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Aux États-Unis, l’éducation LGBTQ+ est prise pour cible à la fois par des coupes budgétaires universitaires et par des lois d’État qui restreignent l’enseignement des questions de genre et de sexualité ; ces attaques menacent des départements académiques, privent des étudiant·es d’espaces de soutien et jettent un froid sur les curricula inclusifs dans le primaire et le secondaire.
Éducation LGBTQ+ : suppressions de départements et conséquences à Sonoma State et ailleurs
Don Romesburg, historien de la sexualité et du genre et ancien responsable du département Women’s and Gender Studies (WGS) à Sonoma State University, a passé deux décennies à promouvoir l’enseignement inclusif. Pourtant, en janvier, Sonoma State a annoncé l’élimination de six départements, dont WGS, pour raisons budgétaires. Malgré une mobilisation étudiante et professorale qui a conduit la législature d’État à restaurer la plupart des fonds coupés et à allouer un supplémentaire de 41 850 000 €, l’administration de l’université a refusé de rétablir le département.
Romesburg explique l’effet concret de ces décisions : « le déficit budgétaire ou une crise produite par l’administration amène alors un administrateur externe qui opère ces coupes massives. » Pour lui, le résultat est clair : emplois précaires pour les chercheur·e·s et disparition d’un « lieu de rétention » pour des milliers d’étudiant·es qui trouvent dans ces départements un accueil, une reconnaissance et des outils pour comprendre la société.
« Pour beaucoup d’étudiant·es qui peinent à trouver leur place sur les campus, nos départements (…) deviennent un refuge et un endroit où leur savoir et leur expérience sont vus et valorisés. » — Don Romesburg
Au-delà des effets sur l’emploi universitaire, la suppression de ces programmes réduit les opportunités d’acquérir une compétence culturelle utile pour les professions (éducation, santé, services sociaux, politique, droit) et prive les étudiant·es non LGBTQ+ d’une perspective d’empathie et d’analyse critique des systèmes de pouvoir.
La stratégie californienne et la bataille pour des curricula inclusifs dans le primaire et le secondaire
Rommesburg a joué un rôle central dans l’intégration de l’histoire LGBTQ+ dans les programmes K–12 en Californie. Mobilisé dès 2010 pour défendre le Fair, Accurate, Inclusive, and Respectful (FAIR) Education Act, adopté par la Californie en 2011 et entré en vigueur en 2012, il a contribué aux changements de standards et de cadres pédagogiques entre 2014 et 2016 afin d’inclure des contenus adaptés à chaque niveau scolaire.
Ces modifications ont permis, explique-t-il, d’intégrer la diversité familiale dès le CE1, de reconnaître des personnes LGBTQ+ comme modèles dès le CM1, et d’ajouter des contenus historiques pertinents au collège et au lycée. Le combat s’est étendu ensuite aux manuels scolaires : « il y a eu tout un autre combat en 2017 et 2018 pour que les manuels s’alignent sur le nouveau cadre. »
Cependant, la diffusion de ces modèles n’a pas été uniforme. À partir de 2019, plusieurs États ont adopté des lois similaires à celles de la Californie (New Jersey, Illinois, Oregon, Washington, Connecticut, Colorado, Nevada). Mais parallèlement, depuis 2020 puis avec une accélération en 2022, l’administration Trump sortante et des majorités étatiques ont promu des directives anti-DEI et des lois « Don’t Say Gay/Trans » ou imposant la notification parentale pour tout contenu LGBTQ+. Romesburg note que, « à la mi‑juin de cette année, 19 États avaient des lois anti-LGBTQ+ dans les curricula, soit des lois ‘Don’t Say’ soit des lois de notification parentale ».
Selon lui, l’effet combiné des campagnes en ligne et des décisions politiques crée « un incroyable refroidissement sur les curricula inclusifs » et renverse des avancées qui semblaient solides quelques années plus tôt.
Conséquences pour la discipline, le terrain et les étudiant·es
Romesburg estime que les départements Women’s and Gender Studies et LGBTQ+ studies devront « se battre pour leur vie institutionnelle » en démontrant leur rôle dans la préparation professionnelle et civique. Il souligne aussi que la précarisation des carrières universitaires obligera chercheurs et chercheuses à imaginer d’autres espaces — communautaires ou associatifs — pour transmettre ces savoirs si les voies académiques traditionnelles se rétrécissent.
« Nous devons imaginer des espaces alternatifs où ce travail peut prospérer. » — Don Romesburg
Aux étudiant·es queer et trans, il donne des conseils concrets : suivre les cours disponibles, s’organiser pour défendre leurs programmes, mobiliser les alumn·es, et recréer des liens en présentiel. « Connecter avec des alumn·es est un outil puissant », dit-il, ajoutant que les relations intergénérationnelles sur les campus sont une ressource précieuse.
Face aux lois éducatives et aux assauts sur les curricula inclusifs, Romesburg met l’accent sur l’organisation locale et la continuité des espaces d’apprentissage et de soutien, professionnels ou communautaires, comme moyens de résistance et de préservation des connaissances.