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Les récents coups d’État survenus au Mali, au Burkina Faso et au Niger, ainsi que l’émergence de régimes hostiles à la France, soulèvent une interrogation majeure : les services secrets français en Afrique sont-ils devenus aveugles ? Un rapport parlementaire d’une centaine de pages, consulté en exclusivité, met en lumière ces inquiétudes tout en dressant un bilan critique de la situation.
Un rapport parlementaire qui dresse un audit des services de renseignement
Produit annuellement par la délégation parlementaire au renseignement, ce document rassemble huit sénateurs et députés habilités au secret-défense. Il fonctionne comme un audit approfondi des services secrets français. Malgré de nombreuses pages classifiées et censurées, le rapport offre un contenu dense et pertinent, incluant des recommandations qui restent confidentielles.
Cette édition met l’accent sur plusieurs thématiques majeures telles que la guerre cyber, le bilan sécuritaire des Jeux Olympiques de Paris 2024, l’utilisation des fonds secrets, ainsi que l’analyse du déclenchement de la guerre en Ukraine. Une partie spécifique est consacrée à la situation des services français en Afrique, notamment la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure) et la DRM (Direction du renseignement militaire).
Trois cas illustrant les failles du renseignement français en Afrique
Les parlementaires ne reviennent pas sur l’incarcération puis la libération en janvier de quatre agents de la DGSE au Burkina Faso, mais cherchent à comprendre comment plusieurs coups d’État ont pu échapper à la vigilance française. Ils soulignent leur « préoccupation face à la multiplication de renversements de régimes non anticipés ».
Trois exemples concrets sont analysés :
- Mali, 24 mai 2021 : Lors du coup d’État orchestré par le colonel Assimi Goïta contre le président de transition Bah N’Daw, la DGSE disposait de renseignements sur une intention putschiste avant les événements, bien que les détails restent classifiés.
- Burkina Faso, septembre 2022 : Le capitaine Ibrahim Traoré évince le président Paul-Henri Sandaogo Damiba après plusieurs jours de négociations. Les services français avouent avoir été dépassés par la rapidité et la spontanéité de la situation, reconnaissant qu’il faudrait s’intéresser plus en profondeur aux échelons inférieurs des forces armées pour mieux recueillir du renseignement. « Le capitaine Traoré, on ne l’a pas détecté », confesse un responsable aux parlementaires.
- Niger, juillet 2023 : Lorsque le général Abdourahamane Tiani, commandant la garde présidentielle, chasse le président Mohamed Bazoum, les services français n’ont encore une fois rien soupçonné. À noter que les putschistes n’avaient pas initialement d’intention putschiste en pénétrant dans les locaux présidentiels, ce qui a complexifié la détection.
Un constat d’aveuglement et une faille dans le renseignement humain
Le rapport souligne que ces trois années d’instabilité politique au Sahel, marquées par la montée de régimes défavorables à la France, s’accompagnent d’un contexte de désinformation et d’ingérences étrangères hostiles, rendant le travail d’anticipation extrêmement complexe. Le respect de la souveraineté des États concernés limite également l’exercice du renseignement.
Les parlementaires pointent une « faille dans le renseignement humain », notamment concernant le commandement intermédiaire et subalterne des forces armées partenaires. Cette défaillance dans la détection des signaux faibles a conduit à des échecs répétés dans l’anticipation des coups d’État.
Le retrait des forces françaises du Sahel instaure une nécessité de réorganisation des services de renseignement, impliquant la DGSE, la DRM et la DRSD, afin d’adapter leurs méthodes dans un contexte désormais renouvelé.