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Le séisme dit « de l’Hoz » a frappé le sud et le sud‑est du Maroc dans la soirée du 8 septembre 2023, avec des répliques ressenties jusqu’à l’ouest et le nord‑ouest du pays. De magnitude estimée à 6,8 sur l’échelle de Richter par l’USGS (jusqu’à 7 selon certains organismes locaux), son épicentre se situait près du village d’Ighil, à environ 75 km au sud‑ouest de Marrakech. Le bilan humain et matériel a été lourd : près de 3 000 morts, des milliers de blessés et des millions de personnes touchées directement ou indirectement.
Dénomination et contexte régional
Ce séisme est couramment appelé « séisme de l’Hoz » en référence à la province de l’Hoz, où se trouvait son foyer. La province, à caractère essentiellement montagneux et rural, compte environ 600 000 habitants et regroupe près de 40 villes et communes.
Caractéristiques de la province :
- Surface approximative : 6 200 km², majoritairement montagneuse.
- Villes et communes importantes : Aït Ourir, Moulay Ibrahim, Asni, Amzmiz, Tahnaout, Tameslouht, Taddart, Tidli.
- Reliefs dominants : massif du Haut Atlas, où se situe le Jbel Toubkal (4 165 m).
Diagnostic géologique
Le séisme est survenu à 23h11, heure locale (22h11 GMT), le 8 septembre 2023. Son foyer a été localisé dans le Haut Atlas, à une profondeur estimée entre 20 et 25 km près du village d’Ighil.
Analyses et particularités :
- Magnitude : 6,8 selon l’Institut géophysique américain, jusqu’à 7 selon le Centre national de recherche scientifique et technique du Maroc.
- Mécanisme : glissement le long d’une faille inversée en profondeur, avec une rupture plus profonde que la normale pour la région (près de 25 km).
- Importance scientifique : considéré comme le plus grand événement enregistré dans le Haut Atlas grâce aux technologies géodésiques récentes, dans une zone généralement peu sismique.
- Historique : depuis 1900, neuf secousses avaient été recensées dans la région, la plus forte atteignant 6,0 à environ 500 km d’Ighil.
Une nouvelle secousse de magnitude 4,5 a été signalée à Amzmiz en septembre 2025, confirmant une activité sismique persistante dans la zone.
Bilan humain et dégâts matériels
Le séisme a fait 2 946 morts et 5 674 blessés selon les rapports officiels. La répartition des victimes montre une concentration élevée dans les zones montagneuses et rurales.
Répartition des victimes par province :
- Province de l’Hoz : 1 684 décès.
- Taroudant : 980 décès.
- Chichaoua : 202 décès.
- Ouarzazate : 38 décès.
- Marrakech : 18 décès.
- Azilal : 11 décès.
Caractéristiques sociodémographiques des victimes :
- 53,9 % des victimes étaient des femmes.
- 32,7 % avaient plus de 65 ans.
- 65,5 % des victimes vivaient en zones rurales, soulignant la vulnérabilité des territoires isolés.
Sur le plan matériel, des milliers de bâtiments se sont effondrés, en particulier des maisons en pisé et en pierre à toiture terreuse. Un rapport d’experts en ingénierie sismique a relevé une grande faiblesse structurelle dans de nombreuses constructions traditionnelles et dans certaines constructions « modernisées ».
Statistiques des dommages et de l’impact sur l’habitat :
- 66 % des logements de la zone touchée ont été endommagés, affectant environ 2,8 millions de personnes.
- 163 communes (68 % du total) ont subi des dégâts.
- 29 30 logements ruraux endommagés (35 %), 59 674 bâtiments affectés au total : 32 % détruits totalement, 68 % partiellement.
- Dans la province de l’Hoz, 100 % des communes (40) ont été touchées ; à Marrakech 13 communes (68 %) ont subi des dommages.
- Taux d’atteinte par province : Chichaoua 91 % (32 communes), Taroudant 64 % (57 communes), Ouarzazate 100 % (17 communes), Azilal 23 %.
Beaucoup de familles affectées vivent dans des zones où l’accès aux routes pavées est restreint : la distance moyenne pour rejoindre une route carrossable est de 5,9 km, bien au‑dessus de la moyenne nationale (environ 3 km).
Impact économique
Le coût humain s’est doublé d’un impact économique sensible. Une étude du « Centre des politiques pour le Sud » a estimé les pertes directes à environ 0,24 % du PIB marocain en 2023, soit près de 3 milliards de dirhams (environ 330 millions USD selon l’étude citée).
Répartition et conséquences :
- La province de l’Hoz concentre 53 % des pertes économiques parmi les six provinces les plus touchées, soit environ 1,2 milliard de dirhams.
