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Tajikistan renforce sa sécurité à la frontière avec l’Afghanistan
Après le retour des Talibans au pouvoir en Afghanistan il y a trois ans, le Tajikistan a pris des mesures pour renforcer la sécurité de ses frontières. Cela inclut la construction d’un cordon de sécurité et de postes de contrôle le long de la frontière commune de 1374 kilomètres, dont environ 1184 kilomètres fluviaux et 190 kilomètres terrestres.
Le Tajikistan est le troisième pays, après le Pakistan et l’Iran, à établir un cordon de sécurité à sa frontière avec l’Afghanistan. Le pays a déployé environ 2000 soldats à la frontière avec son voisin afghan après le retrait américain, et a établi plus de 60 postes de contrôle. De plus, la base militaire russe 201 contribue à surveiller la situation sécuritaire en Afghanistan et à soutenir la sécurité des frontières, qui comprend 7 points de passage officiels entre les deux pays.
Historique de la sécurité frontalière
La conception du cordon de sécurité remonte à 1998, lorsque le président tajik Imam Ali Rahmon l’a présentée aux Nations Unies. Avec le début de l’intervention américaine en Afghanistan, l’idée a été mise de côté, mais elle est revenue sur le devant de la scène depuis 2019, juste avant le retrait des troupes américaines et de l’OTAN d’Afghanistan.
Dans ce contexte, le vice-premier ministre afghan, Mulla Abdul Salam Hanafi, a déclaré à Al Jazeera que son pays « s’efforce d’établir des relations solides avec les pays voisins, mais ne restera pas les bras croisés en cas de menace ».
Renforcement de la surveillance
Selon le site du ministère des Affaires étrangères du Tajikistan, la frontière entre l’Afghanistan et le Tajikistan a été redessinée quatre fois, la première en 1946 lorsque l’Afghanistan et l’Union Soviétique ont convenu de délimiter la frontière. La frontière a été redessinée en 1993, après le retrait soviétique d’Afghanistan. En 2005, les gouvernements afghans et tajiks ont défini les points de passage frontaliers, et Kaboul et Douchanbé ont renouvelé en 2013 l’accord précédent sur la définition des points de passage, convenant de 7 points de passage officiels entre les deux pays.
Le renforcement par le Tajikistan de son cordon de sécurité intervient dans le cadre de sa position face aux Talibans. Le pays a déjà accueilli des opposants au régime taliban et des responsables du gouvernement afghan précédent, exprimant ses inquiétudes concernant l’existence de camps d’entraînement pour les combattants près de ses frontières.
Objectifs de sécurité
Des sources proches du gouvernement tajik, qui ont souhaité garder l’anonymat, affirment que le Tajikistan vise plusieurs objectifs par cette initiative, notamment :
- Prévenir l’extension des troubles sécuritaires et du radicalisme en Asie centrale.
- Renforcer la coopération sécuritaire entre les pays voisins pour la surveillance des frontières.
- Créer un corridor économique sécurisé pour le commerce, soutenu potentiellement par la Chine.
- Lutter contre le trafic de drogue, un défi régional majeur.
- Améliorer la coopération sécuritaire entre les pays voisins de l’Afghanistan, notamment dans le cadre de l’Organisation de Shanghai pour la coopération et de l’Organisation du traité de sécurité collective.
Cependant, la mise en œuvre de cette stratégie nécessite un large consensus régional, ce qui pourrait être refusé par les Talibans, compte tenu de leurs relations avec la Russie et la Chine. Les implications sécuritaires et politiques du cordon de sécurité que le Tajikistan cherche à établir pourraient être significatives.
Perspectives et préoccupations
Le chercheur en affaires stratégiques, Jamal Karimi, souligne que « la réalisation de cette idée pourrait engendrer de nouvelles tensions géopolitiques entre les grandes puissances, car le cordon de sécurité s’oppose aux intérêts de certains pays, ce qui pourrait compliquer davantage la situation sécuritaire et humanitaire en Afghanistan ».
Certains experts en sécurité au Tajikistan associent la construction du cordon de sécurité aux attentats et aux assassinats survenus dans le nord de l’Afghanistan, notamment dans les provinces de Kunduz et Takhar, où l’État islamique a revendiqué certains d’entre eux, comme l’attentat contre une banque locale et l’assassinat d’un citoyen chinois dans le nord du pays.
Pourtant, l’ancien ambassadeur afghan à Islamabad, Najibullah Ali Khil, estime que « la création d’un cordon de sécurité ne suffira pas à rompre les réseaux de recrutement des groupes armés en Asie centrale, qui sont devenus plus répandus et capables d’exécuter des opérations complexes. La solution réside dans la coordination sécuritaire et la coopération officielle avec l’Afghanistan, et non dans la construction de barrières frontalières ».
Le cordon de sécurité que le Tajikistan envisage est donc au cœur d’un débat, entre ceux qui le considèrent comme une nécessité sécuritaire pour protéger ses frontières et ceux qui le jugent comme un projet coûteux et irréalisable. Alors que les tensions dans la région continuent de croître, la question demeure : ce cordon peut-il renforcer la sécurité ou compliquer davantage la situation géopolitique en Asie centrale ?