités d’assurer une application ordonnée du dispositif.

Réactions d’experts

Nofel Baamri, président d’une organisation marocaine de défense des droits humains et avocat au barreau de Tétouan, a qualifié la loi d’une avancée majeure. Il a rappelé que les peines prévues incluent notamment le bracelet électronique, le travail d’intérêt général et les amendes journalières en remplacement des jours de détention.

Mustapha Naoui, avocat au barreau de Casablanca, a décrit le système comme « des alternatives à la peine et à l’incarcération », marquant une étape importante vers une justice pénale plus respectueuse de la liberté et de la dignité, même s’il estime que la réforme n’a pas remplacé une refonte complète du code pénal.

Abdellah Khodari, président d’un centre marocain pour les droits de l’homme, a souligné que le succès du dispositif dépendra de la capacité des acteurs à surmonter des défis pratiques et structurels.

Tribunal de première instance de Témara

Premiers dossiers traités et répartition géographique

Au cours de la première semaine d’application, les tribunaux ont prononcé des mesures alternatives dans 44 dossiers concernant 45 prévenus. La répartition géographique a été la suivante :

  • Tanger : 17 dossiers;
  • Marrakech : 10 dossiers;
  • Taza : 4 dossiers;
  • Tétouan : 3 dossiers;
  • Souk Sebt et Oulad N’Naam : 2 dossiers chacun;
  • Les tribunaux d’Agadir, Tinghir, Chefchaouen, Ouezzane, Béni Mellal, Fquih Ben Salah, Laâyoune et Dakhla : 1 dossier chacun.

Les types de peines alternatives prononcées se sont présentés comme suit :

  • Conversion de la peine de prison en amende journalière (100 à 500 dirhams par jour) : 19 dossiers ;
  • Travail d’intérêt général : 15 dossiers ;
  • Obligation de se rendre au poste de police/gendarmerie une à deux journées par semaine : 6 dossiers ;
  • Poursuite d’une formation professionnelle et travail pour la collectivité : 2 dossiers ;
  • Réparation des dégâts causés par l’infraction et obligation de se présenter au poste : 1 dossier ;
  • Surveillance électronique par bracelet : 1 dossier ;
  • Prise en charge médicale en centre de soins pour traitement d’addiction : 1 dossier.

Les infractions concernées vont de l’abus de confiance et de la falsification aux violences, consommation de stupéfiants, ivresse publique, violences contre les femmes, détention d’arme, escroquerie et outrage à fonctionnaire.

Les tribunaux ont averti les condamnés que tout manquement aux obligations entraînera l’exécution de la peine d’emprisonnement initialement prononcée.

Défis pratiques et conditions de réussite

Les intervenants insistent sur le fait que l’application efficace des peines alternatives repose sur plusieurs conditions matérielles et humaines. Le rôle des juges, en particulier des juges de l’exécution, est central.

Parmi les principaux défis identifiés :

  • Disponibilité des moyens pour assurer le suivi (centres de surveillance électronique, structures d’accueil) ;
  • Présence de cadres qualifiés pour superviser le travail d’intérêt général et les programmes de réhabilitation ;
  • Formation continue des magistrats, des avocats et des acteurs de terrain ;
  • Implication des organisations de la société civile pour sensibiliser, accompagner et produire des évaluations indépendantes.

Les experts rappellent que la réussite repose également sur des programmes de réinsertion professionnelle et sociale pour préserver l’équilibre entre la prévention, la sécurité publique et la réhabilitation des condamnés.

source:https://www.aljazeera.net/politics/2025/8/31/%d8%aa%d9%81%d8%b9%d9%8a%d9%84-%d9%82%d8%a7%d9%86%d9%88%d9%86-%d8%a7%d9%84%d8%b9%d9%82%d9%88%d8%a8%d8%a7%d8%aa-%d8%a7%d9%84%d8%a8%d8%af%d9%8a%d9%84%d8%a9-%d8%a8%d8%a7%d9%84%d9%85%d8%ba%d8%b1%d8%a8

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