- Taroudant : 739 millions de dirhams de pertes estimées.
- Les provinces de Chichaoua, Marrakech, Ouarzazate et Azilal cumulent environ 305 millions de dirhams de pertes.
Le séisme a accentué les inégalités sociales et économiques locales :
- Taux de pauvreté monétaire dans les zones affectées : 8 % (près du double de la moyenne nationale de 4,8 %).
- Taux de pauvreté multidimensionnelle : 18,5 % (contre 8,2 % au niveau national).
- Indice de vulnérabilité économique : 21,5 % (contre 12,6 % au niveau national).
La province de l’Hoz reste l’une des moins développées du pays, avec de fortes poches de pauvreté, notamment en milieu rural où le taux de pauvreté monétaire atteint 6,2 %.
Plan de secours et programme de reconstruction
Immédiatement après la catastrophe, le Royaume a décrété trois jours de deuil national et formé une commission ministérielle chargée d’un programme de reconstruction et de réhabilitation. Le roi Mohammed VI a présidé la première réunion de travail le 9 septembre 2023 et a ordonné l’ouverture d’un compte spécial pour la gestion des fonds destinés aux victimes.
Principales mesures financières et organisationnelles :
- Création du « Fonds spécial de gestion des effets du séisme » (annoncé le 10 septembre 2023), alimenté par des dons et contributions d’un montant total d’environ 19 milliards de dirhams (1,9 milliard USD).
- Annonce, le 20 septembre 2023, d’une agence dédiée et d’un programme de reconstruction doté d’un budget de 120 milliards de dirhams (sur 5 ans, 2023–2028), destiné à gérer la mise en œuvre des travaux.
Le plan de reconstruction se décompose en deux volets :
- Volet d’urgence (budget de 22 milliards de dirhams) : aides immédiates aux familles, dont un volet logement d’environ 8 milliards de dirhams et des opérations de relogement et d’amélioration de l’habitat pour 4,2 millions de personnes entre 2023 et 2027.
- Volet structurel (budget de 98 milliards de dirhams) : renforcement des infrastructures, financement par prêts et politiques publiques de soutien pour améliorer les conditions de vie dans le Haut Atlas.
Objectifs chiffrés du programme :
- Reconstruire 20 000 logements totalement détruits.
- Réhabiliter 40 000 logements partiellement endommagés.
- Réhabiliter 600 établissements scolaires et 42 centres de santé prioritaires.
- Adoption du projet de loi n°50/23 accordant aux enfants ayant perdu leurs parents le statut de « pris en charge par la nation », afin d’assurer leur protection et soutien immédiat.
Critiques, mobilisation des victimes et appels à la transparence
Deux ans après la catastrophe, des associations locales et nationales ont exprimé de vives critiques quant à la gestion de l’aide et à la transparence des opérations. Parmi elles, la « Coalition civile pour la montagne » et la « Coordination nationale des victimes du séisme de l’Hoz » ont dénoncé le manque d’équité et des dysfonctionnements dans le processus d’indemnisation.
Principales revendications et constats formulés par ces associations :
- Persistances de centaines de familles vivant dans des tentes délabrées, sans conditions dignes de vie.
- Incohérences dans les chiffres officiels concernant les bénéficiaires d’aides et le nombre réel de logements reconstruits.
- Allégations d’exclusion de milliers de familles suite à des irrégularités dans les opérations de recensement et de distribution, avec des soupçons d’intervention de certains agents locaux.
- Cas rapportés où des ménages totalement sinistrés n’ont reçu qu’un soutien partiel (80 000 dirhams) ou aucun appui significatif.
Dans un communiqué commun publié fin juillet 2025, ces organisations ont affirmé que « la souffrance des milliers de familles affectées perdure malgré le temps écoulé » et ont demandé la mise en place de commissions centrales indépendantes pour réévaluer les dommages et garantir une distribution des aides hors de tout favoritisme.
Situation actuelle et enjeux
Le séisme de septembre 2023 a mis en lumière la vulnérabilité des zones montagneuses et rurales du Maroc face aux catastrophes naturelles, ainsi que l’importance d’un renforcement durable des normes de construction et des infrastructures locales.
Enjeux à moyen et long terme :
- Assurer une reconstruction inclusive et transparente, répondant aux besoins des familles sinistrées.
- Renforcer la résilience des communautés rurales par des investissements dans les routes, les services sanitaires et l’éducation.
- Améliorer la prévention sismique et l’ingénierie locale pour réduire le risque futur.
Le défi reste majeur : concilier rapidité d’intervention et qualité des projets de reconstruction, tout en garantissant équité et contrôle citoyen sur l’usage des ressources mobilisées.